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x : mariage (x : 1er mariage, xx : 2ème mariage... , + : décès, ca : environ, ? : date évaluée
exemple : (oca1584) signifie "
naissance en 1584 environ"

Francois Julien
BATTEUX (Le)
19 01 1766
1766
LE MANS (72)
SIMON :: Jeanne Françoise (x1790)
 - Jeanne Françoise (o1791)
 - Marie Thérèse (o1792)
 - Louise Jacquette (o1794)
 - Bonne Marie (o1795)
 - Marie Thérèse Françoise Gabrielle (o1796)
 - Marie Anne (o1797)
Artisanat
 - Cuisinier Ouvrier | Redon :: REDON
Artisanat-Commerce
 - Aubergiste | Redon :: REDON

LE BATTEUX François Julien Cuisinier des bénédictins de Redon, puis se marie et tient à Redon l'auberge de son beau-père à l'enseigne de "La tête noire" Parents Pierre LE BATTEUX 1729-/1790 Renée LE BASTARD †/1790 Enfants Jeanne Françoise LE BATTEUX 1791-1843 F Marie Thérèse LE BATTEUX 1792-1794 F Louise Jacquette LE BATTEUX 1794-1817 F Bonne Marie LE BATTEUX 1795- F Marie Thérèse Françoise Gabrielle LE BATTEUX 1796 F Marie Anne LE BATTEUX 1797-1873 . Source=Justice Révolutionnaire PAR M. CH. BERRIAT ~ SAINT-PRIX Le Batteux, l'un des séides de Carrier, n'opéra que dans le Morbihan. Si j'en parle, c'est à raison des « pouvoir» Illimités » qu'il avait reçus du proconsul et qui étaient partie de Nantes. Ces pouvoirs se sont perdus, mais ils ont existé, cela est certain : Le Batteux les a mentionnés dans un arrêté qu'on lira plus bas. C'est de Redon, dans les premiers jours de frimaire, que cet homme partit pour commencer ses opérations. Avec lui étaient le 5e bataillon du Bas-Rhin, quelques chasseurs et gendarmes à cheval; il y avait du canon. Un général Avril commandait cette colonne qualifiée * d'armée révolutionnaire. L'expédition eut pour prétexte un attroupement qui s'était formé à Noyal-Muzillac, bientôt dissipé par des troupes envoyées de Vannes, où elles étaient rentrées immédiatement. Le 9 frimaire, au soir, annoncé par deux courriers, la colonne de Le Batteux arriva à Questembert. Le lendemain, arrestation du maire et d'un municipal, relâchés au bout de quelques heures. Le 11, Le Batteux se rendit à Noyal-Muzillac. Entré dans ce bourg, vers midi, il fil cerner l'église où s'étaient réunis les habitants. Puis la municipalité reçut l'ordre suivant : Moi, commissaire civil, je donne une demi-heure aux officiers municipaux de Noyal, de fournir et de donner les coupables qui ont pris les armes à Ambon, où sont les barriques de poudre; les .... et de fournir six mille livres pour les frais de la guerre. NOGUES, secrétaire; à Noyai, le onze frimaire. La municipalité ayant répondu qu'elle ignorait où étaient les révoltés d'Ambon, Le Batteux menaça d'incendier l'église et il en fit sortir cinq personnes : François et Guillaume Lescop, Guillaume Dréano, Jean Rival et Jacques Mary, qui, à l'instant, furent fusillés dans le cimetière. Un sixième, Pierre Le Metire, qui s'était échappé de l'église, fut atteint et tué hors du bourg. Puis des cavaliers se transportèrent au village de Brùlic, où la maison de François Dréano fut brûlée. A Noyal, une douzaine d'habitations furent pillées, huit chevaux enlevés, et la municipalité reçut le 2e ordre suivant : Au nom de la République française. Moi, Le Batteux, commissaire auprès du cinquième bataillon du Bas-Rhin, dit Révolutionnaire, et « revêtu de pouvoirs illimités par le représentant Carrier; » vu que la municipalité de Noyal m'a promis de fournir la somme de six mille livres pour les frais de la guerre et que toutes les armes qui seront dans la paroisse et les munitions me seront rendues sous vingt-quatre heures à Questembert, et que tous les jeunes gens de dix-huit à vingt-cinq ans, se rendront demain à La Roche Sauveur; je veux bien accorder la grâce > aux autres coupables; le caractère du vrai patriote étant toujours porté à pardonner, quand le peuple veut rentrer dans le devoir et reconnaître les lois. Le Batteux, commissaire, NOGUES, secrétaire. Noyai, le onze frimaire. De retour à Questembert, Le Batteux annonça que justice était faite. Le 12 frimaire, il partit, avec un détachement, pour brûler le village de Lagrée, en Noyal, et il annonça qu'il ferait incendier toutes les chapelles. Le même jour, les municipaux de Noyal ayant apporté les six mille livres exigées la veille, les chevaux furent rendus et Le Batteux donna un reçu des 6000 livres, autorisant la répartition de cet impôt forcé entre les habitants: Le commissaire auprès du cinquième bataillon du Bas-Rhin ayant imposé les habitants de Noyai à la somme de six mille livres, s'étant révoltés au mois de mars dernier, et depuis peu, je reconnais que les officiers municipaux de Noyal m'ont compté ladite somme de six mille livres, sauf à eux à imposer les habitants de leurs paroisses pour se faire rembourser ladite somme cydessus, à quoi je les autorize. LE BATTEUX, commissaire, NOGUES, secrétaire. Questembert, le 12 frimaire, l'an II de la R. F. Le 13 frimaire, réunion des habitants de Questembert dans l'église. Le Batteux les harangua, les forma en compagnies de gardes nationales, nomma les principaux officiers, etc. Pendant cette opération, on fusilla le nommé Fauvielle, amené de la prison de Malestroit, comme insurgé de mars 1793). Puis, avant de quitter Questembert, Le Batteux adressa aux habitants de Noyal, qui n'avaient pas livré leurs armes et munitions, la proclamation suivante : LIBERTÉ, EGALITÉ. Au nom de la République française. Le; commissaire auprès du cinquième bataillon du Bas-Rhin somme de rechef les habitants de Noyal de remettre sous huit jours toutes les armes et les munitions qu'ils ont en leur possession, sans quoi je serai encore forcé de retourner dans leur paroisse et de meure tout à feu et à sang. Evités, je vous engage, un pareil désastre; c'est moi qui vous en prie. Si vous a vous du mal, il ne faudra vous en prendre qu'à vous. LE BATTEUX, commissaire, Nogues, secrétaire. Questembert, le 3 (13) frimaire, l'an second, etc. (Certifié conforme, Muzillac, 28 frimaire an III.) A ce moment, le général Avril avait dû recevoir de Carrier la lettre d'encouragement suivante, qui fut lue au tribunal de Paris): Carrier au général Avil. Nantes, le 10 frimaire. Continue de porter la terreur et la mort dans le Morbihan; incarcère les gens suspects et tous ceux qui figureront dans les rassemblements; incendie les propriétés des révoltés; dénonce aux autorités constituées les individus absents qui seront présumés porter les armes chez les rebelles; désigne leurs propriétés aux corps administratifs pour faciliter leur confiscation; voilà les ordres que je te donne et que tu exécuteras avec le plus de zèle et d'activité qu’il te sera possible· A la Roche Sauveur (La Roche Bernard), Le Batteux et Avril firent séjour dans le pays, jusqu'au 19 frimaire. Il y est de tradition qu'Avril profita de la situation pour contraindre une dame Lévêque à lui donner en mariage une de ses filles qu'il avait déjà enlevée. Le 20 frimaire, l'armée se rendit à Muzillac. Là, Le Batteux produisit, à la maison commune, sa commission signée Carrier, et demanda une liste des suspects : prêtres, nobles, religieuses. L'arrestation de ces derniers futs ordonnés, et la municipalité requise de faire creuser une fosse dans le cimetière. Il envoya ensuite chercher le sieur d'Avaux, ex noble. Ce malheureux, conduit au cimetière, pour éviter le transport de son cadavre, y fut fusillé aux cris de : Vive la République Le 21 frimaire, Le Batteux et Avril étaient à Vannes où leur armée n'observa pas, d'abord, une discipline bien sévère, car, dès le 23, le citoyen Guillemet dénonçait, à la municipalité, un vol commis par deux soldats. Le Batteux demanda au Comité de surveillance de la ville et en reçut une liste de suspects. Des arrestations furent opérées, en des termes qui émurent ce Comité. Le 24, en séance extraordinaire, il envoya une députation à Le Batteux qui remit une liste de sept personnes, « toutes jugées « dignes de mort..: à cause du mot incivique placé en regard de leurs noms, par le Comité, » sur sa liste des suspects. Nouvelle députation envoyée au commissaire pour obtenir que la peine de mort fût convertie en détention pour trois détenus : Bernard, de Grénédan et de Harembert; à l'égard des quatre autres, le Comité gardait le silence. Toutefois, il ne parait pas que la sentence de Le Batteux et d'Avril été suivie d'exécution. Le séjour de ces deux hommes, à Vannes, fut encore marqué par deux pièces que je transcris : 1° LIBERTÉ, ÉGALITÉ. Au nom de la République, 2i frimaire an II Les commissaires Avril et Le Batteux prient le sans-culotte Jourdan de vouloir bien leur faire passer, aussitôt la présente reçue, les pièces concernant trois individus de Sarzeau suspectés de contre-révolution qui furent amenés hier dans la maison de justice de cette ville. Salut et fraternité. AVRIL et LE BATTEUX 2°Nous soussignés, commissaires du représentant du peuple Carrier, après avoir examiné les pièces qui, par mon réquisitoire, m'ont été servies par le C. Jourdan, commissaire national, à Vannes, invitons ce dernier à faire passer, de brigade en brigade, à Belle-Ile-Mer, le déserteur du 41 régiment, pour subir la punition qui lui a été infligée par son corps et de s'aboucher avec le Cm de surveillance pour prononcer de concert sur le sort des deux autres particuliers arrêtes coe suspects et traduits dans les prisons de cette ville. — Vannes, 26 frimaire l'an II LE BATTEUX Pourtant, le représentant Tréhouard mit fin à cette tournée sanglante. Le décret du 14 frimaire an II, qui supprimait lei armées révolutionnaires locales, était arrivé à Vannes. Le Batteux fut arrêté et mis en prison à Redon, en vertu d'un ordre de Tréhouard donné au général Tribout, le 2 nivôse. Mais, dès le 4 nivôse, de Nantes, Carrier ordonnait, avec emportement et en des termes injurieux pour Tréhouard, la mise en liberté de Le Batteux. Voici ses actes : Au nom de le République française, une et indivisible. A Nantes, le 4 nivos de l'an II, etc. Carrier, représentant du peuple, prés l'armée de l'Ouest, au Procureur syndic du district de Redon. Je te somme, citoyen, de faire mettre sur-le-champ à exécution l'arrêté ci-inclus, de concert avec le général Tribout à qui j'écris, ou avec le général Avril. Le représentant du peuple, CARRIER Au nom de la République, etc. A Nantes, le 4 nivos de l'an deux de la République française, une et indivisible. Cartier, représentant du peuple près l'armée de l'Ouest, met en liberté le citoyen Le Batteux, directeur des postes à Redon: déclare infâme l'arrestation prononcée contre lui ; ordonne qu'il sera élargi sur-le-champ, déclare ennemi de la République et traitre à la Patrie, tout individu, de quelque grade qu'il soit, qui oserait attenter à la personne et à la liberté de ce brave républicain; fait défense au général Tribou, à tout autre chef de la force armée, aux autorités constituées et à la force publique, d'exécuter aucun ordre attentoire à la liberté dudit Le Batteux; défend, surtout, à tout citoyen, dans quelque grade qu'il serve la République, d'obéir à Tréhouard, appelé depuis peu comme suppléant à la Convention nationale, et ayant on ne peut plus mal rempli la mission qui lui a été déléguée, s'étant constamment déclaré le partisan de tous les fédéralistes, royalistes, modérés et contre-révolutionnaires des pays qu'il a parcourus : conduite que le représentant du peuple Carrier va dénoncer au Comité de Salut public et à la Convention; met le citoyen Le Batteux sous la sauvegarde de tous les citoyens, ordonne au général Tribou de le conduire à Nantes. en liberté, avec une escorte auprès de représentant du peuple Carrier, lequel, le mettant sous la protection spéciale de la République, se rend garant dudit Le Batteux à toute la France; ordonne à tous les chefs de la force armée et particulièrement au général Tribou, aux autorités constituées et à tous les citoyens d'exécuter et faire exécuter le présent arrêté à peine de désobéissance à l'autorité légitime de la Convention, et d'être regardés comme persécuteurs des républicains, partisans des contre-révo¬lutionnaires et traîtres à la République. Le représentant du peuple français, CARRIER J'ai rapporté, en entier, malgré son étendue, cet arrêté vraiment insensé, parce qu'il m'a semblé peindre Carrier et son époque. A lui seul, un tel acte eût dû motiver le rappel immédiat de cet homme, ce qui n'eut pas lieu. Cet arrêté avait été envoyé, le II nivôse, au Comité de Salut public, par Jullien fils Devant la Convention, Carrier avoua ses torts envers Tréhouard, mais il maintint et voulut justifier sa délégation à Le Batteux N'oublions pas, ici, que le Comité de Salut public et Robespierre furent, à deux reprises, instruits de la tournée de Le Batteux par Tréhouard, d'abord, et ensuite par Jullien fils. SOURCE= Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. L’affaire Trehouart-Le Batteux-Carrier. Alors que Carrier besognait à Nantes, un premier coup de semonce tonna fin décembre. Il s’agit de l’affaire Trehouart-Le Batteux-Carrier. Petit retour en arrière : Le 24 novembre, Carrier, désireux de mater les troubles agitant le Morbihan à l'aide d'une forte troupe, ordonna à Lebatteux, membre du Comité de surveillance de la petite ville de Redon, de se charger de l’opération : « [Le Batteux, secondé par le 5e bataillon du Bas-Rhin (850 hommes) sous le commandement de l’adjudant-général Avril] fera mettre à mort tout individu qu’il trouvera formant des rassemblements pour se révolter contre la République et fera incendier toutes leurs propriétés et fera désarmer et arrêter les gens suspects, et remettra les armes aux patriotes, qu’il mettra en réquisition, et exécutera toutes les autres mesures de salut public que lui dicteront l’amour de la liberté, de son pays et les principes républicains qui l’animent. » (Arrêté du 24 novembre) L’idée n’était pas neuve, et Carrier s’était déjà exprimé sur le sujet : 5 septembre, Carrier au Comité de salut public, alors qu’une « petite vendée entre La Gravelle et Vitré » menaçait : « Il ne faut plus ces demi-mesures dont on a fait usage dans l'origine à la Vendée. Il faut que vous fassiez partir sur-le-champ de Paris une partie de la force révolutionnaire qui doit être déjà formée et la renforcer en route, s'il est possible, afin qu'une grande masse de bons bougres de sans-culottes à poil écrasent, foudroient et brûlent en arrivant tous les contre-révolutionnaires rassemblés entre la Gravelle et Vitré, et que ce torrent révolutionnaire vienne rouler ensuite dans toute la ci-devant Bretagne, pour y extirper entièrement tous les maux, tous les ravages qu'y exerce le fanatisme. » 27 septembre, Carrier à Hérault de Séchelles : « Toute la ci-devant Bretagne, considérée en masse, n'offre qu'un miroir vacillant d'une mer agitée. Une commotion contre-révolutionnaire menace d'éclater de toutes parts. Je pense fermement qu'on y opérerait la contre-révolution, si on tentait d'y lever le dernier contingent décrété. Au lieu de prendre cette mesure, j'ai pensé, avec mon collègue Pocholle, qu'il vaut mieux et qu'il est indispensable d'établir à chaque département de la ci-devant Bretagne une force révolutionnaire pour y comprimer les explosions du fanatisme et de la contre-révolution sans cesse renaissantes dans ces malheureuses contrées. Le projet est déjà parachevé, aura-t-il l'approbation du Comité et de la Convention ? » Six jours après son arrêté du 24 novembre, Carrier se montrait tout aussi explicite vis-à-vis de l’adjudant-général Avril : « Continue citoyen à porter la terreur et la mort à tous les contre-révolutionnaires du Morbihan et communes environnantes. Que tout ce qui est suspecté d’incivisme, que tout ce qui est soupçonné d’avoir trempé dans des complots contre-révolutionnaires soient à l’instant renfermés dans des prisons sûres, et que tout ce que trouvera armé contre la République ou dans des rassemblements contre-révolutionnaires soit à l’instant mis à mort, et les propriétés incendiées. Voilà les ordres que je te délègue avec confiance, et que j’espère que tu exécuteras avec autant de fermeté que de zèle. » La « fermeté » et le « zèle » ne manquèrent pas, et les exactions de la petite troupe ne tardèrent pas à susciter de vives réactions. Ainsi, le 16 décembre, Tréhouart, représentant du peuple dans les ports de Brest et de Lorient, écrivait au Comité de salut public (reçue le 22 décembre) : « Notre collègue Carrier, résidant à Nantes, mal informé sans doute de la situation du Morbihan, des mouvements qui s'y opposaient et des mesures qui y avaient été prises par nous, a cru qu'il était nécessaire et important d'envoyer dans ce département des agents à la tête d'une armée révolutionnaire, avec des pouvoirs tels que les circonstances les plus orageuses eussent pu exclusivement les légitimer. Deux commissaires ont été nommés : l'un, pris dans la force armée (l'adjudant général Avril, commandant le cantonnement de la Roche-Sauveur), m'a offert une monstruosité de pouvoirs cumulés sur la même tête et incompatibles suivant la loi ; l'autre, plus conforme aux principes, le maître de poste de Redon, nommé Le Batteux, pris parmi les patriotes dont le civisme n'était pas bien prononcé, puisque je suis forcé de faire arrêter ce dernier, qui a commis les actes les plus arbitraires, pour qu'on rende compte de sa conduite. Jullien, commissaire du Comité de salut public, à qui j'ai délégué des pouvoirs, est chargé de se rendre à Vannes pour dissoudre cette armée. Vous jugerez, citoyens, d'après les pièces que je vous adresse, de l'exposé des motifs de mes opérations. Si j'ai différé de prendre cette dernière détermination jusqu'à ce moment, c'est que je croyais que notre collègue Carrier avait reçu de vous des pouvoirs pour agir de cette manière ; mais ce que j'apprends par les papiers publics, que toute armée révolutionnaire, autre que celle formée à Paris, est dissoute, me démontre le contraire et fonde ma démarche. Le Morbihan, ainsi que presque toute la ci-devant Bretagne, exigera pendant longtemps encore toute la surveillance du gouvernement ; mais, avec des administrations régénérées, des forces suffisantes et bien distribuées, tous mouvements qui s'élèveraient seraient réprimés sur-le-champ, et les coupables punis selon la rigueur des lois. L'agent civil, le citoyen Le Batteux, à son passage à Malestroit, sur de simples ouï-dire et sans aucune dénonciation écrite, a fait mettre au cachot le citoyen Chedaleux, reconnu par tous les bons citoyens pour un excellent républicain ; il a poussé la démence jusqu'à menacer de le fusiller. Il a levé des contributions' forcées, enlevé le plomb et le fer des monuments publics, sans faire connaître leur emploi ; il a fait fusiller des individus sans rendre compte des motifs qui l'ont décidé à cet acte de rigueur. En dernier lieu, il a fait renfermer à Vannes le citoyen Mouquet, connu pour un brave républicain, et dont le patriotisme est attesté par des commissions du Comité, de la Convention nationale et du Comité de sûreté générale, actuellement commissaire du Conseil exécutif pour les subsistances. La troupe aux ordres de ce commissaire Le Batteux s'est portée partout à des excès, sur lesquels Jullien va prendre les informations les plus strictes, afin que je puisse faire rendre justice prompte à qui elle sera due ; vous avez ci-joint la copie des pouvoirs que je lui ai donnés à cet effet. J'ignore encore la conduite qu'a tenue Avril, mais je vous rendrai compte de tout incessamment. Je sais, par voie indirecte, que cette armée est composée d'environ 850 hommes, que je vais distribuer dans les différents points qui me paraîtront les plus essentiels pour la sûreté et la tranquillité du département. » Comme indiqué dans cette dernière missive, intervint ici pour la première Marc-Antoine Jullien, un des acteurs principaux du rappel de Carrier. Le jeune homme avait été missionné par le Comité de salut public, le 10 septembre, en ces termes : « Le commissaire des guerres Marc-Antoine Jullien, appelé à Paris par le Comité de salut public, se rendra comme agent du Comité successivement au Havre, à Cherbourg, Saint-Malo, Brest, Nantes, la Rochelle, Rochefort et Bordeaux, et reviendra par Bayonne, Avignon, Marseille et Lyon pour prendre des renseignements sur l'esprit public et le ranimer dans les différentes villes, éclairer le peuple, soutenir les Sociétés populaires, surveiller les ennemis de l'intérieur, déjouer leurs conspirations et correspondre exactement avec le Comité de salut public. Il se présentera aux représentants du peuple qui se trouveront dans les lieux de sa mission, leur en exposera l'objet et suivra leurs instructions. » Le 16 décembre (la veille, on avait noyé à Nantes pour la troisième fois), Jullien quittait donc Lorient pour Vannes afin de dissoudre l’armée révolutionnaire et d’obtenir des renseignements sur la conduite des chefs de cette troupe. Trois jours plus tard, il écrivait ce premier rapport au Comité de salut public : « Dès que nous eûmes connaissance à Lorient qu'une armée révolutionnaire occupait le Morbihan et que plusieurs hommes avaient été fusillés sans un interrogatoire préalable, dès que nous eûmes reçu, quoique non encore officiellement, le sage décret qui supprime de pareilles armées pour n'en reconnaître qu'une seule dont l'action devra s'étendre sur toute la République, le représentant du peuple Tréhouard m'invita à me rendre à Vannes pour faire exécuter la loi et prendre des informations sur les actes illégaux ou arbitraires qui auraient pu être commis. L'administration du département s'est réunie à moi pour recueillir à cet égard les plus exacts renseignements, et la violation des droits les plus sacrés, l'oubli des lois, seront poursuivis et recevront la peine qui leur est due. Le patriote Mouquet avait été victime du despotisme de Lebatteux, commissaire près cette armée dite révolutionnaire, qui avait fait jeter Mouquet dans les fers en le souffletant et le menaçant de le faire fusiller parce que Mouquet avait dit dans la société populaire que bientôt les armées révolutionnaires partielles seraient dissoutes. D'autres actes non moins arbitraires et atroces m'ont été dénoncés. J'ai dû vous faire part de la conduite du sieur Lebatteux, qui maintenant s'est retiré paisiblement à Redon où le mépris public l'accompagne. Je supprime les trop longs détails des abus d'autorité dont il paraît s'être rendu coupable. P.S. : L'administration du département vient de me remettre toutes les pièces relatives à la conduite de Lebatteux, commissaire revêtu de pouvoirs illimités près l'armée révolutionnaire. Je n'ai pas vu sans frémir qu'il avait fait arrêter un grand nombre de patriotes que la voix publique l'avait ensuite forcé d'élargir, qu'il avait fait enlever des officiers municipaux au sein de la maison commune et sans qu'on pût savoir les motifs d'un enlèvement aussi arbitraire, qu'il avait fait fusiller des hommes seulement parce qu'on les avait qualifiés devant lui d'inciviques, sans les avoir préalablement interrogés, et que par un raffinement de barbarie il avait fait creuser devant eux la fosse qui devait les recevoir après leur mort ; qu'il avait fait incendier des églises, des maisons et des villages, après les avoir fait pille ; enveloppé dans ses actes de cruauté les innocents et les coupables, réveillé le fanatisme par la persécution atroce qu'il avait organisée contre les fanatiques ; exigé des taxes sur les malheureux habitants des campagnes ; que partout il avait affecté le despotisme le plus affreux et commis tous les abus d'autorité dont un homme peut se rendre coupable. Jugez après cela si Lebatteux ne doit pas être traduit devant les tribunaux. Mais il se retranchera toujours sur ses pouvoirs illimités et la non-existence, à l’époque de sa mission, de la loi sur le mode de gouvernement révolutionnaire. C'est là qu'est l'embarras de le punir ; et cependant l'impunité ne doit pas être la récompense de ses crimes. Je vais en écrire à vos collègues Tréhouard et Carrier, qui sont déjà prévenus de tout. [En marge:] Lebatteux a volé vingt mille francs dans différentes communes. Il a fait élargir les coupables et fusiller des innocents. » Le 25 décembre, Jullien renouvelait ses plaintes au Comité de salut public : « La conduite de l'armée soi-disant révolutionnaire et des prétendus commissaires militaires et civils revêtus de pouvoirs illimités qui la dirigeaient dans le Morbihan, a bien justifié le mot de patriotiquement contre-révolutionnaire dont Robespierre a qualifié les agents de Pitt. C'est par la révolution même qu'on a voulu tuer la révolution. On a vu des hommes sortis de je ne sais où, dont un avait été valet de moine et l'autre un intrigant nommé par Bournonville, chargés tout à coup d'une grande mission par un représentant du peuple dont ils avaient usurpé la confiance, et ces délégués, soi-disant révolutionnaires, ont pillé, incendié, assassiné ; ils appelaient cela révolutionner. En incendiant les églises ils ont réveillé le fanatisme qu'ils persécutaient ; ils ont acquis de nouveaux partis aux prêtres et à l'aristocratie. Que se disaient les paysans, victimes de ces atroces attentats ? « Nous aimons bien mieux, disaient-ils, l'armée catholique et royale que l'armée républicaine, qui ne respecte pas plus nos propriétés et nos vies que les églises, qui ne connaît aucune loi ni aucun frein.» J'ai remis à votre collègue Tréhouard toutes les pièces relatives aux brigandages, incendies, assassinats, abus d'autorité et actes arbitraires dont s'étaient rendus coupables les agents chefs de cette armée. Il a dû vous en adresser un duplicata et faire traduire les criminels au tribunal révolutionnaire. Ne seraient-ils pas des agents secrets de Pitt, ceux qui ont voulu rendre la représentation nationale complice de leurs projets liberticides, en se faisant donner des pouvoirs dont ils étaient indignes, et en se couvrant, au moyen du caractère sacré dont ils étaient revêtus, du manteau de l'impunité ? » Entre temps, la sanction annoncée dès le 16 décembre était tombée. Le 22 décembre, fort des informations transmises par Jullien, Tréhouart ordonnait au général Tribout d'arrêter Lebatteux et de le conduire près l'accusateur public du tribunal criminel du département du Morbihan, à Lorient. A l'annonce d'un tel ordre, Carrier entra en fureur et écrivit à Tribout (24 décembre) : « Quant à toi, je te somme, au nom de la république, au nom de la Montagne où j'ai toujours juché et où ne gravit jamais le crapaud de Tréhouart, d'exécuter et faire exécuter de point en point l'arrêté que je viens de prendre concernant Lebatteux. Je vais à l'instant dénoncer Tréhouart au comité de salut public et à la Convention nationale, afin qu'elle rappelle promptement un député de fraîche date, qui compromet à tout instant la liberté et les intérêts de son pays. Je déclare au surplus que je prendrai une mesure bien plus terrible, si Tréhouart s'avise de mettre la moindre entrave, le moindre retard à l'exécution de mon arrêté. En attendant, ta tête me répond de toute violence, de toute atteinte qu'on pourrait se permettre contre la personne et la liberté du brave Lebatteux. Si Tréhouart s'avise de donner l'ordre à toi ou à tout autre de transporter Lebatteux tout autre part qu'à Nantes, la tête de celui qui exécutera un pareil ordre en deviendra responsable à la république. Prends-y bien garde ! C'est le patriote le plus pur, le plus républicain de toute la ci-devant Bretagne qu'on t'a fait incarcérer. Je connaîtrai la mesure de ton républicanisme par la manière dont tu te comporteras dans l'exécution de mon arrêté » Voici l’arrêté en question : « Carrier, représentant du peuple près l'armée de l'Ouest, met en liberté le citoyen Lebatteux, directeur des postes à Redon ; déclare infâme l'arrestation prononcée contre lui ; ordonne qu'il sera élargi sur-le-champ, déclare ennemi de la République et traître à la Patrie, tout individu, de quelque grade qu'il soit, qui oserait attenter à la personne et à la liberté de ce brave républicain; fait défense au général Tribout, à tout autre chef de la force armée, aux autorités constituées et à la force publique, d'exécuter aucun ordre attentatoire à la liberté dudit Lebatteux; défend, surtout, à tout citoyen, dans quelque grade qu'il serve la République, d'obéir à Tréhouart, appelé depuis peu comme suppléant à la Convention nationale, et ayant on ne peut plus mal rempli la mission qui lui a été déléguée, s'étant constamment déclaré le partisan de tous les fédéralistes, royalistes, modérés et contre-révolutionnaires des pays qu'il a parcourus : conduite que le représentant du peuple Carrier va dénoncer au Comité de Salut public et à la Convention ; met le citoyen Lebatteux sous la sauvegarde de tous les citoyens, ordonne au général Tribout de le conduire à Nantes, en liberté, avec une escorte auprès du représentant du peuple Carrier, lequel, le mettant sous la protection spéciale de la République, se rend garant dudit Lebatteux à toute la France ; ordonne à tous les chefs de la force armée et particulièrement au général Tribout, aux autorités constituées et à tous les citoyens d'exécuter et faire exécuter le présent arrêté à peine de désobéissance à l'autorité légitime de la Convention, et d'être regardés comme persécuteurs des républicains, partisans des contre-révolutionnaires et traîtres à la République. » Lebatteux fut donc libéré (il ne fut inquiété (mais sans conséquence) qu’après la chute de Robespierre). De son côté, face aux insultes et l’annulation de son ordre, Tréhouart ne cacha sa colère et avertit le Comité de salut public de la tournure des évènements (26 décembre, reçue le 22 janvier) : « C'est avec la douleur et la mort dans l'âme que je me trouve force de vous rendre compte des insultes grossières que je viens d'essuyer de la part de Carrier, un de nos collègues. S'il me les avait adressées, si elles n'avilissaient pas la représentation nationale dont je suis revêtu, j'en ferais le cas qu'elles méritent, et le mépris serait ma réponse. Mais ce n'est point à moi que Carrier écrit, c'est au général qui commande les troupes près lesquelles je suis, c'est à l'administration du district ? Vous en sentirez toutes les conséquences, citoyens collègues ; car je vous ai instruits que Prieur (de la Marne), Bourbotte et Turreau, représentants du peuple près nos armées réunies, qui combattent les brigands, m'ont chargé spécialement de la défense du passage de la Vilaine, qui, s'il n'était pas bien gardé, laisserait aux rebelles débandés et poursuivis par nos armées victorieuses l'entrée dans le Morbihan, où, d'après le mauvais esprit qui y règne, ils se recruteraient abondamment. Connaissant l'importance de la mission dont j'étais chargé, après avoir fait filer toutes les troupes que j'ai pu me procurer pour occuper tous les postes intéressants, je me suis rendu ici, et j'ai vu avec la plus grande joie que les généraux avaient pris toutes les mesures de sûreté, et que nous pouvions répondre que les brigands ne souilleraient pas le sol du Morbihan. Tout allait à merveille, mes braves frères d'armes avaient en moi la confiance que je mérite, ils venaient de jurer en mes mains, aux cris redoublés de Vive la République ! et Vive la Montagne ! de périr plutôt que de quitter les postes qui leur étaient confiés, et c'est dans cet instant que Carrier écrit au général et au district les calomnies et les injures les plus atroces contre moi, qu'il annule les pouvoirs que la Convention nationale m'a délégués, comme à lui, et qu'il défend de me reconnaître ! Je vous demande, citoyens collègues : aurais-je jamais pu m'attendre à une conduite aussi inconcevable, moi qui n'ai jamais vu Carrier ? Quels en sont les motifs ? Les voici : Je vous ai rendu compte que Carrier, lorsque tout était tranquille dans le Morbihan, lorsque j'étais chargé d'y maintenir le bon ordre par mes collègues Prieur, Bourbotte et Bréard, avait, de Nantes, où il faisait sa résidence, formé une armée révolutionnaire, lorsqu'il n'en était plus besoin. Il avait mis à sa tête un nommé LeBatteux, que je ne connais pas, mais dont la conduite aurait entraîné bientôt la désorganisation totale de ce département, puisqu'il faisait incarcérer les patriotes, fusiller des hommes qui étaient paisiblement dans leurs chaumières, et cela sans procédure, mais arbitrairement, et qu'il s'était permis de lever les contributions défendues par la loi; cet homme m'a été dénoncé par toutes les communes par où il a passé, et vous verrez par les pièces que je vous envoie sous le numéro 1a s'il méritait de l'être. Croyant que Carrier avait été trompé dans son choix, aussitôt l'armée révolutionnaire dissoute en vertu du décret de la Convention nationale, je fis arrêter LeBatteux pour qu'il rendît compte aux tribunaux qui doivent en connaître de sa conduite, qui m'était si fortement dénoncée. Je crois, dans cette circonstance, n'avoir fait que le devoir d'un vrai républicain, d'un ardent ami de la liberté, et je ne devais pas m'attendre aux injures atroces que Carrier a vomies contre moi. Citoyens collègues, un décret de la Convention m'a nommé en commission près les ports de Brest et de Lorient; les circonstances ont engagé les représentants du peuple près les armées à la poursuite des brigands à m'inviter de les aider à les détruire, et j'ai rempli tous ces devoirs. J'ai cru que la prudence, que le bien de la chose publique ne me permettaient pas d'élever autel contre autel, en m'opposant à la liberté de LeBatteux, que Carrier a ordonnée, mettant cet homme sous la sauvegarde de la République entière et enjoignant au général chargé de défendre le passage de la Vilaine d'aller lui-même le conduire à Nantes, tandis que l'ennemi, dispersé il est vrai, est encore à nos portes, et que ce général reçoit des ordres de se porter en avant pour achever la destruction totale des brigands vaincus. Je crois que cette conduite vous paraîtra inconcevable ; la copie des pièces que je vous transmets vous mettra à même de la juger. Je sais, citoyens collègues, qu'il y a peu de temps que je suis parmi vous, mais ma conduite révolutionnaire ne craint pas d'être éclairée. J'ignore celle de Carrier, je la suppose telle qu'elle doit être, mais je ne puis penser que vous approuviez la dernière qu'il vient de tenir à mon égard. Quant à ses injures, elles sont trop au-dessous de moi pour m’affecter, si elles ne compromettaient pas le salut public ; je vous demande en son nom une décision prompte, et je l'attends avec la tranquillité qu'inspire une conduite suivie et vraiment républicaine. P.S. : J'omettais de vous dire que LeBatteux, ce républicain austère, choisi par notre collègue Carrier pour régénérer le Morbihan, était, lors du 31 mai, membre du conseil du district de Redon, qui a signé tous les arrêtés liberticides ; qu'il a même vexé ceux des patriotes qui ne voulaient pas marcher pour une si mauvaise cause, et qu'enfin, il a été lui-même (ne pouvant y être forcé) à la tête des forces départementales, dont il avait provoqué la réunion. Je ne vous cite que des faits, citoyens collègues; envoyez des commissaires sages et impartiaux sur les lieux, prenez des connaissances, et jugez. » Aux crimes de Lebatteux s’ajoutait à présent la lutte de deux représentants du peuple. Logiquement, Jullien ne resta pas muet, invitant le Comité de salut public à prendre des mesures fermes et urgentes (c'est la première fois que le rappel de Carrier est évoqué) afin de mettre un terme à cette situation. Jullien à Barère, 1er janvier 1794 : « Je dois te parler aujourd'hui d'un objet très important et sur lequel une décision prompte est attendue. Il s'agit de la lutte vraiment affligeante qui vient de s'élever entre deux représentants du peuple, dont j'aime à croire les intentions pures, mais dont la conduite est vraiment blâmable. Chargé par le Comité de lui transmettre le résultat fidèle de mes observations, je dois lui parler avec une entière franchise et ne déguiser rien. Carrier qui, je crois, n'était pas envoyé dans le Morbihan, mais bien dans les Côtes-du-Nord qu'il a totalement négligées ; Carrier, qui connaissait si peu le Morbihan, qu'il croyait que l'administration ancienne y existait encore lorsqu'elle avait été depuis un mois renouvelée et qui dans une lettre anonyme bien imprudente traitait de conspirateurs et de fédéralistes les sans-culottes appelés par Prieur de la Marne au directoire du département ; Carrier avait donné son entière confiance à une multitude d'agents civils et militaires investis de pouvoirs vraiment illimités. Je t'envoie ici quelques-unes des pièces justificatives de mon assertion. Les agents de Carrier répandus dans le Morbihan excitèrent bientôt les plaintes des patriotes et les corps constitués régénérés se rendirent les organes du vœu du peuple. Tréhouart, représentant du peuple dans le département du Morbihan, fut dépositaire de ce vœu. Le décret de la Convention qui supprime les armées révolutionnaires partielles venait d'arriver. Tréhouart prit un arrêté pour me charger de me rendre à Vannes faire exécuter le décret, prendre des renseignements sur les violations de la loi et les actes arbitraires commis. J'ai pris les notes les plus exactes; j'ai vu qu'on avait pillé, assassiné, incendié, sous prétexte de révolutionner et j'ai reconnu plutôt des agents de Pitt que des délégués d'un représentant du peuple montagnard. Tréhouart, sur le vu des pièces authentiques recueillies par moi, se détermine à faire arrêter Lebatteux. Carrier l'apprend, écrit mille sottises contre Tréhouart et paraît déclarer Lebatteux inviolable. Tu verras ci-joint les pièces. Il fait plus : il envoie de nouveaux agents qui arrêtent des administrateurs patriotes et aggravent le mal commencé. D'un côté, on se plaint des actes despotiques des envoyés de Carrier et de la manière dont il les soutient envers et contre tous ; de l'autre, on gémit de la faiblesse de Tréhouart, qui paraît indécis et incertain au milieu des justes réclamations qui l'entourent. Carrier doit vous paraître infiniment coupable d'avoir avili la représentation nationale et méprisé les pouvoirs donnés à un de ses collègues par la lettre injurieuse qu'il écrit à Tribout sur Tréhouart. Ce dernier n'a guère contre lui que sa conduite faible et vacillante qui tantôt protège l'aristocratie, tantôt laisse impunément opprimer le patriotisme par de simples missionnaires d'un de ses collègues, non envoyé, je crois, pour le Morbihan. Il me paraît instant que Carrier et Tréhouart, le premier surtout, soient promptement rappelés. Leur lutte a produit le plus mauvais effet; les contre-révolutionnaires en triomphent, et la représentation nationale perd de sa dignité ; quoique je vous aie parlé du rappel de Tréhouart, je pense qu'étant bon marin, il pourra n'être pas inutile à Brest où il sera avec Jean Bon Saint-André qui saura bien le diriger. J'oubliais de vous dire de Carrier que dans le nombre de ses agents, dont plusieurs sont aristocrates connus, quoiqu'il les appelle et les croie peut-être républicains prononcés, il y a jusqu'à des gros négociants de la ville bien mercantilement aristocratique de Nantes. » Jullien à Robespierre, 1er janvier 1794 : « Je t'envoie, ainsi qu'à Barère, les quatre pièces les plus importantes relatives à la conduite de Carrier, qui, après avoir donné sa confiance à des hommes patriotiquement contre-révolutionnaires, qui ont pillé, tué et brûlé, et que Tréhouart avait fait arrêter, les a déclarés inviolables, et a défendu de reconnaître son collègue pour représentant du peuple. Une pareille conduite est révoltante. Carrier a subdivisé ses agents en si grand nombre qu'on voit des hommes délégués par les commissaires des représentants faire arrêter des administrateurs patriotes, en convenant même dans le procès-verbal de l'arrestation qu'il n'existe ni faits, ni papiers contre eux. Les actes les plus tyranniques se commettent ; une lutte indécente s'élève entre deux représentants, dont l'un (Carrier) menace d'arrêter l'autre. Tu verras les détails dans ma lettre à Barère et les pièces jointes. On attend une prompte décision. » Toujours à Robespierre, le même jour : « Carrier a tout oublié en refusant de reconnaître son collègue et se déclarant le plastron d'un de ses délégués reconnu criminel. Carrier a méconnu les pouvoirs de la Convention dans celui qu'elle avait envoyé et dont il a voulu annuler le caractère. Carrier s'est associé au délit de ses agents par son opiniâtreté constante à les soutenir. » Autre son de cloche du côté de Carrier, ce même 1er janvier (lettre au Comité de salut public, reçue le 26 janvier) : « Rappelez avec la même célérité Bréard et Tréhouart ; qu'un courrier extraordinaire apporte le rappel. Tréhouart trompe Bréard ; ils sont entourés l'un et l'autre de tous les fédéralistes, de tous les conspirateurs du Morbihan et du Finistère. Ils laissent former toute espèce de complots sous leurs yeux. Tréhouart se déclare hautement le partisan des contre-révolutionnaires. Quant à l'intérieur de la Bretagne, dans lequel je comprends Lorient, je pense qu'il faudrait qu'un député à triple poil y fît une ronde révolutionnaire, accompagné de douze ou quinze cents hommes de cavalerie. Il commencerait par révolutionner les grandes communes, qu'on appelait naguère villes, et de là, parcourant les campagnes, il ferait incendier par des accidents bien amenés toutes les églises, y donnerait la bonne chasse aux prêtres réfractaires qui y sont encore, et en emmènerait les constitutionnels, qui y font presque autant de mal, et les purgerait de tous les ci-devant nobles et robinocrates qui y propagent le poison de l'aristocratie et du fanatisme, et y fomentent l'esprit de rébellion. Les paysans seuls, sans églises, sans tocsin, sans prêtres et sans messieurs, ne penseraient plus qu'à labourer leurs champs et à payer leurs contributions. Ne craignez plus pour Nantes : elle a longtemps alimenté la guerre de la Vendée ; cette commune ne commettra plus à l'avenir un crime de cette nature ; elle est au pas révolutionnaire. Le 6 janvier, cette fois-ci directement auprès du Comité de salut public, Jullien poursuivait ses démarches : « De quel droit Carrier voudrait-il interdire à un de ses collègues l'exercice de ses fonctions ? Cet exemple est despotique et dangereux. On reproche à Tréhouart de la faiblesse, une trop grande facilité pour ceux qui s'adressent à lui, une conduite très peu révolutionnaire. Mais, fût-il plus faible encore, son caractère est sacré, ses pouvoirs lui viennent du peuple. On attend avec impatience votre décision. Les abus se multiplient ; il importe d'en arrêter la source. Des administrateurs patriotes ont été mis en état d'arrestation par des agents de commissaire, et le procès-verbal porte ces mots : Sur ce que nous n'avons trouvé aucun papier, t’avons mis en état d'arrestation. Qu'aurait-ce été s'il y eût eu le moindre papier ? On l'aurait guillotiné ? J'ai écrit en détail sur cet objet à vos collègues Robespierre et Barère, à qui j'envoie plusieurs pièces qui y sont relatives. Lebatteux mérite pour le moins le tribunal révolutionnaire. Je vous ai envoyé des renseignements exacts et circonstanciés que j'avais recueillis sur sa conduite. » Le même jour, Tréhouart revenait lui-aussi à charge (lettre au Comité de salut public, reçue le 13 janvier) : « J'y attends votre décision sur la dépêche que je vous ai fait passer le 6 relativement aux calomnies lancées contre moi par notre collègue Carrier. Je crois que, pour le bien de la chose publique, il faut que vous prononciez, de quelque manière que ce soit. Je l'attends avec impatience. » Les plaintes répétées de Tréhouart et les accusations et demande de rappel de Jullien furent sans suite. Dans la balance de confiance, le « faible » Tréhouart ne pesait pas bien lourd face au « zélé » Carrier. En effet, alors que la rupture entre les deux représentants n’avait pas encore éclaté, on envisageait déjà au Comité de salut public (par la plume de Billaud-Varenne, vraisemblablement le 22 décembre) de rappeler Tréhouart : « Ecrire à Tréhouart que les dispositions prises rendent sa mission inutile, et qu’il est rappelé au sein de la Convention nationale » Sentiment sans doute renforcé par la suite par la lettre de Jullien écrite à Robespierre, ce même 22 décembre : « Envoyez un représentant du peuple ferme qui renouvelle l’administration de la marine, et rappelez le trop faible et vacillant Tréhouart, auquel le séjour à la Montagne est plus que nécessaire. […] Une lettre du comité de surveillance de Lorient [donnera d’amples détails] sur Tréhouart dont je n’inculperai pas les intentions mais dont la conduite est un problème, ou plutôt sa vacillation ne vient que de sa faiblesse. » Le rappel allait cependant attendre, et Tréhouart, remplacé à Lorient, poursuivit sa mission à Brest. Ainsi, le 27 décembre, Barère et Carnot, reprenait les mots de Jullien, écrivait à Prieur (de la Marne) envoyé à Lorient : « Tu auras surtout à réparer par des mesures vigoureuses les maux qu’a fait la faiblesse de Tréhouart. » Le Comité de salut public ne lui notifia finalement son rappel à siéger à la Convention que le 25 janvier. De son côté, comme déjà dit, Carrier, le 29 décembre, était nommé commissaire chargé de l’institution du gouvernement révolutionnaire dans les départements de la Loire-Inférieure et du Morbihan. Mais Jullien n’avait pas tiré ses dernières flèches. L’affaire Tréhouart-Carrier, dont ce dernier était sorti finalement vainqueur, n’était qu’une étape… FRANÇOIS LE BATTEUX ET LA COLONNE INFERNALE DANS PLUSIEURS COMMUNES Source= REDON Les anciens. Edifices religieux par·le Lieutenant· Colonel de KERANGAT L'incendie de 1780 sonna, le premier glas de l'abbaye. Dix ans plus tard exactement, le 14 février 1790, un nouveau sinistre éclatait dans les bâtiments conventuels : le feu avait pris dans le Chartrier, la -bibliothèque et la procure; il y avait été allumé volontairement dans l'intention de faire disparaitre les titres des droits et rentes dûs au monastère. Il fut éteint sans avoir gagné l'église, et n'ayant détruit qu'une faible partie des archives. Dom Jausions (Histoire de Redon, p. 248) désigne formellement comme ayant été l'incendiaire François Le BATTEUX originaire du Mans, cher cuisinier du monastère; dont les idées avancées incitèrent Carrier à en faire pendant la Terreur son agent au pays de Redon. L'accusation ne semble guère pouvoir être mise en doute, car Dom Jausions, né dans les premières années du dix-neuvième siècle, déclare avoir connu et interrogé des témoins oculaires du sinistre. Le but cherché ne fut d'ailleurs pas atteint, et la belle collection des chartes de l'abbaye de Redon forme aujourd’hui le fonds le plus précieux peut-être des Archives départementales d'Ille-et-Vilaine Pendant la Révolution, la maison des Calvairiennes avait été successivement transformée en caserne pour les Volontaires puis en dépôt de prisonniers espagnols ; l'argent de Carrier, Le Batteux y avait habité pendant quelque temps avec sa famille. Source=Annales de Bretagne Aidé du Comité révolutionnaire qui a choisi pour président Le Batteux, ambitieux sans honnêteté et sans scrupule, envoyant des commissaires dans les communes et aux armées, tout comme la Convention dans les départements, le Directoire triomphe, refoule l'ennemi à Maure et à Goven au nord de son district, vient en aide aux districts soulevés de Roche-des-Trois, Roche-Sauveur, Blain et Ploërmel, arrive par des prodiges et toujours sous la menace de la famine à approvisionner tant bien que mal le marché de Redon, et bien plus, à faire approvisionner celui de Rennes tellement que, lorsqu'éclate la réaction thermidorienne, la tranquillité et l'ordre sont à peu près rétablis. On conçoit que les moyens employés durent être révolutionnaires. Des hommes énergiques étaient là Degousée, Gentil, Bastide, Bellouard, et après Bellouard, Binel qui devint agent national et dont la correspondance révèle l'incessante activité. Or, par une anomalie étrange, dans ce district soulevé, la terreur ne fut pas sanglante. Le Comité de surveillance révolutionnaire présidé par Le Batteux sut se faire craindre sans se montrer pourtant trop cruel. Nous n'avons certes pas l'intention d'innocenter complètement les terroristes de Redon, mais encore est-il qu'on ne peut presque rien leur reprocher. La preuve ne s'en trouve-t-elle pas dans l'acquittement de Le Batteux que prononça le tribunal révolutionnaire de Paris? Bref, les incarcérations furent peu nombreuses. Le Directoire savait très bien que le meilleur moyen d'action n'était pas l'exercice de la coercition contre les personnes, mais contre les biens. Il vendit plus d'un million de livres de biens nationaux, tenta de faire rentrer les contributions dues depuis1765, exigea la contribution patriotique et la contribution extraordinaire sur les pères et mères d'émigrés, se procurant ainsi des ressources suffisantes pour vivre. A Redon, à Questembert, à Vannes et dans tout le Morbihan, Le Batteux, un cabaretier qui se fait accompagner par une armée révolutionnaire dont Avril est le général, Le Batteux, l'homme de confiance de Carrier, porte la destruction, l'incendie et la mort partout où il passe. Il fusille sans jugement les Royalistes d’abord, ensuite les Modérés et enfin les Patriotes; il brûle le village de Coëtbihan., à Bourg-Paul-Musillac, il surprend une centaine de villageois réunis dans l'église. Ces villageois priaient : ce fut leur seul crime. Le Batteux ordonne que la moitié sorte immédiatement du temple. Hommes et femmes, tout le monde s'empresse d'obéir. Avril les égorge dans le cimetière, et Le Batteux écrit à Carrier, le 21 nivôse an II (10 janvier 1794) : « Ça va! mon digne représentant, ça va, presque aussi crânement qu'à Nantes. Je fais rôtir les aristocrates, et toi tu les noies. Je suis donc plus chaud que toi. Avril est un excellent sans-culotte ; mais ton collègue Tréhouart voudrait un peu s'opposer à mes justices nationales. Ce crapaud du Marais ne m'intimide guère. Je sais que nous sommes appuyés et encouragés par le Comité de Salut Public. Il faut donc régénérer l'espèce humaine en épuisant le vieux sang. Tuons toujours, il en restera encore assez de préjugés et de sottises dans cette Bretagne infectée de la lèpre papalo-monarchique. » Source= LES ŒUVRES DE FRANÇOIS CADIC La physionomie de ce Le Batteux est une des plus répugnantes dans l'effroyable galerie des hommes de sang de cette époque et vaut la peine qu'on s'arrête devant elle. C'était un Manceau, ex-cuisinier chez les Bénédictins de Redon, qui, à l'approche de la Révolution, s'était empressé de lâcher ses fourneaux. Pour témoigner à ses anciens maîtres combien il leur savait gré de leurs bons offices, il avait commencé par mettre le feu au couvent, puis il avait pris la tête du parti jacobin dans la petite ville. Il était président du Comité de surveillance, lorsque la révolte de l'Arvor oriental éclata. Craignant pour eux-mêmes, les habitants de Redon crièrent au secours. Ils déléguèrent Le Batteux auprès de Carrier. Les deux hommes étaient faits pour se comprendre. Le proconsul devina en cet émissaire une âme et des sentiments semblables aux siens et il s'empressa de lui confier un bataillon de Mayençais, le 5 du Bas-Rhin, et de le préposer à la tête de toutes les forces du pays, afin de comprimer la rébellion. Carte blanche lui était accordée pour arrêter les suspects, massacrer les coupables, incendier les maisons et un auxiliaire lui adjoint pour l'exécution de cette affreuse mission, l'adjudant-général Avril. Quelques jours après, le 29 novembre, Le Batteux était à Questembert. La plupart des révoltés étaient rentrés dans l'ordre ; leurs dernières bandes se simulaient dans les bois, mais il restait à exercer des représailles et cet ho s'y entendait à merveille. Son premier geste fut d'emprisonner, sans raison ni motif, les municipaux de Questembert qui n'en pouvaient plus, puis il se tourna contre Noyal-Muzillac. Cette commune était particulièrement désignée à sa colère, à cause de la part active qu'elle avait prise à l'insurrection. Le 1 er décembre il y arrivait. Ce jour était un dimanche et les braves gens qui ne s'attendaient guère à le voir assistaient aux offices. En un instant l'église était cernée. Déjà l'incendie consumait la chapelle de Bennegui au bourg. D'une traite il courut à la mairie : il lui fallait les armes dérobées à Ambon, Il lui fallait les de Silz (on les disait cachés dans la localité), il lui fallait une contribution de 6000 livres et deux barriques de cidre dans la demi-heure, sinon le maire serait fusillé. On ne lui avait encore répondu, qu'il s'élançait vers l'église et, du haut de la chaire, criait aux paysans épouvantés : « Qu'on me dénonce les chefs de brigands, qu'on me livre les poudres, sinon vous allez tous mourir. » Comme pour mieux corroborer ses paroles, les soldats entassaient des fagots sur l'autel. Or, aucun des paysans ne répondait mot. Un jeune homme cependant, puis un second, voulut s'enfuir. On des arrêta et on les massacra dans le cimetière. On fit sortir un à un tous les assistants, et on les interrogea chacun à tour de rôle ; Comment t'appelles-tu ? - Ignace Guin.- On a fusillé ton frère, tu le seras aussi. Huit malheureux succombèrent ainsi, lâchement assassinés. Alors on se retourna contre les maisons. On pilla chez les principaux habitants, puis, comme la nuit tombait, l'armée révolutionnaire gorgée de sang, de cidre et de dépouilles de pauvres gens, rentra dans ses cantonnements, pour revenir le lendemain brûler quelques fermes et exiger la remise des armes. Le Batteux avait établi son quartier général à Questembert ; une véritable terreur y régnait. Il y faisait fusiller un commis, Fauvielle, qui s'était compromis dans le soulèvement du mois de mars et ordonnait de détruire toutes les chapelles. Au cours d'incessantes randonnées dans le voisinage, il imposait des contributions de guerre aux communes, pourchassait prêtres et nobles et parachevait son oeuvre à Muzillac en condamnant à mourir, au bord d'une tombe qu'on avait creusée d'avance, un préposé aux douanes, d'Avaux, qui était doublement coupable d'être né noble et d'être suspect de participation à la première insurrection. Quand, le 11 décembre, Le Batteux partit pour Vannes avec son armée révolutionnaire, on aurait pu le suivre à la trace du sang et à la lueur de l'incendie. Il y eut un cri d'horreur jusque parmi les Jacobins les plus exaltés. Les représentants Tréhouart et Jullien l'obligèrent à rentrer à Redon, et une commission d'enquête ayant établi le bien-fondé des accusations lancées contre lui, son arrestation fut ordonnée. Mais Carrier veillait, il le fit relâcher et aussi longtemps que le proconsul fut à Nantes, l'égorgeur continua de jouir des honneurs les plus scandaleux. Qu'importait d'ailleurs la protestation des consciences indignées ? N'était-ce pas plutôt l'heure des représailles, puisque les armées de la Révolution étaient victorieuses partout ? Non seulement les révoltés de l'Arvor oriental étaient écrasés, mais, au moment où se terminait cette sinistre année 1793, les administrateurs ne recevaient que d'heureuses nouvelles. D'Ille-et-Vilaine une lettre de l'adjudant-général Avril apprenait qu'une colonne avait surpris le 29 novembre quelques chefs insurgés dans la forêt du Pertre et découvert leur plan de mobilisation. Il ajoutait qu'une vingtaine de chouans avaient péri. Quelques jours plus tard, une autre lettre de ce même officier annonçait mieux encore, le succès triomphant remporté à Savenay sur l'armée vendéenne, le 22 décembre : « Il n'est plus de brigands ; ils viennent d'être exterminés, anéantis après un combat de deux heures ; 5 000 ont mordu la poussière. On leur a pris 5 pièces de canon, 4 caissons, leur trésor, leurs équipages. Quelques-uns se sont sauvés, mais les paysans les assomment ou les fusillent. Bientôt il n'en restera plus un pour souiller la terre de la liberté ! » Les révolutionnaires savaient être féroces jusque dans leurs manifestations de joie. Ils estimaient d'ailleurs qu'ils n'avaient plus de ménagements à garder. Source=infoBretagne.com La commune de Noyal-Muzillac fut une des premières à se révolter contre la réquisition. Les jeunes gens ne voulurent point devenir soldats, ils se firent chouans. Le 3 mai 1793, une garnison arrivait ; son entretien était mis aux frais des habitants. On leva le double des contributions mobilières, et les parents des réfractaires furent imposés extraordinairement. Ce n'était là que le commencement des peines. Ecoutons : — Le jour de dimanche, onze frimaire, an second de la République française une et indivisible, environ les onze heures du matin, le citoyen Le Batteux arriva au bourg de notre commune (de Noyal-Muzillac), à la tête du 5ème bataillon du Bas-Rhin, bataillon dit armée révolutionnaire. Il trouva les habitants sortant de l'église, où ils étaient rassemblés pour faire leurs prières et entendre la lecture des lettres et ordonnances qui leur étaient adressées par les membres du district de la Roche-Sauveur (Roche-Bernard), et la municipalité allait leur distribuer des billets de réquisition d'avoine pour le lendemain dans cette ville. Les soldats firent rentrer à l'instant tout le monde, en disant qu'on ne devait pas craindre et que personne n'aurait de mal. Ils frappèrent à coups de sabre ceux qui ne voulaient pas rentrer assez vite. Quand tous furent réunis, des gardes furent mises à toutes les portes, et des soldats furent envoyés dans les maisons du bourg pour y prendre les hommes et les amener à l'église. Le Batteux, pendant ce temps-là, s'en fut à la municipalité, qu'il trouva rassemblée pour pourvoir au moyen de fournir l'avoine dont il a été question. Il lui dit qu'il venait de la part du citoyen Carrier, représentant du peuple, résidant à Nantes, duquel il tenait des pouvoirs illimités ; qu'on avait à lui livrer immédiatement les armes et la poudre qu'on tenait d'Ambon, les révoltés de Silz, nommer tous les coupables, compter 6.000 francs pour les frais de guerre, deux barriques de cidre pour sa troupe ; qu'il ne leur accordait qu'une dernière heure pour lui procurer le tout, et que si, au moment fixé, il n'avait pas pleine satisfaction, il les fusillerait tous. Il ajouta : — De crainte que la mémoire ne vous fasse défaut, je vous laisse ce billet : « Au NOM DE LA LOI : Moi, commissaire civil, je donne une demi-heure aux officiers municipaux de Noyal-Muzillac pour dénoncer et fournir les coupables qui ont pris les armes à Ambon, me donner les barils de poudre, me livrer les Silz et 6.000 francs pour frais de guerre. Signé : NOGUES, secrétaire. A Noyal, 11 frimaire ». Cela fait, il se transporta à l'église, avec les hommes qui l'accompagnaient, et où se trouvait déjà une partie de son armée. Il fit mettre les femmes à la porte, et les hommes sur plusieurs rangs. Quelques soldats se promenaient entre les rangs, demandant la dénonciation des coupables et des chefs de brigands, la poudre, et ajoutant que, sans ces aveux, ils allaient tous périr. Le Batteux fit transporter à la municipalité tous les papiers qui étaient à la sacristie et déchirer les ornements qui s'y trouvaient encore. Les soldats portèrent du bois et de la lande sur un des autels, disant à tous qu'on allait les rôtir et griller s'ils ne dénonçaient pas. Le Batteux tenait lui-même ces propos dans la chaire, où il était monté. Il retourna à la municipalité, demanda si on avait délibéré sur ses ordres. On lui répondit qu'on n'avait aucune connaissance des faits allégués. Il sortit furieux, et, de retour à l'église, il ordonna à ses volontaires de charger leurs armes. Un jeune homme, appelé Jacques Mari, âgé d'environ vingt-six ans, voulut se sauver par la porte du midi. Saisi par les cheveux, traîné au portail, il est attaché, avec un autre jeune homme d'environ trente-trois ans, François Lescop. On les met dans le cimetière et on les fusille. Jean Rival, de la première réquisition est interrogé par un gendarme, à la figure noire, qui lui demande, sans le connaître, si ce n'est pas lui qui a empêché de faire la liste des garçons requis. Rival répond qu'effectivement il a bien fait quelque chose de pareil, mais qu'aujourd'hui il est prêt à partir, et même à l'instant. On le mène dans le cimetière et on le fusille. Le même gendarme, chargé de mettre les hommes dehors un à un, leur demande toujours leurs noms. Guillaume Dréno, âgé d'environ vingt-neuf ans, donne aussi le sien ; on lui lie les bras et on le fusille. Ignace Lescop vient à son tour et prend le nom de Guain. Le gendarme demande au maire, qui était à côté, s'il dit vrai. Celui-ci répond qu'il doit mieux savoir son nom que tout autre. Le jeune homme tout effrayé dit : — « Oui, je m'appelle Ignace Guain.... » et la vérité sortant avec ses larmes, son nom lui tombe des lèvres.... Lescop ! Le gendarme alors : « Votre frère vient d'être fusillé ; c'est votre tour ». On le fusille. On observe que Le Batteux n'était pas à la porte, mais à une petite distance. Le gendarme tenait un papier entre les mains, et de temps en temps jetait les yeux sur lui. Un autre jeune homme, de la réquisition, nommé Pierre Méter, saisi de peur, brise un vitrail et veut fuir par une fenêtre. Il réussit, mais trois cavaliers le poursuivent et l'atteignent à trois cents pas, caché dans une haie. Ils le hachent à coups de sabre. Le Batteux fait mettre le feu dans la chapelle de Bengué, qui est dans le bourg, et tous les ornements sont brûlés ou pris ; cela, à trois heures de l'après-midi. Des soldats sont envoyés au village de Breulis et mettent le feu à plusieurs maisons, qui furent incendiées avec ce quelles renfermaient. Dans le bourg, différents vols furent commis. Les soldats prirent six chevaux aux pâturages. Le Batteux remit l'ordre suivant à la municipalité : « AU NOM DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE : Moi, Le Batteux, commissaire auprès du cinquième bataillon du Bas-Rhin, dit révolutionnaire, en vertu des pouvoirs illimités que m'a donnés le représentant Carrier ; vu que la municipalité de Noyal-Muzillac m'a promis de me fournir la somme de 6.000 livres pour frais de guerre, toutes les armes et munitions de la paroisse, et que le tout me serait remis demain ; c'est-à-dire sous vingt-quatre heures à Questembert ; que tous les jeunes gens de dix-huit à vingt-cinq ans se rendraient, sous le même espace de temps, à la Roche-Sauveur ; — attendu qu'il est du caractère d'un bon patriote d'être toujours porté à pardonner, quand le peuple veut rentrer dans le devoir et reconnaître les lois, je veux bien faire grâce aux coupables. — Signé : LE BATTEUX. Plus bas : NOGUES, secrétaire. 11 frimaire ». Le lendemain, 11 frimaire, un détachement du même bataillon se rendit au village de la Grée-Bourgerel en Noyal, et mit le feu aux maisons de Guillaume Le Pautremat, qui étaient remplies de mobilier ; 230 francs en argent, son linge et son cheval lui furent enlevés, et tout cela, parce qu'un mois auparavant, les chouans, venant de l'affaire d'Ambon, s'étaient battus dans le village contre des cavaliers patriotes, et avaient pris du grain chez ledit Pautremat, et l'avaient mené à Questembert. La municipalité de Noyal-Muzillac se rendit, le 12 frimaire, à Questembert. Le Batteux leur fit restituer les six chevaux pris la veille, et leur donna la quittance suivante : — « Le commissaire auprès du cinquième bataillon du Bas-Rhin, après avoir imposé une somme de six mille livres aux habitants de Noyal-Muzillac pour frais de guerre, parce qu'ils s'étaient révoltés au mois de mars dernier et même depuis peu, reconnaît que les officiers municipaux de cette localité lui ont compté cette somme ; à eux maintenant de se faire rembourser par les habitants ; ce à quoi je les