Seigneurie ou maison noble
GUÉRANDE
44350
Loire-Atlantique
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PREMIER TRAITÉ DE GUÉRANDE- Dispositions du traité Le traité établit Jean IV comme héritier légitime. Il ne repousse pas totalement les prétentions des Penthièvre, puisqu'il établit ainsi la loi successorale en Bretagne : Le duché se transmettra de mâle en mâle dans la famille des Montfort ; si l'héritage tombe en quenouille, il passera à la famille de Penthièvre, par l'intermédiaire des femmes, de préférence. Conséquences sur la succession de Bretagne La succession de Bretagne est assurée pour plus d'un siècle. Mais le traité n'évoque pas le cas où, dans les deux familles, il n'y aurait plus que des femmes. C'est ce qui se produit à la fin du XVe siècle : Le duc François II n'a que des filles ; Du côté des Penthièvre, il ne reste plus que Nicole de Penthièvre. Dès lors, deux partis cherchent, avant la mort du duc, à se placer le plus favorablement possible en vue de la succession : Un parti dit breton : François II fait prêter serment aux États de Bretagne de soutenir sa fille Anne, déjà titrée duchesse ; Un parti dit français : le 3 janvier 1480, Louis XI rachète les droits des Penthièvre pour 50 000 écus à Nicole de Penthièvre, vente et renonciation confirmée à Anne de Beaujeu en 1485. L'imprécision du statut successoral en Bretagne complique la tâche des juristes : D'un côté, si la Bretagne est une succession noble classique, il est tout à fait possible de la vendre, ou de vendre ses droits à la succession (cas par exemple du Dauphiné de Viennois) ; D’un autre côté, depuis le traité de Guérande, les ducs de Bretagne se titrent duc de Bretagne, par la grâce de Dieu ; si la couronne de Bretagne ne relève que de Dieu, comme la couronne de France, les droits successoraux sont inaliénables (et donc leur vente nulle et sans effet). D'autres éléments viennent encore compliquer la détermination de l'héritier légitime : En 1420, les Penthièvre ont été déclarés traîtres par les États de Bretagne, et privés de leurs droits, honneurs et noms de Bretagne et leurs possessions ont été confisquées, car ils ont traîtreusement enlevé le duc Jean ; En 1448, le comté leur est restitué contre une renonciation à leurs droits (invalide dans le cas d'une succession par la grâce de Dieu) ; Par la suite, le duc de Bretagne a écrit à Jean Ier de Châtillon, comte de Penthièvre, qu'il renonçait à la clause d'abandon des droits à la succession de celui-ci ; le comte de Penthièvre, pour sa part, lui promit de ne pas se prévaloir de cette lettre. La première lettre est cédée au roi de France en 1480 par Nicole de Penthièvre, avec les droits sur le duché ; cette lettre est réclamée par François II au roi de France, mais celui-ci refuse. En 1465, le comté de Penthièvre est à nouveau confisqué par le duc, sans qu'il y ait de précisions sur les conséquences juridiques de cette confiscation. Jean de Montfort avait définitivement vaincu. Il quitta Auray sur l'un de ses vaisseaux, et, accompagné de l'amiral Nicolas Bouchart, se rendit au Croisic vers la fin d'octobre 1364. 11 s'empressa aussitôt de rendre hommage au roi de France pour le duché de Bretagne et de lui demander de désigner des ambassadeurs pour rétablir la paix. Charles V accéda à ce dernier vœu et invita Jeanne de Penthièvre à agir semblablement. Il désigna, pour traiter en son nom, Jean de Craon, archevêque de Reims, et Jean Le Meingre, dit Boucicaut, maréchal de France. Pour couvrir les frais de cette ambassade, il assigna à l'archevêque une indemnité de 1.200 francs d'or, et au maréchal une de 800 par mois. La mission de ceux-ci commença le 22 octobre, mais ils ne partirent pour la Bretagne que le 28. L'ambassade royale arriva en Bretagne au mois de décembre. Jean de Montfort avait alors quitté le Croisic pour aller reprendre Quimper, et après la prise de cette ville s'était rendu à Redon où il eut, ainsi qu'à Blain, ses premières entrevues avec les délégués du roi. Boucicaut était d'avis de faire la paix sur les bases d'un traité élaboré aux Landes d'Evran, qui eût partagé la Bretagne entre le comte de Montfort et la veuve de Charles de Blois ; mais le premier refusa cette solution qui ne pouvait régler la succession à la couronne de Bretagne. Jeanne de Penthièvre n'avait, du reste, pas encore désigné ses procureurs, et, quoiqu'elle fut vaincue, on voulait connaître ses décisions. En février 1365, celle-ci ne les avait pas encore manifestées. Devant ce peu d'empressement, Jean de Montfort et les ambassadeurs de Charles V résolurent de traiter seuls. Ils fixèrent à Guérande la conférence pour la paix. C'était au commencement du carême, et, dit le bon chroniqueur Guillaume de Saint-André : Pour ce, aler leur convint En Guerrande pour estre ayses. Là trouvèrent merluz et plaises, Et trouvèrent très-grand foeson De toute manière de poisson. Le 11 mars, Jeanne de Penthièvre nomma enfin ses procureurs : Hugues de Montrelais, évêque de Saint-Brieuc, Guy de Rochefort, seigneur d'Assérac, Jean de Beaumanoir et Guy Cléder, docteur ès lois. Les négociations commencèrent aussitôt en présence du comte de Montfort : Qui ne dormoit pas trop grand somme, se demandant avec inquiétude s'il allait enfin recueillir les fruits de sa victoire, et : A chacun respondoit sans fable. L'en estoit en Conseil souvent. Grand Cour avoit de sage gent ; Là oyssiez de beaux langages, Les conseillers gaignoient leurs gaiges. Malgré ces beaux discours, l'accord ne semblait pas devoir se faire, et, dans la foule des seigneurs et des prélats, le menu peuple de la ville murmurait, voulant la paix à tout prix, tout en faisant des vœux pour Jean de Montfort. Beaucoup passaient leurs journées en oraisons pendant que d'autres organisaient des processions : L'en avoit à genoilz grand erre Pour Dieu prier et Dieu requerre. Chacun prioit dévotement Que Dieu les mit hors de tourment. Le Vendredi-Saint 11 avril, Jean de Montfort n'ayant pu s'accorder avec les ambassadeurs du roi, on fut sur le point de rompre les pourparlers. Cette nouvelle jeta la consternation et la colère à travers la ville : les Guérandais envahirent la salle des délibérations et exigèrent la conclusion de la paix. Cette attitude du peuple émut le comte de Montfort : il promit de céder. Les négociations reprirent immédiatement et le lendemain samedi la paix était faite. Et par serementz bien jurée A Saint-Aubin au grand autier. Le traité de Guérande [Note : L'original est conservé aux Archives de la Loire-Inférieure (aujourd'hui Loire-Atlantique), ainsi que les pièces annexes] reconnaissait Jean de Montfort comme duc de Bretagne. Jeanne de Penthièvre renonçait à la couronne et devait remettre au duc Jean IV les villes et châteaux dont ses partisans s'étaient emparés pendant la guerre, à l'exception des seigneuries qu'elle tenait héréditairement de ses père et mère. La succession du duché devait échoir de mâle en mâle, d'abord dans la maison de Jean IV, puis, à défaut d'héritiers mâles, même collatéraux, dans celle de Penthièvre. L'arrivée des femmes à la couronne ne devait avoir lieu qu'à défaut de mâles dans les deux maisons : c'était une innovation qui infirmait les successions précédentes. Un article du traité stipulait enfin que Jeanne de Montfort, soeur du nouveau duc, épouserait Jean de Penthièvre, fils aîné de Charles de Blois, et que Jean IV paierait, à cette occasion, 100.000 livres pour la rançon de ce prince qui, depuis 1356, se trouvait prisonnier en Angleterre. Cet article ne fut pas exécuté et devint, dans la suite, la source de querelles graves entre Jean IV et Olivier de Clisson, procureur de Jean de Penthièvre. Jean IV prêta serment dans l'église Saint-Aubin d'observer le traité, puis il se réconcilia avec ses adversaires. Dès le 21 avril, un mandement donné à Guérande accorda aux Nantais leur pardon d'avoir suivi le parti de Charles de Blois. Quant aux Guérandais, ils ne furent pas oubliés dans la reconnaissance du duc. « Ils avoient moult bien conforté le comte de Montfort en son grant affaire..., écrivait plus tard le chroniqueur Alain Bouchart, un breton de Batz, car jamais ceulx du party de Bloys ne les peurent gaigner ne conquérir ». En récompense de leur fidélité Jean IV leur donna une administration particulière, en érigeant son domaine de Guérande en sénéchaussée ducale distincte de celle de Nantes, et récompensa le Croisic en y faisant édifier un château. Le traité de Guérande fut ratifié par Charles V. Le duc de Bretagne envoya vers lui Olivier de Clisson et l'Anglais Guillaume Latimer pour lui demander cette ratification. Le 22 mai 1366, les députés de Jean IV rencontrèrent le roi, et quelques jours plus tard celui-ci signa cette ratification en même temps qu'il accordait un délai au duc pour venir lui faire hommage de son duché. DEUXIEME TRAITÉ DE GUÉRANDE Après quelques années de tranquillité, les fautes commises par le duc rallument les hostilités. Jean IV est contraint de quitter son pays : il s'embarque à Brest le 28 avril 1373 et se rend en Angleterre auprès d'Edouard III. La ville de Guérande est prise en 1373 par Du Guesclin au nom du roi de France. Le duc de Lancastre prépare une expédition pour ramener Jean IV en Bretagne. Une armée anglaise forte de 16 000 hommes débarque à Calais, avec Jean IV, à l'automne 1374. Une trêve conclue à Bruges en 1376 et la mort d'Edouard III en 1377 arrêtent momentanément les hostilités. Mais, en 1378, la lutte reprend avec plus de violence. Le duc Jean IV débarque à Dinard le 3 août 1379. Clisson paraît devant Guérande, tenu par le capitaine Guillaume du Châtel, entre le 23 août et le 1er septembre 1379. Une bataille a lieu en juin 1380 non loin d'Escoublac : le capitaine Guillaume du Châtel fait face avec succès à l'ennemi espagnol commandé par Louis d'Espagne. Suite au décès de Charles V, ennemi personnel du duc de Bretagne Jean IV, Charles VI dépêche aussitôt, en 1380, à Guérande vers Jean IV des ambassadeurs : Renaut de Corbie, Anceau de Salins, les sires de Coucy, de Rayneral et Jean de Rillé. Le 15 janvier 1381, le projet de traité est arrêté. Ce dernier Traité de Guérande (le second) est signé le 4 avril 1381 dans l'église Notre-Dame-la-Blanche de Guérande. Ce traité est ratifié par Jean IV le 10 avril au Conseil tenu à Guérande, auquel assistent le vicomte de Rohan, l'abbé de Prières, les sires de Laval, d'Assérac, de la Feuillée, Pierre Hattes, Maie Raguenel et André Olivier. Le même jour, 10 avril, une foule de seigneurs présents à Guérande suivent l'exemple du duc et ratifient à Notre-Dame-la-Blanche, la paix conclu avec le roi de France. TRAITÉ DE 1381. On sentait cependant des deux côtés la nécessité de conclure de nouveau la paix. La mort de Charles V, que le duc de Bretagne regardait comme un ennemi personnel, avait apaisé ce dernier qui autorisa immédiatement les seigneurs bretons à négocier avec le nouveau roi. Charles VI dépêcha aussitôt à Guérande vers Jean IV des ambassadeurs : Renaut de Corbie, premier président au Parlement de Paris, Anceau de Salins, les sires de Coucy, de Rayneval et Jean de Rillé. Le duc les reçut au mois de décembre 1380, entouré des évêques de Rennes et de Vannes, des seigneurs d'Assérac, de Laval, de Rohan, de Lohéac, de Dinan, de Montauban, de Chateaugiron, de Fontenay, des membres du Conseil ducal, de l'abbé des Prières, et d'un tel nombre de chevaliers que jamais Guérande n'avait vu, même en 1365, un cortège aussi brillant. Jean IV choisit ses procureurs, puis se retira à Suscinio. Les ambassadeurs des deux partis se mirent de suite à l'oeuvre : le 15 janvier 1381, le projet de traité était arrêté. Aux termes de ce document, le duc devait aller implorer le pardon du roi et faire hommage de son duché. Il devait s'allier au roi contre tous ses ennemis et spécialement contre l'Angleterre et la Navarre ; s'engager à maintenir les privilèges du clergé, de la noblesse et du peuple de Bretagne, et à n'employer aucun Anglais comme capitaine des places fortes ou membre de son Conseil. Jean IV rentrait en possession de ses terres de Montfort, de Chateauceau, de Rethel et du Nivernais, mais payait une indemnité de guerre de 200.000 livres. Un article secret le dispensait de combattre personnellement les Anglais. Jean IV reçut à Suscinio le texte du traité. C'est avec peine qu'il apprit les exigences de Charles VI concernant ses relations avec les Anglais auxquels il devait son duché. Il partit néanmoins pour Guérande où il assembla son Conseil, auquel il adjoignit Pierre Martin, sénéchal, et Pierre Hervé, alloué de Guérande. Mais, pressé de toutes parts, il accepta le traité, et, le 4 avril, celui-ci fut signé dans l'église Notre-Dame-la-Blanche et ratifié par Jean IV, le 10 avril, au Conseil tenu à Guérande, auquel assistaient le vicomte de Rohan, l'abbé de Prières, les sires de Laval, d'Assérac, de la Feuillée, Pierre Hattes, Maie Raguenel, et André Olivier. Le duc adressa en même temps un mandement à tous ses sujets, leur ordonnant d'observer le traité. Le même jour, 10 avril, une foule de seigneurs présents à Guérande suivirent l'exemple du duc et ratifièrent à Notre-Dame la paix conclue avec le roi. Les bourgeois de la ville furent les premiers à satisfaire à cette obéissance, et, avec eux, les seigneurs du pays de Guérande. Le lendemain, 11 avril, douze seigneurs conclurent avec le duc un traité secret contenant des dispositions prévoyant le cas où le roi refuserait de tenir les promesses consacrées par le traité du 4 avril. Ce traité fut accepté en Bretagne sans discussion, et ratifié par les seigneurs, les évêques et le peuple. L'adhésion de Jeanne de Penthièvre et de son fils Henri fut donnée le 10 mai. Quant à Olivier de Clisson, à qui les Guérandais avaient infligé un échec si retentissant en 1379, il recula son adhésion jusqu'au 23 février 1382