1903-01-01
1903-0-0-La Gazette du palais

acquittement des religieuses :Attendu que Mme Tranvaux, sœur Rogatien, religieuse du Saint-Esprit et Mlle Le Goff(Marie Augustine), comparaissent sous l'inculpation d'avoir, la première, à La Gacilly, depuis moins de trois ans, continué de faire partie d'un établissement, dans l'espèce, l'école congréganiste de La Gacilly, dont la fermeture avait été ordonnée conformément à l'art. 13 S 3 de la loi du 1erjuillet 1901 ; la deuxième, « d'avoir à La Gacilly, depuis moins de trois ans, sans être munie de l'autorisation exigée par l'art. 13 S. 2 de la loi du 1er juillet 1901, ouvert ou dirigé un établissement congréganiste » ;attendu qu'elles contestent avoir contrevenu aux dispositions de la loi ; qu'il y a donc lieu pour le tribunal, en l'absence de définition légale donnée pour les congrégations, de rechercher les conditions dans lesquelles fonctionnait l'école de La Gacilly, le rôle qu'y remplissaient les deux inculpées, les motifs de leur réunion dans l'immeuble et si dans les circonstances de la cause se rencontrent des raisons de fait suffisantes de nature à établir qu'elles faisaient partie d'un groupement présentant les traits caractéristiques d'une congrégation et si ladite école constituait une école congréganiste ; en ce qui touche Mme Tranvaux : attendu qu'en conformité des dispositions de l'art. 13 § 2 de la loi du 1erjuillet 1901, l'établissement congréganiste des soeurs du Saint-Esprit fut fermé le 15 janvier 1903 ; que notification de cette fermeture fut en présence de Mme Tranvaux, sœur Rogatien, légalement faite à Mme Jambon (Philomène) religieuse du Saint-Esprit, directrice de l'école qui y obtempéra ainsi que l'autre religieuse, la sœur Rogatien, ex-supérieure ayant continué de résider dans l'immeuble ; Attendu que la situation de Mlle Le Goff, directrice, qui avait remplacé Mlle Chauvin, demeurait régulière par suite de sa déclaration légalement faite ; qu'elle s'était associé Mlle Bagot, toutes deux laïques, ayant appartenu toutefois à l'ordre du Saint-Esprit à titre de novices ; qu'un tait de nature à faire naître suspicion sur cette régularité serait la présence de, la sœur Rogatien, ancienne supérieure de l'école dissoute de La Gacilly ; qu'il n'est pas sans apparaître au tribunal que cette présence pouvait donner à penser aux habitants de La Gacilly que la nouvelle école n'était que la continuation de celle qui avait été dissoute, avec ses mêmes usages, ses mêmes traditions ; Attendu que, par suite, l'examen du rôle réellement rempli par la sœur Rogatien dans l'école et des conditions dans lesquelles elle s'y trouvait s'impose ; qu'elle déclare, ce que rien ne contredit, que, sans logement, elle a été autorisée par le propriétaire à demeurer dans une chambre de l'immeuble dans lequel l'école est installée ; que Mlle Chauvin, témoin entendu sous la foi du serment, affirme que c'est sur sa demande que la sœur Rogatien consentit à prendre ses repas avec les deux institutrices, repas pour lesquels, ajoute le témoin, elle payait une contribution ; que, par ailleurs, les débats n'ont révélé aucun fait, en dehors de sa présence dans la maison, établissant qu'elle a exercé sur les deux institutrices une autorité quelconque ; Attendu que rien n'apprend non plus que dans l'école elle ait donné des ordres, visité les classes, fait des observations à quelqu’élève, pris une part effective au fonctionnement, de l'établissement ; qu'elle reconnaît avoir quelquefois enseigné le catéchisme en dehors des classes sous le préau ; attendu que le catéchisme, simple exercice du culte, n'est pas un enseignement dans le sens de la loi ; que, dès lors, dans ces conditions et circonstances, il n'apparaît pas que la présence seule, de la sœur Rogatien dans l'école de La Gacilly puisse donner à cette dernière le caractère d'école congréganiste. En ce qui concerne Mlle Le Goff : Attendu qu'elle prétend ne faire partie d'aucune congrégation ; qu'elle reconnaît avoir appartenu, à titre de novice, à la Congrégation du Saint-Esprit, de juillet 1900 à juillet 1901 ; qu'elle n'a jamais prononcé de vœux et que, voulant se livrer à l'enseignement et se conformer à la nouvelle loi, elle a quitté le costume de novice ; qu'elle a fait une déclaration régulière d'institutrice laïque comme directrice d'une école libre à La Gacilly, le 16 février 1902 ; que ces faits ne sont pas contestés ; que, sur la, demande d'un propriétaire de la localité, elle vint s'installer à La Gacilly, s'adjoignant, en qualité d'institutrice adjointe, Mlle Bagot, ancienne novice du Saint-Esprit ; Attendu qu'elle reconnaît que la sœur Rogatien avait été autorisée par le propriétaire à habiter une chambre de l'immeuble dans lequel sont installées les classes, mais proteste de toute action apparente ou occulte de cette congréganiste sur la direction ou le fonctionnement de l'école dont elle est directrice ; que le témoin, Mlle Chauvin, première directrice de l'école après sa fermeture, déclare que la sœur Rogatien, qui avait continué de résider à La Gacilly après le départ des deux antres congréganistes, occupait une chambre de l'immeuble, avait, sur son invitation, pris ses repas avec elle et son adjointe, mais qu'elle était toujours demeurée étrangère à la direction et à la tenue des classes ; Attendu que rien dans les documents de la cause n'établit l'ingérence soit des sœurs Rogatien, soit de la congrégation de Saint-Brieuc, dans les pour pourparlers qui ont eu lieu alors que Mlle Chauvin et Mlle Le Goff, après elle, ont pris la direction de l'école ; Attendu, par ailleurs, que si Mlle Le Goff n'a pas dû être sans avoir connaissance d'une demande d'autorisation de réouverture faite par la congrégation, demande dont le rejet n'a été connu que postérieurement à sa prise de direction, le tribunal ne saurait, en l'absence de tous renseignements sur la nature des engagements, qui ont pu être pris, sur les personnes qui seraient intervenues, y découvrir une situation de fait établissant un lien de subordination ou de solidarité entre Mlle Le Goff et la congrégation ; que le délit relevé contre elle n'est pas dès lors suffisamment démontré ; En ce qui est relatif au sieur Labarre, prévenu d'avoir, à La Gacilly, depuis moins de trois ans favorisé l'organisation ou le fonctionnement de l'école congréganiste dans les conditions visées en la citation en consentant l'usage du local dont il dispose à titre de propriétaire : Attendu que, par suite des considérations ci-dessus développées, l'école de La Gacilly n'étant pas reconnue comme école congréganiste, il n'y a pas lieu de retenir le sieur Labarre dans les liens de la prévention ; Par ces motifs, Renvoie chacun des prévenus des fins de la prévention sans dépens M. BÉRAUD-DUPALIS proc. Rép.— Me VIOLLE Note. — I-II. — Sur le premier et le deuxième points : La question de la sincérité de la sécularisation est avant tout une question de fait. V. sur les éléments de nature à déterminer les juges dans l'appréciation de cette question, Cass. 1er mai 1903 (Gaz. Pal. 903.1.594) avec les conclusions de M. le procureur général Baudouin ; 1er mai 1903 (2 arrêts) (Gaz. Pal. 1903.1.613); 11 juin 1903 (Gaz. Pal. 1903.1.775) avec les conclusions de M. le procureur général Baudouin.