1882-08-06
1882-8-6-M

L'affaire de La Gacilly La lettre suivante est adressée au correspondant du Phare de Bretagne : Dans la réponse que vous faites, Monsieur, à l'article intitulé l'affaire de La Gacilly, vous écrivez le nom d'un odieux personnage que Molière flagellait plus d'un vice et qui reste le type fameux de l'hypocrisie et du mensonge. C’est une inspiration malheureuse ! C'est un trait de lumière pour vos lecteurs qui placent involontairement au bas de dette lettre, que vous seul pouviez écrire, cette signature « Tartufe républicain ». Pour qui connait La Gacilly, ce nom lève tous les voiles de l'anonyme. Ne croyez pas cependant, Monsieur, que nous vous honorions de notre haine ! Nous n'avons point à nous occuper de votre personne ici, à voir jusqu'à quel point un jugement faux et un sens moral oblitéré par l'intérêt, peuvent atténuer vos torts Nous déplorons seulement le mal que vous faites et nous sommes révoltés de vos... finasseries. Nous voyons à qui elles s'adressent aujourd'hui. Vos agressions cachent, en réalité, un plaidoyer : tant pis pour vos intérêts ; mais nous ne pouvons le laisser passer ! Evoquez, si cela vous plait, aux yeux des ignorants, le fantôme de l'Inquisition ; essayez de faire croire aux imbéciles que les prêtres persécutés ont, en ce moment, d'autres garanties que leur innocence et l'équité des juges ; lancez un cliché burlesque sur la fraternité républicaine, avec laquelle, en dépit de l'une et de l'autre, votre fantaisie veut accoupler la charité ; essayez de réhabiliter ce témoin dont nous avons traduit l'interrogatoire avec une exactitude que vous ne pouvez nier; expliquez, par le désir d'épargner des frais, le petit nombre de vos témoins ; parlez de hors-venus comme si ce pouvait être une infériorité de n'avoir pas vu le jour au même endroit que vous; il faut bien que vous vous défendiez, et tout cela n'est que de la mauvaise chicane et ne mérite pas d'être relevé. Quand vous osez dire que M. le recteur de La Gacilly a été réprimandé par son évêque, il n'y n pas grand inconvénient : tout le monde sait que cela plait à dire, mais que vous n’êtes pas le confident de l’évêché, qui ne daignera même pas vous démentir. Si vous voulut qu'un des témoins à décharge n'ait dit la vérité que par jalousie de métier, c'est simplement une appréciation malveillante qui ne l’effleure même pas, et qui fait penser à chacun que semblable accident ne vous arrivera guère I Présentez-nous, maintenant comme un « meunier de Sixt », l'honorable M. P., dont la minoterie est située à 500 mètres du clocher de La Gacilly et à 5 kilomètres de celui de Sixt, c'est là une maladresse, car c'est prendre pour complice de votre supercherie une vérité facile à compléter à votre détriment, comme vous voyez. C'est commettre par conséquent, une du ces petites infamies que Pascal, dans un livre qu'il a regretté, prête à tort, non pas aux cléricaux, parmi lesquels il se serait rangé, mais à un ordre fameux. Mais qu'en réponse à une allusion par nous faite, voue jetiez un soupçon sur plusieurs de nos témoins, halte-là, Monsieur, et expliquons-nous : la loi qui brise dans mes mains l'arme de la vérité, a pu dicter ma réserve ; pour vous, quand vous allez jusqu'au même point que moi, votre raison de n'en pas dire davantage, c'est l'absence de faits ! Vous allez plus loin, et ce que vous dites équivaut à une accusation de faux-témoigne contre les dix-neuf témoins à décharge. Vous doutez-vous, Monsieur, de ce que ce peut être que l'honneur ? Non, n'est-ce pas ? Eh bien c'est le devoir et la vérité, quand même ; c'est ce qui brille sur ces figures loyales de cultivateurs, de commerçants, de mères de famille ; c'est ce qui dicte leur conduite et leur réponse. Je leur dois cette protestation et je commence par constater que le tribunal a jugé comme mol. Mais une chose me frappe : c'est l'explication que vous donnez d'un ton si dégagé, de l’incohérence constatée des témoignages à charge. Cela prouve, dites-vous, qu’ils n’avaient point appris de leçon. Ailleurs vous semblez voue étonner que le tribunal ait exigé des accusateurs une si grande précision. Vous trouvez, cela est évident, que la diversité des réponses devait prouver l’absence de tout concert et par conséquent établir la sincérité des témoignages. Oh I mais cela ouvre un nouvel horizon. Cela m'explique bien des choses ! Vous êtes fort, Monsieur, vous êtes très fort ! Permettez-moi d'indiquer à votre activité une branche d'industrie : le commerce en grand des antiquités; je suis convaincu que vous réussiriez. Mais les juges de Vannes ne sont pas des collectionneurs ! Nous aussi, je dois l'avouer, nous avons un mot d'ordre, et je vais vous le livrer : c’était simplement de dire la vérité, malgré tout, et, s’il fallait, d'aller en appel, malgré cette persécution des interrogatoires à domicile, dont je n'accuse pas : le ministère public, entendez-le bien, mais ceux qu’il a trop facilement écoutés. Beaucoup des témoins à décharge ne sont pas riches et ont à travailler : ils en sont pour leurs frais et pour leur temps perdu. C'est votre consolation et c'est tour honneur ! Et S’il avait fallu recommencer, on était encore prêt, malgré les frais, malgré l'intimidation, et il y avait une bonne réserve de témoins que personne n'avait sollicitée, mais qu'on savait où trouver. Vous violez impudemment la vérité, Monsieur, quand vous donnez la déposition de M. D., comme le plus précis des témoignages à décharge. Non seulement cela est faux, mais vous savez fort bien que celle déposition s'est trouvée violemment interrompue par un incident qui n'a pu que nuire soit aux réponses faites, soit à la manière dont elles ont été recueillies. Pour tout homme de bon sens, pour tout homme non prévenu, j’ai clairement démontré l'innocence de M. D. Vous ne vous tenez pas battu cependant, et vous trouvant à bout d'arguments, vous transformez M. D. en dévot antirépublicain, double qualité suffisant à établir, selon vous, qu'il a cédé à des instances... purement imaginaires, du reste. Vous savez fort bien, cependant, que M. D. n'est pas un dévot et qu'il a, jusqu'ici, professé des opinions républicaines. Comme on ne peut d'ailleurs s’en rapporter à vous, sur ce qu'il aurait dit, ma démonstration reste entière. Mois pourquoi donc cet acharnement à essayer de déshonorer cet homme, cet ancien ami ? Ah ! C’est que vous ne pouvez-vous tirer de presse, sans convaincre d'infamie les personnes les plus honorables de La Gacilly et que pour cette entreprise désespérée, .vous n’avez qu’une arme, qu'un seul argument : l'erreur de M. D. Et vous lui dites avec tartuferie (pour employer votre style), qu'il eût mieux fait d’avouer sa faute ! Avouez donc les vôtres, Monsieur, ou restez tranquille ! Mets venons-en à votre fête commémorative des premiers assassinats de la Révolution. Vous semblez vouloir lui attribuer à La Gacilly la portée toute spéciale d'une manifestation en faveur d'un homme ! C'est peu démocratique et c'est un nouveau croc-en-jambe à la vérité. La fête a été piteuse et purement officielle. Vingt drapeaux attachés à cinq énormes perches abritaient du serein la fanfare galicienne ressuscitée. Quatre trombones poussifs, un ophicléide enrhumé, une flûte asthmatique, deux pistons criards et un instrument muet porté par un figurant, tel était à peu de choses près, le personnel musical conduit par ce brave témoin qui, s'accordant assez mal avec lui-même, était chargé de donner l'accord aux autres de faire glapir le sang impur et de donner l'impulsion à des déhanchements variés. Aux pieds de l'harmonieuse tribune, quatre danseuses, sans plus, à la tête desquels se trémoussait... encore un de vos témoins. Près de là, un bon valet essayait de racoler des danseuses, sans pouvoir seulement amener sa propre femme, et récoltait en guise de merci, des « Pour qui me prends-tu ?» Plus loin, je crois, chargé de simuler la foule en délire et de faire pousser des cris approbatifs des personnes et des institutions, se trouvait encore un de vos témoins, déplorant l'absence d'un voyou bien aimé et dirigeant de son mieux les autres. Mais, peine inutile ! les cris ne rendaient pas un pour un- C'était d'un maigre tel qu'il fallait un peu corser cela en imagination. Finissons par une petite infamie que j'allais oublier de relever : Vous accusez votre pasteur de cupidité, à raison des quêtes qu'il fait faire ? En quoi cela vous gêne-t-il que nous donnions notre argent ? Vous usez, je crois, de la liberté de garder le vôtre et de ne pas subvenir aux besoins créés par les votes que vous connaissez. Que prétendez-vous donc ? Croyez-vous que M. le recteur attende le décès des gens pour faire payer à leurs héritiers des frais déjà réglés ? Au reste, quoique votre prose soit assez lourde et indigeste et que in férule semble vous rendre bavard, nous ne déposons point cet utile instrument