Symboles utilisés
o : naissance, x : mariage (x : 1er mariage, xx : 2ème mariage... , + : décès, ca : environ, ? : date évaluée
exemple : (oca1584) signifie "naissance en 1584 environ"
- Fermier général
1789. Dans la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée Nationale avait aboli les privilèges et supprimé tous les droits féodaux. Les habitants roturiers des Fougerêts voyaient donc leurs vœux réalisés. Prirent-ils l’occasion pour se livrer à des désordres. Sans doute pas mais d’autres furent moins sages. Dans les chartriers des châteaux, les actes conservés établissaient les droits des seigneurs aux hommages et redevances. Certains se persuadèrent qu’ils ne seraient pas radicalement libérés tant que subsisteraient les titres officiels de leurs obligations. Des bandes se formèrent pour parcourir le pays et brûler les archives. Quand on leur résistait, elles mettaient le feu aux châteaux eux-mêmes. A ces brigands incendiaires, on donna le nom de « chauffeurs ». Le château de la Forêt-Neuve possédait des archives très riches où se trouvaient sans doute, à côté des titres de Rieux-Peillac, ceux de Rieux-Rieux, Rieux à Fégréac et peut-être ceux de Rochefort ; tout cela allait disparaitre. Ces titres intéressaient les sires de Rieux, les seigneurs secondaires, les vassaux du pays de Redon, les cultivateurs et petits propriétaires des environs de la Martinière en Issé Au moment de la Révolution, Augustin Joyaut occupait, à la Forêt-Neuve, les fonctions de fermier général du comté de Rieux à Peillac c’est-à-dire qu’il en était l’administrateur. A maintes reprises, on lui avait annoncé la visite prochaine des « chauffeurs ». Son premier projet fut d’armer les voisins. Il avait commencé de le mettre à exécution et en avait même averti la municipalité de Carentoir et de Redon ainsi qu’à quelques seigneurs du voisinage. N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante, voyant qu’il serait mal défendu par des paysans mal aguerris et que les brigands n’avaient incendié que les châteaux où ils avaient trouvé de la résistance, il avait renvoyé les hommes qu’il avait armés. Le 30 janvier 1790, il apprenait que les « chauffeurs » se trouvaient à Sixt et que leur intention était de se présenter le soir-même à la Forêt-Neuve pour y opérer une visite domiciliaire. Mais les incendiaires comptaient sans la force armée. Les soldats républicains les attaquèrent à Sixt le lendemain vers huit heures du soir, en fusillèrent un certain nombre et en emmenèrent d’autres en prison à Redon, à Lohéac et à Guichen. Cet incident n’arrêta pas les malfaiteurs. Le 3 février, Joyaut avait prié Pierre Mérot du village de Launay en Glénac de porter une lettre à la poste de Carentoir. Là-bas, celui-ci rencontra une troupe d’hommes armés qui traversait la bourgade, se dirigeant vers la Forêt-Neuve. Ils portaient des fusils, des pistolets et autres armes offensives, haches, fourches. Aussitôt Mérot revint à la hâte prévenir Joyaut de ce qui se préparait. Toute tentative de résistance était inutile mais du moins le fermier général voulut prendre les moyens de mettre sa responsabilité à couvert et d’empêcher, autant que possible, l’incendie du château. Il invita Mérot à rassembler les voisins pour être témoins et engager les brigands à ne pas mettre le feu au château et à ne pas maltraiter les habitants du même château. Vingt-cinq à trente hommes de Glénac et des Fougerêts répondirent à son appel ; un autre, Jacques Marchand des Noës courut à La Gacilly prévenir le sénéchal Grinsard, Clémenceau et autres notables de ce qui se passait. Pendant ce temps-là, les brigands approchaient. Pierre Gautier des Taillis les vit passer auprès de sa maison. Vers deux heures, on les vit entrer dans l’avenue principale du château. Ils étaient au nombre de cent trente. Joyaut s’avança à leur rencontre, seul et sans arme. Ils lui déclarèrent que leur intention était seulement de brûler les archives. Si on les leur livrait immédiatement, il ne serait fait aucun mal à la maison ni à ses habitants. Joyaut ne pouvait qu’obtempérer à leurs exigences. Huit hommes armés pénétrèrent dans le château et deux sentinelles furent placées à la porte pour en défendre l’entrée à tous les autres. Les huit délégués montèrent aux archives. Tous les titres furent jetés pêle-mêle par la fenêtre. Ceux qui étaient restés au dehors s’en emparèrent, les amoncelèrent dans un coin de la cour, à l’est de l’entrée actuelle, et y mirent le feu. Très souvent, des rondes étaient organisées autour du brasier comme cela eut lieu ailleurs, mais ce fait ne fut pas rapporté à la Forêt-Neuve. Joyaut fit distribuer du cidre à discrétion ; Mérot et Mathurin Marchand des Rues Gillet, les témoins, ne pouvaient omettre de rapporter ce détail. L’incendie dura trois heures et demie. A cinq heures et demie, tout était terminé ; les archives de Rieux n’existaient plus. Quels étaient les incendiaires ? D’où venaient-ils ? Les procès-verbaux négligèrent de le noter. A la requête de Joyaut, présentée par Maître Guillaume Burban de la Ville-es-Cart, son procureur, Maître Joseph-Marie Grinsard de la Salle, sénéchal de Rieux à Peillac, nomma trois experts pour enquêter sur ces évènements : Guillaume Hercelin, Léon Marquer et Joseph Morin. Puis, Maître Grinsard vint lui-même assisté de Maître Jean-François-Noël Briend procureur fiscal de ladite juridiction et de Maître Daniel notaire faire un procès de constat. En outre, des cinq témoins signalés ci-dessus, il interrogea Pierre Caillet du Guay, âgé d’environ 65 ans, garde-gruyer de la seigneurie de Rieux. Toute cette procédure fut très rapide et ne conduisit d’ailleurs à aucun résultat. A cette époque, les évènements se précipitaient trop rapidement pour qu’on eut le temps de s’y arrêter. Bientôt Grinsard dut considérer cet incident comme négligeable. La bibliothèque nationale conserve le procès-verbal de l’incendie par les Républicains de toutes les archives de la Forêt-Neuve ; il est signé par Joyaut et plusieurs administrateurs du district de Redon. 1795 Le 2 floréal an III, (21 avril), une séance publique présidée par le citoyen Gentil et où siégeaient les citoyens Saulnier, Thélohan et Mollié, administrateurs et Binel agent national, était tenue à Redon. (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2483°, folio 102) : « S’est présenté le citoyen Julien-Alexis Joyaut fermier de la terre de Rieux ; lequel déclare que la Forêt-Neuve est située dans la commune de Glénac, district de la Roche-des-Trois, département du Morbihan ; qu’après la dernière récolte, il se rendit au directoire de la Roche-des-Trois et y déclara les grains et foins qu’il avait récoltés sur cette terre environ 175 demés de seigle, 12 demés de froment, 30 demés d’avoine, le tout mesure de La Gacilly et 23 milliers de foin ; que, le même jour ou le lendemain, les administrateurs de la Roche-des-Trois lui écrivirent de garder les grains et foins sus-référés parce qu’ils étaient dans l’intention de les faire passer à Redon dans les magasins de la République ; que depuis, il a été plusieurs fois à la Roche-des-Trois et qu’à chaque voyage, il a engagé les administrateurs à disposer des grains et des foins dont il s’agit ; qu’ils lui ont répondu qu’ils les feraient incessamment conduire à Redon ; que le 22 germinal dernier, le citoyen Larsonnier, garde des magasins de la République à Redon, se transporta à la Forêt-Neuve avec des voitures et un détachement et fit enlever les foins qui s’y trouvèrent à une très petite exception près que les voitures ne purent charger ; que le lendemain, il vint à Redon, vit le citoyen Aubry , fournisseur, et le pria de faire enlever le plus tôt possible les grains restés à la Forêt-Neuve ; que ce dernier lui répondit qu’il les feraient enlever dans 5 ou 6 jours et que pour cet effet il aurait besoin d’un détachement ; que lui Joyaut vint à Redon hier au soir à l’effet de presser le citoyen Aubry de faire exécuter cet enlèvement mais que ce matin , Louis Thérèse Joyaut, sa sœur, lui a écrit que les grains en question ont été enlevés la nuit dernière par une troupe de brigands qui s’en saisit violemment, enfin, que le particulier qui commandait cet attroupement a donné une déclaration dont voici les termes : « De par le Roi, je me suis transporté chez le nommé Joyaut avec 200 hommes pour enlever les grains destinés à la République. Fait dans la nuit du 21 avril 179, l’an III du règne de Louis XVI, roi très chrétien. Signé : Constant capitaine de l’armée catholique et royale de Bretagne » A côté, l’empreinte d’un cachet rouge. Le citoyen Joyaut a signé la présente déclaration et a déposé la lettre ci-dessus et même la lettre de sa sœur de lui contresignée. Il a demandé acte de tout ce que le directoire, l’agent national entendu, lui a décerné. Joyaut, Gentil, Mollié, Thélohan, aulnier, Binel, et Raulin secrétaire. Augustin Joyaut avait un frère Julien Alexis Joyaut qui fut procureur fiscal de Redon et parrain de Aimé Joyaut , le fils d’Augustin. Comme les autres biens du comté de Rieux, la Forêt-Neuve fut confisquée par la Nation ; Augustin Joyaut fut d’abord gardien des scellés apposés par l’État ; le gouvernement, en les volant ainsi, s’emparait de propriétés d’une valeur, à cette époque, d’un million. Quand la Forêt-Neuve fut mise en vente, Augustin Joyaut se retira volontairement, il s’y trouvait trop malheureux.
