Seigneurie ou maison noble
Préclos (Le)
RUFFIAC
56140
Morbihan
56

suite de l'affaire du Pré-Clos-(Source aventures de guerre civile par Le FALHER) Les 18 noms des propriétaires sont ceux donnés lors de l'arrestation du Préclos. Les cinq noms de domestiques sont ceux de: Mathurin Brohan ; Pierre Dabo ; Thomas Cheno ; Julien Barbier ; François Baudu. Les 8 prêtres sont : MM. Vincent Le Fcher, sacriste de la cathédrale ; Mathurin Le Guennee, ci devant vicaire de la cathédrale ; Grégoire-Charles-Jean Defruit ; Jean-Baptiste d'Haumières, ci-devant chanoine ; Pierre-Marie Couret, clerc-tonsuré, musicien aux gages du ci-devant chapitre ; Pierre-Bertrand de Keronyant, curé de Sarzeau ; Bonaventure Larbre de Lépine, dominicain ; Jean-Baptiste Guillard, dominicain. Les trois premiers de ces messieurs avaient été arrêtés le 28 juin 1791 au château de Trémouar, en Berric, par un détachement aux ordres de Bigarré (Cf. Arch. dépt. L. 255). Donc des 37 arrêtés du Préclos, il n'y en a que 23 qui prirent le chemin de Port-Louis. Par décret du 5 juillet 1791, 12 furent élargis à savoir • Joseph Dibois Martin Anée, Jacques Thétiot, Julien Ailée, Jean Souchot, Mathurin Dubois, Alexis Ricaud, Mathurin_ Jouvence, Guenhaéi Tatard, François Le Bïeton, Ma¬thurin Jan, Joseph Noé. Pierre Gillard et Damas-Eutrope Daniel furent enfermés à la maison d'arrêt de Vannes, d'où ils ne sortirent que le 13 septembre 1791 Arch. dépt, 251). Le 22 juillet Robin écrivit une lettre au département pour demander la mise en liberté de Daniel qui était de Tréal. Le 10 juillet, M. Coquerel recteur de Ruffiac: écrit à Gaillard, à Ploêrmel, pour lui demander si son conseil municipal pouvait faire une requête fructueuse à l’endroit de M. de Quéhéon et de Pierre Giliaru M de Quéhéon est très harmonieux, malgré son peu de fortune, et il est aimé de tout le monde. --- Pierre Gillard mis hors de cause pour le Préclos n'est retenu en prison que pour du tapage qu'il fit à l'assemblée primaire de Caro où il était ivre. MM. Daniel, commissaire civil, et Gillet reçurent ordre de conduire les prisonniers et surtout « de passer par Lorient pour acquitter « la promesse qui en avait été faite au peuple, dont on n'apaisa la juste fureur qu'à cette condition ». Copie textuelle de l'arrêté du 2 juillet. J'écris copie textuelle et j'ai peine à l'écrire, tellement cela me parait invraisemblable. Comment! l'administration morbihannaise vient d'arracher à grand-peine les captifs du Préclos à la surexcitation populaire de Vannes, et elle s'engage par acte public à les offrir en montre au bas peuple de Lorient Alors c'est donc un massacre qu'elle veut, un massacre à la parisienne, de ceux que la province commençait à réclamer pour imiter la capitale, une de ces échauffourées ignobles de pendaisons et d'égorgements où des assassins de tempérament tuent sous prétexte de politique. Ce qu'elle veut, c'est se -débarrasser, par une maladresse réfléchie, de malheureux peut-être coupables mais non pas condamnés. Il est bien facile après cela de décliner ses responsabilités nous n'y sommes pour rien, il ne fallait pas qu'ils commettent cette imprudence ; et puis allez chercher les coupables dans cette ruée au meurtre ! Ah 1 Les anonymats des assassinats politiques, les gestes lestement esquissés des dégagements de compromissions ! Est-ce que l'administration avait pesé tous ces résultats quand elle prit d'une âme si allègre son arrêté du 2 juillet ; je me garderai bien de l'en charger ; reste son irréflexion et c'est déjà bien assez pour elle. Les prisonniers partirent de Vannes le 3 juillet et ce jour-là n'allèrent pas plus loin qu'Auray, quatre lieues ; sans doute ce qui les retint ce fut l'état de ce pauvre M. de Gourden Locrnaria qu'on avait eu la cruauté de maintenir dans leurs rangs et à qui, la raison ne revint pas, hélas ! pendant les fa¬tigues de la route . Le lendemain grande étape de Port-Louis. Arrivée à Landévant à 7h ; à 11 h. traversée d'Hennebont sans arrêt, parce que ces messieurs de « l'escorte ont des connaissances dans la ville » et qu'on redoute une débandade : direction du passage de Kerentrech. Vers deux heures la troupe y parvient. Alors quelle scène ! Toute la rive lorientaise du Scorff est couverte d'une immense cohue qui s'agite, qui hurle et d'où s'échappent par intervalle des menaces contre les captifs et d'horribles cris de mort : les aristocrates à la lanterne ! les aristocrates à la lanterne! Le journal de l'endroit a soufflé l'enthousiasme : conspiration, complicité de l'étranger, égorgement du peuple ; les meneurs répandus un peu partout excitent « la juste fureur » de la foule, « pour me servir d'une expression administrative », et la foule réclame avec rage qu'on lui livre les prisonniers. Les jeter dans cette effervescence, c'était évidemment les envoyer à la mort et quelle mort ? Heureusement la municipalité de Lorient avait pris ses précautions et tout préparé pour éviter une catastrophe. Des chaloupes attendaient, où des grenadiers avaient pris place. On y fit monter les captifs et au lieu de se diriger vers Kerentrech et Lorient les bateaux prirent droit sur la rade et Port-Louis. La rade, c'est sa proie qui lui échappe ; le peuple pousse de longues clameurs de colère. Courant le long des berges, insultant, menaçant, il gesticule, il interpelle les matelots ; il cherche des canots à l'ancre et heureusement n'en trouve pas, car Dieu sait ce qui aurait pu advenir d'une lutte en rivière contre une semblable furie. Et pendant ce temps-là les chaloupes avancent lentement, contre vent et marée, à la remorque, comme pour faire durer les saturnales de cette infernale procession civique et prolonger les tourments des infortunés captifs du Préclos. Le port de guerre est envahi par la populace. Elle se jette dans les vaisseaux, les bateaux, sur les radeaux, tout ce qui vogue, essayant avec des gaffes, d'accrocher le convoi qui passe et proférant mille malédictions. Les soldats l'écartent avec leurs armes ; on avance encore sans accident. Reste un dernier danger, la chaîne. Elle est dans l'arsenal, à l'extrémité, et si on la tend, c'est fini ; les chaloupes arrêtées seront à la merci des forcenés. ils y ont pensé, le commandant de la marine aussi : c'est une course affolée vers le pont d'entrée de l'arsenal ; ils arrivent, ils vont en être les maîtres ; hors au moment où les plus pressés y mettent le pied, le pont bascule, se lève ; la chaîne n'est pas tendue ; les prisonniers sont sauvés. Trois heures, à venir de Kerentrech en rade, c'est-à-dire, à faire quelques centaines de mètres! Là ils jettent une amarre à un navire marchand. A cinq heures et demie, ils abordaient à Penmné. Une heure plus tard ils entraient dans la citadelle, leur prison. Jusqu'à la porte ils endurèrent l'outrage, car si la populace de Port-Louis était moins canaille que celle de Lorient, l'agitation pourtant l'avait gagnée et, suivant le rapport officiel, on ne traversa ses rangs pressés qu'en se faisant une route d'acier avec les armes des soldats. Un homme manque dans cette tragédie, c'est Michel Robin. On le cherche, l'imagination le réclame, comme si elle redoutait qu'il ne se tînt caché en quelque sombre endroit, faisant jouer de machiavéliques ressorts ; elle préférerait le voir en scène, dans sa sottise naïve, égayant de ses bizarreries sau¬grenues tant de mélancoliques histoires. Et cependant Michel n'a pas lâché son écharpe de Tréal ; il y tient, comme à lui-même ; mais depuis qu'il la possède sans conteste, Michel est satisfait ; c'est un conquérant heureux qui couche et qui dort sur ses positions. Il est vrai que les brutalités dont on accable M. de la Ruée l'inquiètent : c'est trop, se dit-il, ils exagèrent je connais M. de la Ruée mieux qu'eux, il était mon adversaire, il n'était pas leur ennemi ; je devrai mettre ces choses-là au point. Un jour donc, c'était le 9 juillet, Michel trempa sa plume dans son encre la meilleure et adressa la lettre suivante au département : Comme maire et ancien habitant de la paroisse de Tréal où a toujours demeuré M. de la Ruée, je déclare qu'il n'a fait autre chose dans notre paroisse que tout le bien qui lui a été possible et que bien du monde, surtout les pauvres, regrettent déjà et gémissent de son absence, qu'il est incapable d'agir contre le bien de la société. Il a toujours eu chez lui grande compagnie de ses parents et amis, et souvent plus qu'il n'y en avait au moment où il s'est laissé saisir, ce, pour se défendre non contre la Nation, comme bien il l'a fait voir, mais contre les brigands. Tous ses voisins ne peuvent se refuser à rendre ce témoignage vrai. Voilà pourquoi nous nous sentons obligés de l'attester pour condescendre aux vœux de nos paroissiens qui désireraient bien qu'on le leur renvoyât le plus promptement possible, et sa compagnie, lesquels tous sont les parents. Au Cleu, en Tréal, Le 9 juillet 1791. Signé : Robin, prêtre, maire et tous les officiers municipaux de Tréal » Michel a l'âme sensible : il regrette et gé¬mit comme les pauvres de Tréal; cela se de¬vine aisément. Il parle de ses paroissiens avec le laisser-aller d'un recteur secourable et je crois qu'en effet, dans ces mois de 91 et un peu plus tard encore, le brave Michel se donna le rôle de curé constitutionnel sans d'ailleurs avoir jamais prêté le serment ; le serment un détail auquel il ne s'arrête pas. Il signe prêtre, il signe maire, il signe pour toute sa municipalité car il est tout cela à la fois, et il en est convaincu, et la paroisse de Tréal l'était, elle aussi. Michel dut être satisfait de sa lettre. Or point de réponse. Il attend huit jours, quinze jours, et puis à bout de patience, comprenant que sa sensibilité n'a ému personne, il décoche à l'administration départementale la verte semonce que voici : « Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de vous écrire au sujet de M. de la Ruée, mon ami. Je le dis mon ami ; il l'a toujours été. Nous sommes de la même paroisse, nous avons fait toutes nos études ensemble, il fut toujours à mes yeux un homme d'une vraie probité. Voilà les raisons qui me le rendent si fort ami que je m'immolerais pour lui. « Le peu d'attention qu'on a fait à ma lettre très simple est ce qui me remet la plume à la main, J'ai ouï dire, Messieurs, qu'on voulait transférer ces Messieurs à Orléans ; voilà ce qui me pique jusqu'au vif. J'ai toujours été cru quand j'ai parlé ou quand j'ai écrit. Ici donc on ne regarde pas ma lettre signée de toute notre municipalité comme vraie. C'est pourquoi ici j'écris seul pour répéter que je n'ai proposé à signer à notre municipalité que le vrai. « Si des craintes bien ou mal fondées ont fait des impressions de la part de M. de la Ruée, je n'entre point là-dedans. « Mais, Messieurs, M. de la Ruée fût-il en faute, n'est-il pas déjà assez puni ? L'homme, vous le savez comme moi, ne peut jamais justement punir un autre homme au-delà de ce qu'il a mérité. « Je dis plus, nomme ne doit jamais punir un autre homme que pour deux raisons : l'une c'est pour empêcher le même sujet de continuer à faire le mal. « L'autre raison de punir c'est pour que la crainte du supplice épouvante ceux qui seraient disposés à imiter les méchants, et que l'impunité ne les encourage pas. Sans ces deux raisons, jamais on ne punirait. « Que M. de la Ruée le soit donc déjà assez, Messieurs, en le supposant même coupable, dans ce qu'il souffre tant dans ses biens que dans sa personne. Je l'implore de votre clémence et j'en espère tout. « « Je suis, Messieurs, de la Nation autant que vous, qui que vous soyez, et j'ose le dire, avant vous. Il y a plus de 25 ans que je prévoyais et que je disais la présente révolution, sans espérer pourtant qu'elle vint de mes jours. Je l'ai vue. Mais, vous et moi, nous sommes hommes et notre première vertu est l'humanité. « « Si je connaissais les autres Messieurs de la compagnie de M. de la Ruée, je suis persuadé que je demanderais pour eux ce que je demande pour lui. Je vous le demande donc et j'ai l'honneur d'être avec mon vrai attachement à la Nation et à vous, Messieurs, le très humble et très obéissant serviteur. — Signé : M. Robin, prêtre, maire de Tréal. Au Cleu, en Tréal, ce 26 juillet 1791 « Si cette lettre n'avait pas été écrite, il faudrait le regretter, parce qu'elle nous manifeste le valeureux Michel sous un jour inconnu jusqu'ici, philosophe, diplomate, libéral, et toujours avec cette autorité jalouse qui est son élégance, la plume de paon à son chapeau. Nous le savons maintenant écouté quand il parle, excepté quand il parie au nom de sa municipalité, pitoyable à toute misère, celle qu'il connaît et celle qu'il ne connaît pas, vieux révolutionnaire, moraliste plutôt jeune, nanti enfin d'une foule de qualités, qu'on ne lui aurait guère soupçonnées, s'il ne les avait déclarées lui-même. Et pourtant, malgré ces arguments très personnels, l'administration lui donne tort ; elle ne répond pas encore à sa supplique. Michel s'en offensa. Se drapant alors dans sa dignité municipale, il tourna le dos à qui lui tournait le dos et s'enfonça résolument dans la coulisse ; nous ne le verrons plus reparaître en cette affaire née de sa faute et qui s'achèvera malheureusement sans lui Je retrouve plusieurs fois Michel pendant la Révolution. En 1793 au mois de février il est écroué à la maison des prêtres infirmes à Vannes ; — en 1794, il fait partie du groupe de prêtres internés à Josselin (Cf. J. Le Falher, Le Royaume de Bignan). — En 1799, au mois de juillet il écrit de Tréal une lettre extraordinaire « au chef et autres citoyens gens d'armes à Guer «, dans laquelle il proteste de son républicanisme et de son aversion pour les Chouans. A propos de serment il dit « que la République peut bien l'exiger et qu'il doit lui être prêté, mais je m'excepte moi-même fondé sur de bonnes raisons, » Alors il donne le rang de ses affections Dieu, la République, l'honneur, la vie » Michel est toujours fou, inguérissable, C'est que le département n'est pas peu em¬barrassé: trop de monde s'occupent du Pré-Clos et lui-même s'en occupe exagérément. Les particuliers sollicitent des procès, les avocats demandent des mises en liberté, les districts protestent contre les excès de bienveillance ; Ploêrmel qu'on veuille relâcher « des assassins et des gladiateurs », Rochefort que les prisonniers continuent d'agiter le pays, etc. Et ce n'est pas tout, les enquêtes se continuent, les députés inter¬viennent ; tout de suite le gouvernement aura son mot à dire. Pendant ce temps la municipalité de Port-Louis et le commandant de la citadelle se disputent ; l'affaire du Préclos devient une tempête dans une bouteille, une révolte pour rire qui amène une révolution de bureau. Les plus à plaindre sont naturellement les prévenus. Dès le lendemain de leur internement les dames de la Ruée étaient accourues sans hésiter pour se mettre à leur disposition afin de les consoler et de les soi-amer dans leur cachot. On leur donna d'abord toute liberté ; mais le 16 juillet, quand elles se présentèrent à la porte de la citadelle, la garde croisa la baïonnette et leur fit savoir qu'on ne passait plus. Elles protestèrent, ce fut inutile. Il ne leur restait qu'à se faire interner ; elles l'obtinrent et le 21 juillet entrèrent en prison Mesdames de la Ruée, de Castellan, de Guitton, d'Allérac et. Mme de la Ruée Je ferai remarquer que Mme de Castellan était enceinte de plusieurs mois, qu'elle et ses compagnons furent parquées avec leurs parents, cinq ou six par chambre, nourries d'un seul repas par jour, qu'après quelques semaines leurs gardiens peu généreux leur refusèrent sans pitié . Ce n'est pas tout : ces dames se plaignent, elles écrivent protestations sur protestations, Melle Adélaïde de la Ruée adresse directement au ministre de Lessart une lettre très nerveuse réclamant justice et liberté. Elles y vont avec entrain, comme si elles s'étaient jurées de réussir. Mais Vannes prétend que cette aventure du Préclos est une affaire d'État; Paris qui ne sait quel parti prendre consulte Vannes et s'en rapporte à ses avis. Le temps passe, les souffrances des détenus s'avivent . Survient la loi d'amnistie du 14 septembre 91 ; je crois qu'on fut très heureux d'y englober les fameux prisonniers d'État qui quinze jours plus tard, le 30 septembre, reprirent enfin le chemin de leurs demeures (1). Ainsi finit la tragi-comédie de Tréal. Peu s'en fallut qu'elle n'eût un tout autre dénouement. Et cela prouve une fois de plus que, dans les crises politiques aiguës, la prudence et la discrétion sont des vertus qu'il est peut-être difficile d'avoir mais qu'il est indispensable de pratiquer. Ceux qui récriminent contre leurs ennemis se bornent généralement à parler, ceux qui agissent se taisent. S'agiter, lancer des menaces, sonner avec toutes sortes de trompettes les branle-bas de combat, En politique, cela ne mène à rien qu'à la plaisanterie et précisément c'est où aboutit cette lamentable histoire du Préclos. Après plus d'un siècle, comme les officiers de Walsh, on ne peut s'empêcher d'en rire. Braves gens que ces châtelains de Tréal, mais quels tristes conspirateurs ! Sans doute ils ne complotaient pas contre la sûreté de la Nation et il n'y a rien dans M. de la Ruée d'un gentilhomme breton de la conspiration Cellamare ; mais ils en avaient assez des progrès bourgeois et de l'arrogance populaire. Morgue contre morgue, ils se dressent en une première tentative nobiliaire et antirévolutionnaire, bien que toute locale, pour s'opposer au courant qui monte et qui va les submerger. C'est une famille, mieux que cela, un clan breton, noble il est vrai, mais un clan qui en a assez, et qui s'impatiente. Eux-mêmes l'ont avoué, et nous serions bien mal venus à les contredire. D'ailleurs il saute aux yeux que ces assemblées du Préclos, où l'on se rend armés jusqu'aux dents, formaient de singulières réunions familiales. Est-ce qu'on se visite avec des sabres qui traînent sur les parquets, des espingoles sur l'épaule et des poignards à la ceinture ? Non, ces Messieurs avaient fait du Préclos un arsenal, pour se défendre, je ne puis pas écrire pour attaquer. Voilà qui est certain. Ils avaient peur, ils s'indignaient de la tyrannie qui pillait les châteaux, brûlait les archives, et, par couardise paysanne, exigeait des volés attestations de bonne conduite. Leur fierté avait subi un mouvement de révolte, le péril prochain suscite en eux la velléité d'une résistance ; c'est incontestable encore. Est-ce que cette résistance était for-terne nt organisée ? Est-ce que par de téné¬breuses ramifications elle s'étendait au loin, allant de castels en chaumières jusqu'à la frontière et aux extrémités de la Province ? Non, je sais bien qu'on l'a dit, mais on ne l'a pas prouvé et on ne l'établira jamais ; l'affaire du Préclos n'a pas si grande envergure. Ce n'est rien qu'un premier groupement, qu'une première association, maladroite et désordonnée, de mécontents politiques, et en soi cela ne dit pas grand-chose ; mais pour l'historien qui de près étudie les origines de la chouannerie bretonne il y a là un précieux indice. Le peuple tout entier n'est donc pas satisfait de l'ordre nouvellement établi, voilà ce que le Préclos prouve. Il se trouve de bons esprits qui n'acceptent pas d'un cœur joyeux les bouleversements opérés, des hommes énergiques qui offriraient volontiers leur force pour arrêter l'ébranlement général. Que les changements continuent, les mécontentements grandiront ; que les désordres s'aggravent, les colères et les frayeurs se multiplieront. Peu à peu, grâce à. ces influences diverses, l'hostilité gagnera ; la peur rapprochera les intérêts opposés, les irritations s'associeront et un homme paraîtra qui soudera toutes ces inimitiés et les jettera le fusil à la main contre l'ennemi commun. Si l'on veut bien y regarder, la liaison est plus intime qu'on ne croirait d'abord entre l'aventure du Préclos et la conjuration de la Rouêrie.