Symboles utilisés
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x : mariage (x : 1er mariage, xx : 2ème mariage... , + : décès, ca : environ, ? : date évaluée
exemple : (oca1584) signifie "
naissance en 1584 environ"

Henri
SÉVIGNÉ (de)
16 03 1638
1638
Marquis de Sévigné en ?
Baron de Sévigné en ?
SÉVIGNÉ (de) :: Charles
GRONGNET de VASSÉ :: Marguerite
RABUTIN-CHANTAL :: Marie (x?)
 - Françoise Marguerite (o?)
 - Charles.2 (o?)
MOHON :: Bodegat en 1638
TRÉAL :: Plessis en 1644

On parle toujours de Madame de Sévigné, mais point de Monsieur ! C'était un homme bien dans son temps, et comme tous les hommes de cette époque, prêt à en découdre avec le « premier venu », accomplissant quelques exploits à la guerre, et pourvu de quelques maîtresses…car il était de bon ton de tromper son épouse, il était d'ailleurs malséant de pas tromper sa femme ! Bref, il a vécu une vie << normale » au XVII siècle, mais bien courte. Une jeunesse compliquée Henri de Sévigné nait en 1623 au Château des Rochers en Basse-Bretagne à côté de Rennes, mais perd sa mère de suite. En 1629, son père le baron Charles ne s'occupant que de ses terres et de ses dévotions se remarie à trente ans ; le petit Henri à la mine déjà bien éveillée, reporte tout son amour et son estime sur sa grand-mère Marie de Sévigné tout en ayant une profonde admiration pour son parrain le Maréchal de Schomberg et son oncle le chevalier Renaud-René de Sévigné, chevalier de Malte. Début janvier 1635, lorsque son père meurt, sa grand-mère obtient la tutelle du jeune garçon, alors que sa belle-mère est mise à l'écart. Quelques mois plus tard, à la mort de Mme Sévigné mère, la belle-mère se remarie elle aussi, avec le comte de Grandbois et engage un procès contre Henri au sujet du contrat de mariage avec son ex-mari défunt, procès repris plus tard par sa fille Renée et qui durera 60 ans. Ses premiers pas dans le monde En 1643, le jeune marquis est devenu un cavalier à la fière allure, parfumé au musc, très bien mis, mais avec un regard hautain, provoquant et railleur. En vue de son mariage, il est convié à une réception chez le cardinal de Retz où il rencontre Ménage, Chapelain, le comte et la comtesse de Fiesque ainsi que les seigneurs de Brissac et Frontailles ; on lui fait les louanges de Mlle de Rabutin-Chantal qui est intelligente, instruite (elle lit les classiques latins et français),qui danse le menuet et la sarabande, qui est bien riche ayant hérité de la fortune de sa mère née Coualanges et de son père mort au combat contre Anglais à l'ile de Ré. Henri lui rend visite dans la belle maison construite par le grand père Rabutin, à l'angle de la Place Royale (place des Vosges). Il est conquis << elle a de beaux cheveux, un joli rire, la répartie prompte, l'humeur enjouée » ; elle est séduite par son goût de la facétie, sa bouffonnerie et sa gaité. Le marquis est pressé de se marier, il a de beaux domaines, mais également des dettes. Un jeune homme impulsif En mai 1644, les pourparlers et la conclusion du contrat sont en bonne voie Mais Henri de Sévigné est un impulsif, quelque peu irréfléchi légèrement inconscient, à la merci des moindres changements atmosphériques. La veille de la finalisation du contrat, le marquis se bat en duel prend un coup d'épée et perd beaucoup de sang. Inconscient et délirant, il est alité chez son parrain le maréchal de Schomberg ; son ami Olivier Lefèvre d'Ormesson tout le contraire du marquis, vient aux nouvelles, Marie, à son chevet, se souvient alors des conseils de sa grand-mère « épouses un mari pondéré >> Un mois et demi plus tard. Henri est sauvé, l'air et I ‘odeur des fleurs l'attirent au dehors. En échange des épousailles, Marie lui demande de ne plus s'impliquer dans un duel et d'attendre un peu pour aller combattre, lui qui a tant envie d'une charge de lieutenant dans la compagnie des chevaux légers. Début juillet le contrat de mariage est signé ; fin juillet Henri de Sévigné insiste pour que la cérémonie ait lieu très rapidement avant qu'il ne parte rejoindre l'armée en Flandres ; l’abbé de Coulanges, grand ami de Marie et aidé par toute la famille essaye de le raisonner_ Henri repousse à regret son départ aux armées. Le 4 août, le mariage est célébré à l'église Saint Gervais ; le voyage de noces a lieu en Bretagne au domaine des Rochers. La nouvelle marquise découvre la propriété et te parc, elle est enchantée. De la vie mondaine à Paris … A l'automne 1645.le jeune couple retrouve Paris, les divers salons littéraires, les promenades au Cours-la-Reine, les grandes réceptions où ils croisent la Reine Mère et le roi; ils sont conviés au mariage de Julie d'Angennes, fille de la marquise de Rambouillet :ils assistent à des comédies italiennes, à l'arrivée de l'ambassade de Pologne ainsi qu'aux fêtes données ; le marquis de Sévigné courtise les jolies femmes des salons, la marquise est entourée de ses admirateurs Ménage, Chapelain, Corneille, Benserade. Voiture ; ils rencontrent le duc d'Enghien, le prince de Conti et leur sœur la duchesse de Longueville et sentent rapidement la tension entre le cardinal de Retz et Mazarin - ce sont les prémices de la Fronde… A l'été 1646, en Bretagne, attendant tranquillement la naissance de leur premier enfant, Je marquis reçoit une mauvaise nouvelle de Paris : le président Barillon, ami du duc de Beaufort et ennemi de Mazarin, vient d'être arrêté et conduit à Pignerol! C'est Je début de la Fronde. Le couple rentre rapidement dans la capitale, Marguerite Françoise un beau bébé de huit livres, nait le 10 octobre, ce sera la comtesse de Grignan. Occupée par son enfant, la marquise ne se rend pas vraiment compte du changement de comportement de son époux qui sort souvent et rentre très tard sans raisons. En janvier 1647, Je comte de Bussy, parent de la marquise, pris de pitié pour elle, lui avoue avoir croisé le marquis non loin de chez Ninon de Lenclos. Il est fou amoureux de Ninon qui' fait une entorse à sa règle, lui accordant deux« quartiers» (six mois), il est si gai, si impulsif, si malicieux…Rappelons que Ninon changeait d'amant tous les trois mois! Elle comprend enfin le comportement de son époux et pendant tout ce temps, va afficher un air détaché et gai recevant ou sortant avec des amis : au bal le comte de Lude la fait danser, Ménage devient son ami intime, elle fleurette avec Montmoron…Tout l'entourage du cardinal de Retz est au pied de la marquise : elle a tant d'esprit, mais reste fidèle à son mari. Tout le monde a en bouche ces paroles « quel homme pour cette Femme »…jusqu'à ce que son mari devienne jaloux lui. Peu de temps avant l'été, il sort moins souvent, devient à nouveau plus affectueux désireux de plaire à sa femme, s'intéressant aux progrès de sa fille .Ils décident de séjourner dans leur domaine en Bretagne jusqu'à la naissance du petit Charles de Sévigné en mars 1648. L'été se passe dans le calme jusqu'à l'arrivée du comte de Bussy qui raconte les évènements s'étant déroulés à Paris : les barricades d'août, les complots de l’anti Mazarin… …à sa « nouvelle maîtresse » : la Fronde La marquise se fait du souci, son époux est exalté par ces récits et rentre en vitesse à Paris pour rejoindre le clan de Retz complotant contre Mazarin. Il se sent revivre, a besoin d'action, il lui faut quelque chose de nouveau. La marquise comprenant, l'accompagne même aux réunions de Retz. Le 5 janvier 1649, les Sévigné, les d'Ormesson et d'autres amis se réunissent pour tirer les rois ; les discussions vont bon train sur le départ de Mazarin, et celui de la Cour. Toutes les occasions sont bonnes pour le marquis qui s'absente de nouveau régulièrement, sa nouvelle maîtresse s'appelant La Fronde ! Il participe à la révolte des Princes, aux réunions de la duchesse de Longueville, se joint à l'expédition qui va soulever la Normandie contre le roi. Son épouse tente de le calmer et le faire rester à Paris, mais c'est impossible, il a donné sa parole de gentilhomme, il s'est « livré » à La Fronde, corps et âme ! Un jour de janvier, il part ; chagriné d'avoir laissé sa femme et ses enfants, il apprécie néanmoins les chevauchées, les cantonnements, les bivouacs, la vie de guerre, se souvenant des récits de son oncle le chevalier de Malte. Mais lorsque rien n'avance, il souhaite la paix pour rentrer chez lui paix qui arrive en avril 1649. De retour à Paris, le marquis reprend ses habitudes de « célibataire >> ; lassé par l'amour conjugal, la marquise étant devenue mère plus que femme, il l'estime fort mais ne l'aime plus ; il entre et sort de la maison quand il veut, fait la connaissance de Charlotte de Gondran et dépense sans compter jusqu'à être criblé de dettes. Les parents de la marquise la pressent de demander une séparation de biens, elle refuse, elle aime son mari et lui accorde même les 50 000 écus qu'il lui demande ! Et lui, il aime « sa >> Charlotte. Le dernier duel Un matin de janvier 1651, le marquis se lève, mais ne se souvient plus de sa soirée, ayant abusé de boissons en compagnie de Charlotte. Mais Charlotte est aussi courtisée par le chevalier d'Aibret…et cela se termine à l'épée le 3 février 1651. Malheureusement, le marquis est nerveux, ne ferraille pas correctement et reçoit un coup mortel. Il avait 28 ans. La marquise alertée, revient d'urgence du domaine des Rochers en Bretagne. Son chagrin s'atténuera avec le temps. Ninon se souviendra longtemps du marquis… en 1671, elle ouvrira ses bras à un jeune guidon de la compagnie des gendarmes qui a pour nom Chartes de Sévigné, le fils d'Henri. Le comte de Bussy-Rabutin aura ces derniers mots : << Sévigné était un sot devant Dieu. Le marquis s'était tiré d'affaires devant les hommes ». Il aurait pu ajouter << et devant les femmes>>! II. — Administration de la fortune. A l'exception d'une seule : la Haye de Torcé, acquise en 1629, les terres que possédait Henri de Sévigné à l'époque de son mariage appartenaient depuis longtemps à sa famille. Les Rochers avaient été apportés en dot, en 1410, à Guillaume de Sévigné, par Anne de Mathefelon ; Bodégat, le Buron et le Plessis-Tréal venaient de Gillette de Tréal, mariée vers 1480 à Guy de. Sévigné ; la Baudière était un héritage de Françoise de la Charronnière, femme, en 1510, de François de Sévigné. Toutes ces terres étaient plus ou moins lourdement grevées d'hypothèques. Ce fut pour procéder à une opération « d'assainissement financier » que H. de Sévigné, le 15 décembre 1649, vendit la terre du Plessis-Tréal, qui s'étendait en Tréal, Ruffiac, Réminiac, Augan, Saint-Laurent, etc., à Jean du Houx du Couédic, Pierre de la Fresnais, Gilles de Bellouan et Henry Ermar de la Grée. Nous. Avons dit qu'une part du produit de la vente (62.000 livres) fut employée à amortir la rente qui grevait la terre de Sévigné ; le même jour (17 décembre 1749), on paya une petite dette de 3.000 livres à Jean Merceron, de Nantes, et l'on amortit, moyennant 2.400 livres, un constitut créé en 1631 par Charles de Sévigné au profit de Jean Truillot du Chesne, de Rennes. Mme de Sévigné employa même sa fortune personnelle à restaurer la situation de son mari. Le 13 janvier 1645, elle consacra 3.100 livres provenant d'un constitut que lui avait remboursé son cousin, Charles de Lancy, à acquitter une dette contractée en 1642 par Henri de Sévigné, dans des conditions assez suspectes : les billets n'avaient pas été souscrits en son nom, peut-être parce qu'il n'avait pas assez de crédit pour trouver un prêteur. L'emprunt avait été contracté par le receveur de la terre du Buron, Jean Le Clavier de Pont-Giraud, à qui il avait délivré une contre-lettre attestant que l'emprunt était fait pour son compte et qu'il en était personnellement redevable [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, minutes de Bertelot, notaire à Rennes, des 13 mai et 22 juillet 1645, 15 et 17 décembre 1649. — Mais le Marquis de Sévigné continua à faire des dettes ou à mal gérer ses biens. Le 4 janvier 1647, étant à Paris, il vit saisir son argenterie à la requête d'Autier, orfèvre, créancier de 400 livres. Le 4 juin, il céda par acte sous seing privé, moyennant 740 livres, à René de Marcille, les lods et ventes à échoir sur une partie de la seigneurie des Rochers. Le 7 mai 1652, Mme de Sévigné paya sur le produit de la vente du Plessis-Tréal 1.250 livres dues au tailleur de son défunt mari (Bibliothèque de Rennes, notes mss. Du fonds Saulnier ; FRAIN, Tablettes généalogiques…, II, 234)]. Si les archives des Sévigné avaient été conservées et si les minutiers des notaires étaient plus facilement accessibles, on connaîtrait sans doute beaucoup d'actes d'heureuse administration accomplis par Mme de Sévigné, particulièrement lorsque, devenue tutrice, elle réussit à sortir la maison de Sévigné de « l'abîme » où elle la trouva plongée. Il semble cependant qu'elle montra une obstination maladroite lorsqu'elle s'ingénia à ne pas payer une petite dette contractée à Quimper, le 26 août 1629, par son beau-père, Charles de Sévigné. Celui-ci s'était fait prêter 1.200 livres par le chanoine Gilles du Pezron en promettant de les rendre dans un délai d'un mois. Bien des mois et des années passèrent ; Charles de Sévigné, puis son fils, moururent sans s'être acquittés. Le bon droit des héritiers du chanoine fut reconnu au Présidial de Quimper, le 13 septembre 1639, et au Parlement, le 25 février 1650. Douze ans plus tard, Mme de Sévigné plaidait encore ; un nouvel arrêt du Parlement, rendu le 29 mars 1662, la condamna à payer. Le 1er juin 1663, Regnaud de Poys, seigneur de Fouesnel, agissant en son nom, versa à Mathurin Trillart et à Julien Jouet, de Merdrignac, les 1.200 livres prêtées en 1629. Les intérêts arriérés portèrent le remboursement à 2.420 livres. M. de Poys de Fouesnel avança la somme : son imprudence fut moins longuement punie que celle du chanoine de Quimper : le 28 juillet 1667, il fut remboursé par la fermière des Sévigné, à Bodégat (Archives d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds Sévigné et minute de Bertelot, de Rennes, du 1er juin 1663). Toute la correspondance de Mme de Sévigné prouve qu'elle était une administratrice attentive et exacte ; elle était économe ; elle détestait les « sottes dépenses », telles que les collations fastueuses mises à la mode par la princesse de Tarente, et le commandement de l'arrière-ban imposé à son fils ; elle était peu occupée de ses toilettes, se rendant sans vergogne à une réception de la princesse de Tarente avec une robe que sa fille avait refusé de porter (VII, 327). Elle n'achetait ni meubles, ni objets d'art ; elle ne pouvait empêcher son oncle de se livrer à son goût pour les bâtiments : « Les mains lui frétillent ici ; il voudrait bâtir si je ne me moquais de lui » (Capmas, II, 165) ; elle dut lui laisser construire une chapelle, qui n'est pas d'ailleurs un monument important ni luxueux, mais elle ne s'avisa pas de reconstruire à la mode du temps le vieux manoir à tourelles des Mathefelon, des Guy et des Joachim de Sévigné. Les rares travaux qu'elle fit exécuter aux Rochers joignaient à l'agrément une incontestable utilité : elle fit aménager des jardins, et elle fit tracer des avenues et planter des arbres. Elle ne paraît pas avoir donné aux Rochers aucun de ces longs dîners qu'elle subissait à Rennes ; encore moins des fêtes et des bals ; elle vivait simplement, mangeant avec entrain des châtaignes rôties ou bouillies et de grandes beurrées. Son seul plaisir était de recevoir chez elle, pour des séjours parfois assez longs, quelques personnes d'esprit et de son monde dont la conversation la préservait de la « moisissure » de la province. Elle allait « sans crainte et sans honte dans le chemin de la sainte économie ». Après dix-huit ans de tutelle intelligente, le patrimoine foncier des Sévigné était libéré de ses charges. La terre de Sévigné ne devait plus rien au chapitre de Rennes. Au Buron, les beaux arbres vécurent en paix jusqu'au jour où le guidon des gendarmes-dauphin, pressé par des besoins d'argent, les livra aux bûcherons. Bodégat était une très vieille seigneurie dont les fiefs étaient éparpillés dans huit ou dix paroisses : Mohon, Ménéac, Plumieux, Plémet, La Ferrière, Guillac, Crédin, Noyal-Pontivy, etc. Charles de Sévigné aimait cette terre : il s'y retira en 1675 pour ne pas être témoin, semble-t-il, de la sévère répression de la révolte du papier timbré ; il y rencontrait son fidèle ami Tonquédec. Peut-être chassait-il ? Tous les aveux rendus aux seigneurs de Bodégat ont soin de mentionner l'obligation des vassaux de les assister dans leurs chasses et « huées » dans les bois (Archives du Morbihan, E 1281 et 1476. — Archives d'Ille-et-Vilaine, minute du notaire Bretin du 8 avril 1689. — PIEDERRIÈRE, Seigneurie de Bodégat, dans Bulletin archéologique de l'Association bretonne, congrès de Vitré, 1876, p. 237-251). La Haye de Torcé s'étendait dans la paroisse de ce nom et dans celle de Saint-Martin de Vitré et d'Etrelles ; une partie des terres voisines des Rochers et les moulins du Pont d'Etrelles et de Montperron relevaient de la Haye qui était une terre fort seigneuriale, investie du droit de haute, moyenne et basse justice. Le seigneur était patron de l'église et c'est à titre de dame de Torcé que Mme de Sévigné fit inscrire, en 1662, son nom sur une cloche qui subsiste encore dans le clocher de l'église… Haute et puissante dame Marie de Rabutin Chantal, veuve de Haut et puissant Ser Mre Henry marquis de Sévigné (Guillotin de Corson, Pouillé historique du diocèse de Rennes, T. VI, p. 382. — Journal le Pays de Vitré, n° du 11 avril 1926). Les Rochers n'étaient qu'une moyenne justice (Note : Un acte des archives d'Ille-et-Vilaine, série E, minute de Bretin, notaire à Rennes, du 21 avril 1691, montre Charles de Sévigné remplissant le rôle d'arbitre entre le recteur d'Etrelles, Charles-Marie du Plessis, et ses paroissiens dans un curieux litige concernant la dîme des cochons de lait) ; les Sévigné se disaient patrons de l'église d'Etrelles, prétention que les ducs de la Trémoille, barons de Vitré, auraient eu le droit de contester [Compromis des 15 et 24 décembre 1696 passé entre le duc et Charles de Sévigné (Archives d'Ille-et-Vilaine, E, Sévigné)]. La terre, assez importante [Note : Dans une lettre du 31 mai 1671 (II, 229), Mme de Sévigné raconte que Vaillant, son homme d'affaires aux Rochers, avait mis 1.500 hommes sous les armes pour la recevoir. Ce chiffre de 1.500 est inadmissible et ne peut s'expliquer que par une erreur de copie ou d'impression; même en convoquant les vassaux de la Baudière, de la Haye et du Pin, il semble difficile que Vaillant ait pu réunir plus de 150 hommes. — Un aveu rendu le 3 décembre 1658 au duc de la Trémoille (copie aux archives d'Ille-et-Vilaine, F, 934), donne la description complète des terres des Rochers, la Haye de Torcé, le Pin et la Baudière), comprenait les métairies de la Féronière, des Bas-Rochers, du grand et du petit Roland. Elle subit quelques modifications au XVIIème siècle : en 1661, on céda les métairies nobles de la Piletière et de Chantelou à Henri Lyais, écuyer, seigneur de Cerny, qui livra en échange la maison de la Garenne, les closeries des Vitrées et de Saint-Christophe (FRAIN, Tablettes généalogiques des familles vitréennes, III, 124). Le 19 septembre 1685, Charles de Sévigné vendit pour 3.500 livres, à Etienne Guillaudeu de la Louvetais, les bois taillis de Mondron et d'Etrelles (Minute de l'ancienne étude Chevalier, chez M. Quentin, notaire à Vitré). En 1671, les Sévigné furent contraints de vendre, comme nous le verrons, une des plus vieilles propriétés de la famille, la terre de la Baudière, en Saint-Didier. Par contre, ils héritèrent, en 1676, d'une partie de la seigneurie de Champiré, en Anjou, qu'ils vendirent onze ans plus tard (Archives d'Ille-et-Vilaine, minutes de Bretin, notaire à Rennes, des 25 et 26 février 1687. Mme de Sévigné devait 5.000 livres à la succession). En 1683 ils acquirent, dans des conditions avantageuses et en payement d'anciennes créances difficilement recouvrables, plusieurs seigneuries situées aux environs de Quimper : Lanros en Ergué-Armel, Lestrémeur en Bodivit, Kérancelin en Ergué-Gabéric, Kergadoret en Combrit, Kernivinen en Plomelin. Penenez en Tréméoc, Hellen en Plonéour, Gourlizon en Ploaré, Kerbonnevez et Keranatru en Beuzec-Cap-Caval [Note : Les archives du Finistère (série E, fonds Sévigné) possèdent un procès-verbal de prise de possession, dressé le 18 mai 1684, qui donne de curieux renseignements sur la consistance de ces terres et sur les droits honorifiques appartenant au seigneur dans plusieurs églises. Lanros et Lestrémeur avalent été acquis le 6 août 1683, moyennant 80.000 livres que les Sévigné n'eurent pas à verser intégralement, car ils étaient créanciers des vendeurs. Ils durent toutefois solder les lods et ventes et autres frais accessoires. — Sur ces terres, voir les archives de Loire-Inférieure, B, 2035 ; archives du Finistère, série G, inventaire des aveux rendus pour Lanros à l'évêque de Quimper ; archives d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds Ricard et surtout l'étude de P. SAULNIER, le Roman d'une dame de Sévigné, publié en 1885, dans la Revue de Bretagne et de Vendée]. Tous ces noms un peu rudes ne se trouvent pas dans les lettres de Mme de Sévigné qui affectait de ne pouvoir retenir les noms étranges des gentilshommes bas-bretons ; elle appela ses nouveaux domaines : « les terres de Mme d'Acigné » ; elle les administra avec sa vigilance ordinaire, refusant de payer 24 jours de vacations, à 4 livres par jour, soit 96 livres, au notaire Henry Philippe qui avait classé et inventorié les archives de Lanros et de Lestrémeur ; elle obtint, le 28 mars 1686, un arrêt du Parlement réduisant le salaire du notaire-archiviste à 40 livres (Archives d'Ille-et-Vilaine, Parlement, minute d'arrêt de Grand'Chambre du 28 mars 1686). Il est possible que Mme de Sévigné n'ait pas détesté les procès ; elle savait plaider. Elle gagna, vers 1655, un procès de 45.000 écus contre Marie-Françoise de Guémadeuc, comtesse d'Ourouer [Notes : Les actes de vente consentis, le 24 novembre 1655, par la comtesse d'Ourouer de la seigneurie de Blossac, en Goven, à François Loisel de Brie pour 75.000 livres, et de la terre de Mué, en Parcé, à Jacques Farcy de Pesnel pour 58.000 livres, portent que ces sommes seront attournées au payement des créances de Mme de Sévigné et des religieuses de Saint-Thomas, à Paris, conformément à l'arrêt du grand Conseil. La même réserve n'est pas inscrite dans l'acte de vente de la seigneurie de Québriac cédée, le 4 novembre 1659, à Hercule-Louis de Francheville pour 180.000 livres (Archives d'Ille-et-Vilaine, minutes de Bertelot, notaire à Rennes)]. Trente-cinq ans plus tard, elle n'avait pas oublié sa joie profonde et un peu cruelle, lorsqu'elle avait vu son adversaire condamnée quitter furtivement la salle des audiences du Grand Conseil (VIII, 526). Elle rendit ses comptes de tutelle en 1674, mais ses pupilles lui conservèrent une confiance entière, car elle continua presque jusqu'à sa mort à diriger l'administration de la fortune de la famille. D'ailleurs, par suite des droits de reprise qu'elle possédait sur les terres de son mari et de son douaire hypothéqué sur la terre du Buron, les intérêts de la mère et des enfants étaient intimement liés (Note : Plusieurs héritages augmentèrent la fortune personnelle de Mme de Sévigné ; en 1676, elle eut "le bonheur" de toucher une petite créance sur laquelle elle ne comptait plus : 8.000 livres de vieux arrérages dus par son cousin Gryvot de la Pesselière (Capmas, II, 411). — Le deuxième volume du remarquable ouvrage de M. J. LEMOINE, Madame de Sévigné, sa famille et ses amis, donnera sur l'histoire des Sévigné des renseignements beaucoup plus complets que ceux que nous esquissons ici). III. — Embarras financiers et dettes. Grâce à sa bonne administration et aux conseils et aux libéralités de l'abbé de Coulanges, la fortune fut tirée de « l'abîme », mais, en 1669, elle fut de nouveau compromise par le trop brillant mariage de Mme de Grignan (29 janvier 1669) ; sa mère promettait une dot de 300.000 livres, or elle n'en possédait qu'une partie : 200.000 livres qui furent versés « en louis d'argent, louis d'or et pistoles d'Espagne » (WALCKENAER, Mémoires touchant… la marquise de Sévigné, Paris, 1856, In-12, t. III, p. 126-127). Quelques jours plus tard, le 15 février, elle emprunta 120.000 livres à son cousin et ami Guillaume de Harouys. Cette dette devait lui créer jusqu'à sa mort de cruels embarras. Pour se procurer quelque argent, on vendit la Baudière, le 18 avril 1671, moyennant 40.000 livres, à Jean de Boisgelin de Mayneuf (Voir quittance générale du 9 août 1680 aux archives d'Ille-et-Vilaine, minute de Bretin, notaire à Rennes). La Baudière, située dans la paroisse de Saint-Didier était peu éloignée des Rochers et de la Haye de Torcé ; les juridictions des trois seigneuries étaient unies et s'exerçaient conjointement au bourg d'Etrelles. Cette vente qui diminuait la valeur de la principale terre des Sévigné était évidemment une vente forcée. Les 40.000 livres versées par M. de Mayneuf, de 1671 à 1680, furent remis à Guillaume de Harouys. Quelques autres Payements réduisirent la dette à 50.000 livres qui furent réclamés en termes très pressants, le 9 janvier 1677 (Archives d'Ille-et-Vilaine, série E, Sévigné). Les Sévigné ne pouvaient payer car leurs charges devenaient lourdes : la marquise empruntait des petites sommes à de gros intérêts [Note : Le 24 février 1678, par l'intermédiaire de la marquise de Marbeuf, elle emprunta de Louis de la Bourdonnaye de Conetion 4.000 livres au denier 16, en s'engageant à les rembourser au bout de deux ans ; le remboursement ne fut fait que le 24 février 1683 (Archives d'Ille-et-Vilaine, minute du notaire Bretin, du 24 février 1678)]. Il ne faut pas trop accuser Charles de Sévigné, bien que les lettres de sa mère ne laissent ignorer ni ses écarts de conduite, ni son insouciance et sa négligence dans la gestion de sa fortune. Ses dépenses les plus fortes, mais d'origine parfaitement honorable, furent nécessitées par l'achat des charges de guidon (1669), puis d'enseigne (1676), puis de sous-lieutenant (1677) aux gendarmes-dauphins. La charge de guidon fut payée 25.000 livres et fut revendue un peu moins cher en 1677 ; celle de sous-lieutenant coûta 120.000 livres. Nous ignorons si Charles de Sévigné eut la chance de la revendre, en 1683, avec bénéfice [Note : Les renseignements donnés par les lettres sur les prix d'achat et de vente des charges ne sont ni précis, ni concordants ; de plus, la date d'une lettre importante est incertaine : 10 (ou 19) mai 1677 d'après Aubenas, ou 21 Janvier 1683 d'après Monmerqué. Enfin, on lit dans les Mémoires du marquis de la Fare qu'il vendit la Lieutenance aux gendarmes dauphins 80.000 livres à Charles de Sévigné, alors que sa mère dit qu'elle la paya 120.000 (IV, 208, 254, 381 ; V, 164, etc.). Quoi qu'il en soit, Mme de Sévigné avait entre les mains, le 26 janvier 1683, une somme de 80.000 livres provenant de la vente de la sous-lieutenance ; une partie dut passer à solder les frais entraînés par l'acquisition des terres de Lanros et Lestrémeur), comme il arriva plus tard pour sa charge de lieutenant du Roi à Nantes. L'équipage qu'il fallait constituer au jeune marquis à chacune de ses entrées en campagne entraînait aussi quelques frais, mais tout cela était peu de chose auprès des dépenses que le comte de Grignan, représentant du Roi en Provence, était obligé de faire à Grignan et à Aix. La comtesse, qui avait une « bonne tête », comme sa mère, comprit vite que la fortune déjà obérée de son mari, le revenu de sa dot et les trop rares secours du roi ne permettaient pas de soutenir un train princier et que la ruine de la maison de Grignan était inévitable. Mais elle ne pouvait se dérober à un impérieux devoir social ; on entend l'écho de sa détresse dans les lettres que lui adressait sa mère : « Ma bonne, je vous plains au-delà de toute expression ; ne croyez pas que je songe à me plaindre quand je jette les yeux sur vous. Hélas ! Je me trouve riche : je ne suis obligée à rien ; mais vous, mon enfant, comme je vous disois une fois, toutes vos dépenses sont nécessaires, pressantes, étranglantes, et toujours sur peine de la vie ou de l'honneur » (Aux Rochers, 9 juillet 1690 ; Capmas, II, 422). On ne peut douter que Mme de Sévigné ne soit venue souvent au secours de sa fille et qu'elle lui ait envoyé de l'argent toutes les fois qu'elle eut le bonheur de trouver quelques « sommes portatives ». Nos documents, qui ne constituent pas un dossier complet, ne permettent pas d'affirmer qu'elle s'ingénia à faire passer en Provence le plus clair de sa fortune et à imputer au compte de son fils des dettes contractées au profit de sa sœur, mais ces documents rendent l'hypothèse vraisemblable. Elle s'accorde bien avec l'éclatante préférence toujours donnée à Mme de Grignan et elle parait confirmée par les précautions prises pour faire parvenir à la sœur, à l'insu du frère, une cassette qui renfermait des instructions posthumes et de précieux papiers. Charles de Sévigné avait souvent inquiété sa mère lorsqu'il avait laissé paraître le désir de se marier, car elle jugeait inacceptables les jeunes filles qui lui plaisaient. Ce fut cependant Charles qui sauva, dans une certaine mesure, la fortune de la famille en faisant un mariage « excellent, sous tous les rapports ». Jeanne-Marguerite de Bréhant de Mauron avait une dot de 200.000 livres. Le contrat de mariage que Mme de Sévigné fit accepter par son fils confirme tout ce qu'elle dit de son inaptitude aux affaires et de son indifférence dans la défense de ses intérêts [Note : Procurations pour le contrat de mariage données, le 15 décembre 1683, par Mme de Sévigné et par l'abbé de Coulanges et procuration du comte et de la comtesse de Grignan, du 20 décembre, acceptant la terre de Bourbilly en payement de 100.000 livres restant dues sur la dot promise en 1669. Mme de Sévigné et son oncle donnèrent quittance à Charles de tout ce qu'il leur devait ; ils s'engagèrent à acquitter toutes les dettes contractées pour l'achat des charges aux gens d'armes-dauphin ; le mobilier des Rochers fut abandonné au jeune ménage (Archives d'Ille-et-Vilaine, fonds Sévigné)], car la jeune marquise de Sévigné se trouva chargée de rembourser à Guillaume de Harouys les 50.000 livres empruntées pour doter sa belle-sœur. Le payement fut fait le 28 juin 1684 ; la quittance rappelle l'origine de la dette : « les deniers avoient été employés par ladite dame marquise de Sévigné mère au payement de partie de la dot de dame Françoise-Marguerite de Sévigné, sa fille, portée par le contrat de son mariage avec M. le comte de Grignan », Mais naturellement Jeanne-Marguerite de Bréhant fut substituée aux hypothèques que G. de Harouys avait sur les biens de Mme de Sévigné et de l'abbé de Coulanges « et aux privilèges à lui acquis par le moyen dudit emploi sur les biens qui appartenaient à ladite dame de Grignan par la succession du défunt marquis de Sévigné, son père, qui sont demeurés à ladite dame, sa mère, en conséquence de la dot qu'elle lui a baillée par son dit contrat de mariage » (Archives d'Ille-et-Vilaine, série E, minute de Bretin, notaire à Rennes). Cette réserve créait au profit de Marguerite de Bréhant et de ses héritiers, les Hay, un titre sur la terre des Rochers qui fut utilisé en 1715. Il restait cependant encore 18.000 livres à payer, sans doute pour des intérêts arriérés. Mme de Sévigné y employait les revenus de la terre du Buron (1685-1687; t. VII, p. 519, 526 et VIII, p. 1 et 2), stimulant le fermier en des lettres familières et pressantes : « Mon pauvre ami, je brûle d'envie de commencer à payer un ami si cher et si précieux » (23 avril 1687 ; VIII, 45). Lorsque la faillite de Harouys (1688) obligea à poursuivre ses propres débiteurs, Mme de Sévigné chercha pendant plusieurs mois quelqu'un qui voulût bien lui prêter cette somme (Capmas, II, 259). Sa belle-fille vint encore à son aide en lui donnant sa caution (1689), et après la mort de Mme de Sévigné, les 18.000 livres, toujours dues à quelques particuliers de Nantes, furent intégralement ajoutées au passif du lot de Charles de Sévigné. Le 3 février 1695, elle écrivait à son cousin Coulanges : « Je mourrai sans aucun argent comptant, mais aussi sans dettes ; c'est tout ce que je demande à Dieu et c'est assez pour une chrétienne » (X, 237). Cette affirmation n'est pas inexacte, car elle s'était dépouillée de ses biens au profit de ses enfants (VIII, 54, 57, 435), mais elle s'était débarrassée en même temps des charges qui les grevaient. Il serait intéressant de connaître le texte des actes qui imposèrent au fils le soin de payer une part qui paraît bien forte. Ce fut lui, et non sa sœur, qui fut chargé de solder ce qui restait de la dette de Harouys ainsi que 10.000 livres dues à Mme de la Fayette, que 30.000 livres dues aux héritiers d'Ormesson, que 9.500 livres dues à divers particuliers. Toutes ces sommes, formant un total de 67.500 livres, sont qualifiées : « Dettes de ma mère » dans le bilan de la fortune de Charles de Sévigné, dressé le 16 septembre 1696. Les besoins d'argent de Mme de Grignan coïncidèrent avec l'appauvrissement général que les longues guerres de Louis XIV firent éprouver à toute la France. A partir de 1680 et surtout de 1690, « l'année des grandes infamies », les lettres de Mme de Sévigné sont pleines de doléances sur ses fermiers [Note : Plusieurs domaines des Sévigné étaient loués à des fermiers généraux qui ne payaient pas toujours plus régulièrement que les paysans : voir lettres de 1686 relatives à La Jarre, fermier général du Buron, parti en laissant une dette de 10.000 livres (VII, 519)] qui ne payent pas, et qui ne payent pas parce qu'ils ne peuvent payer : « Plût à Dieu avoir encore quelque petite somme portative ! Il me semble que je vous l'aurais bientôt donnée ; mais je n'ai que de vilaines terres qui deviennent des pierres au lieu d'être du pain… » « Je ne vois que des gens qui me doivent de l'argent et qui n'ont point de pain, qui couchent sur la paille et qui pleurent. Que voulez-vous que je leur fasse ?... » (9 juin 1680, Capmas, II, 162 ; 4 décembre 1689, IX, 338). En 1680, elle parlait encore de ses embarras avec un joyeux enjouement ; tout le monde connaît la lettre qui décrit « la belle petite fermière de Bodégat » qui lui devait 8.000 francs, et le paysan chargé de sacs renfermant en tout 30 francs. Quelques années plus tard, les lettres sont d'une amère sincérité. Charles de Sévigné n'était point lassé de venir en aide à sa sœur qui s'adressait à lui lorsqu'elle ne pouvait rien obtenir pour ses enfants de leurs oncles, les deux évêques Grignan : « Voici l'oncle maternel qui vous écrit lui-même, ma chère petite sœur, et qui vous assure avec toute sorte de sincérité, que s'il avoit le bien qu'il devrait avoir, c'est-à-dire que si les terres étoilent du bien, et n'étaient pas purement des chansons, des illusions, etc., vous verriez par des marques essentielles combien je m'intéresse à tout ce qui vous touche ; mais, ma très belle, je ne suis entouré que de gens que je puis faire mettre en prison, qui m'en prient tous les jours, qui sont logés dans des lieux qui m'appartiennent, qui prient Dieu pour moi, à ce qu'ils disent, et qui m'assurent en même temps que pour de l'argent, je n'y dois pas songer : voilà mon état ». (22 janvier 1690, IX, 423). On trouve des embarras de ce genre dans l'histoire de toutes les familles de jadis dont la fortune était formée de propriétés foncières. Elles ignoraient l'aisance ou les commodités que donnent à nos contemporains les valeurs mobilières de réalisation facile. Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier IV. — Vente des terres des Sévigné. Les dispositions prises par Mme de Sévigné donnèrent à sa fille toutes ses terres de Bourgogne, qui d'après une lettre malheureusement peu précise pouvaient valoir 360.000 livres (VII, 253). Charles hérita des terres de Bretagne. Il accepta avec une très noble générosité les avantages faits à sa sœur ; sa lettre, du mois de juillet 1696 (X, 407-410), égale en beauté les plus belles qu'ait écrites sa mère [Voir aussi sa lettre du 21 septembre 1696 (X, 413-421) et les lettres de sa mère, des 15 et 27 décembre 1684 (VII, 332, 338)]. Il n'avait pas d'enfant; il aimait tendrement les Grignan : il dressa, le 16 septembre 1696 (X, 418-420), un état très précis de sa fortune afin de les mettre en état de la réaliser dans de bonnes conditions. Car, soit qu'il n'eût pas conservé d'attachement sentimental pour la terre où il était né, pour le Buron, pour Bodégat où il avait aimé à vivre en vrai gentilhomme breton peu soucieux des plaisirs de la cour, soit plutôt qu'il fût convaincu qu'aucun de ses neveux ne viendrait jamais habiter la Bretagne, il engageait sa sœur à vendre toutes ses terres. Voici le résumé de ce bilan : Biens et effets de la maison : - La terre des Rochers, valant 6.000 livres de rente et plus, estimée au moins ……………………….. 120.000 livres. - Bodégat, « toute en fiefs et fort seigneuriale », louée 4.000 livres……………………………… 120.000 livres. - Sévigné ………………………………………………………….. 18.000 livres. - Les terres provenant de Mme d'Acigné (Lestrémeur, Lanros, etc.), louées 4.000 livres, mais ne pouvant guère être vendues que………………. 60.000 livres. - La terre du Buron, louée 3.800 livres et précédemment 4.400 ……………… 100.000 livres. Total : 418.000 livres. A cette somme (Note : Nous ignorons pourquoi Charles de Sévigné n'a pas fait figurer dans la liste de ses propriétés l'hôtel, dit la tour de Sévigné, qu'il possédait à Vitré. Il vendit cet immeuble, le 29 août 1710, à Henri Lyais de Cerny) on devait ajouter la charge de lieutenant de Roi, à Nantes, payée avec des fonds provenant de la dot de Mme Ch. De Sévigné et de prêts consentis par les familles de Bréhant et Hay …………………………… 180.000 livres. Total de l'actif : 598.000 livres. Dettes : 1° Dettes de la feue marquise de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal) : - à Mme de la Fayette : 10.000 livres. - aux héritiers d'Ormesson : 30.000 livres. - à Lamelin : 8.000 livres. - à un particulier non nommé : 1.500 livres. - à diverses personnes de Nantes (arrérages de la créance de Harouys) : 18.000 livres. Total : 67.500 livres. 2° Dettes de Charles de Sévigné ou plus exactement sommes qui devront être payées par ses héritiers aux héritiers naturels de sa femme pour le remboursement de sa dot et des prêts consentis lors de l'acquisition de la charge de lieutenant de roi : 274.816 livres. Total au passif : 342.316 livres. Charles de Sévigné avait évalué sa fortune avec beaucoup de modération ; la charge de lieutenant de roi, estimée 180.000 livres, fut vendue 210.000 livres ; Sévigné et les terres de Quimper, comptés pour 78.000 livres, atteignirent 100.000 livres à la vente de 1715. Par contre, les évaluations du Buron et de Bodégat ne paraissent pas avoir été atteintes en 1700 et en 1732, mais on ne saurait affirmer que des contre-lettres, suivant un usage très courant, n'aient pas majoré les prix inscrits dans les actes notariés. Le Buron fut vendu, le 11 juin 1700, pour 92.600 livres, à J.-B. du Breil de Chancartier ; les autres terres eurent le même sort après la mort du marquis de Sévigné. Mais les héritiers de sa femme étaient, créanciers de la succession à raison de sa dot et des prêts consentis pour l'acquittement des dettes et pour l'achat de la charge de lieutenant de roi, à Nantes. Le château et seigneurie des Rochers et une partie de la terre de la Haye de Torcé devinrent, le 4 août 1715, moyennant 106.000 livres, la propriété de l'un des héritiers, Jean-Paul Hay des Nétumières [Marquis DE SAPORTA, La famille de Sévigné en Provence, p. 401, cité par FRAIN, Tablettes généalogiques…, t. III, p. 105. — La famille Hay de Tizé et des Nétumières était créancière de la succession à raison des dettes payées pour le compte des Sévigné et des prêts faits à Charles pour l'acquisition de la charge de lieutenant du Roi à Nantes ; voir aux archives d'Ille-et-Vilaine, série E, minutes du notaire Bretin, des 15 et 17 février 1685, 20 et 21 mai 1688, 21 mars et 22 décembre 1692. 23, 25, 26 et 27 avril, 20 et 23 mai, 29 et 30 juin, 3, 4, 26 et 29 juillet, 28 août et 18 septembre 1693, et minutes de Bertelot, des 15, 19 et 23 février et 25 mars 1698 et 14 septembre 1701] ; ce beau domaine appartient vers 1926 à l'un de ses descendants, M. le comte de Ternay, qui conservera et entretiendra avec un pieux respect le château, les jardins, les bois illustrés par Mme de Sévigné. La terre de Bodégat fut cédée pour 100.000 livres à Charles-Maurice du Plessis de Grénédan (PIEDERRIERE, Seigneurie de Bodégat…, p. 237 : acte du 15 décembre 1732). La vieille seigneurie patrimoniale de Sévigné en Cesson et « les terres de Mme d'Acigné » (Lanros, Lestrémeur, etc.), furent vendues, le 17 avril 1715, pour 100.000 livres, par le marquis de Simiane, à René Le Prestre, seigneur de Lézonnet et de Châtaugiron, ancien trésorier des Etats de Bretagne [Note : Le nom Lezonnet a été imprimé Le Sounet dans l'édition des Grands écrivains (Capmas, II, 269). — Voici quelques autres noms bretons qui n'ont pas été reproduits correctement ou qui n'ont pas été identifiés : - M. de Guébriac : Louis-Hercule de Francheville, abbé, puis marquis de Québriac ; - Pomenars : Jacques Troussier, seigneur de Pontmenard (en Saint-Brieuc de Mauron) ; - le médecin du Pertre : probablement François Charil, sieur de la Roussellière ; - Mme de la Hamelinière : Madeleine Bidé de Ranzay, morte en 1697, mariée : 1° à Samuel Pantin de la Hamelinière, baron de Landemont (mort en 1687) ; 2° à Gabriel de Beauveau, marquis du Rivau ; - M. de Sainte-Marie : Jean-Antoine de Vauborel, seigneur de Sainte-Marie du Bois (près de Mortain), mort à Saint-Malo, en 1714, âgé de 102 ans; "le père Rahuel" n'était pas le concierge de la tour de Sévigné, à Vitré, comme l'ont écrit La Borderie et autres commentateurs, mais Julien Rahuel d'Etrelles, prêtre, chapelain des Rochers ; - la bonne Marbeuf, identifiée par Montmerqué avec Gabrielle du Louet, femme de Claude de Marbeuf, était, ainsi que l'a écrit F. Saulnier, Nicole Lyais, mariée en 1661 a Luc de Marbeuf]. L'acquéreur, comme son beau-père et ses beaux-frères, les Michau de Montaran, comme les Picquet de la Motte, comme les Robert de la Bellangeraie, appartenait à un groupe de spéculateurs qui surent s'enrichir pendant les embarras financiers de la fin du règne de Louis XIV. Le temps des guerres et les périodes difficiles qui suivent les grandes guerres furent toujours favorables aux financiers hardis. A Marseille, le trésorier général des Etats de Languedoc et fermier général des galères, Saint-Amant, devint assez riche pour marier sa fille au jeune marquis de Grignan, petit-fils de Mme de Sévigné (2 janvier 1695) : la dot, 400 000 livres, conjura la ruine de la maison de Grignan. Un siècle auparavant, d'heureux trafics sur les offices de l'administration des gabelles avaient procuré aux Coulanges d'énormes profits dont une partie était venue rendre un éclat éphémère à la fortune des vieilles races chevaleresques des Chantal et des Sévigné. Mme de Sévigné a plusieurs fois parlé malicieusement des Bretons ; elle les aimait cependant, et quelques jours après avoir raconté avec une légèreté excessive les incidents de la révolte de 1675, elle se proclama « bien Bretonne » lorsqu'elle vit toute la province consternée par la rigueur de la répression (27 octobre 1675). Les Bretons lui ont pardonné ses plaisanteries : la ville de Vitré lui a érigé une statue ; plusieurs villes ont une « Rue Sévigné » ; en joignant son nom au nom communal, les habitants de la commune rurale de Cesson, où elle eut des fermiers qu'elle traita sans rudesse, lui ont rendu un hommage discret et durable.