Symboles utilisés
o : naissance,
x : mariage (x : 1er mariage, xx : 2ème mariage... , + : décès, ca : environ, ? : date évaluée
exemple : (oca1584) signifie "
naissance en 1584 environ"

Marie Madeleine
FRESNE (du)
FRESNE (du) :: Nicolas Guillaume
BÉCHENEC (de) :: Magdeleine
 - sans postérité

LES DEMOISELLES DE RENAC Les événements qui vont suivre, se rattachent à la période révolutionnaire. Mais les Demoiselles de Renac ayant, sans doute, séjourné plusieurs fois au château de la Touche, leur histoire complète celle de la baronnie de Renac. C'est pourquoi nous vous la racontons maintenant. Tout le monde a entendu parler de la fin si touchante des Demoiselles de Renac, que M. Tresvaux a racontée dans son Histoire de la persécution en Bretagne. Mais l'épisode de la révolution n'avait pas encore été envisagé au point de vue spécial à Renac. Voici que cet événement vient d'être l'objet d'une nouvelle étude due à la plume de M. le Marquis de Bellevue que des liens de parenté rattachent à la famille du Fresne de Renac. L'auteur de cette intéressante publication, nous a autorisé à en faire un résumé que nous sommes heureux de présenter aujourd'hui. On voudra bien remarquer, d'ailleurs, que cet épisode se relie étroitement à l'histoire de la grande seigneurie de Renac, que nous avons étudiée récemment, puisque ces Demoiselles de Renac, appartenaient à la famille du Fresne, qui posséda la baronnie de 1747 à 1770. La famille du Fresne de Renac, distincte de celle des du Fresne de Virel, était originaire de Normandie, où, elle est signalée dès le commencement du XVème siècle. En 1554, un membre de cette famille, Guillaume I du Fresne, écuyer vint se fixer au pays de Saint-Malo, par son mariage avec Marguerite Morin, de Saint Coulomb. Il posséda, dans cette région, un certain nombre de terres, comme les Saudrais, la Hulotais, le Pontbriand, la Bellière, le Pontprin, et sa famille fut maintenue dans la noblesse aux réformations de 1696 et de 1699. Le 12 septembre 1719, un de ses descendants, Nicolas du Fresne, écuyer, seigneur du Pontprin, né à Saint-Malo le 16 mars 1686, épousa en cette ville, Catherine-Marie-Anne de Furne, née à Olivera (Espagne) en 1683. Il mourut vers 1740. Sa veuve acheta, le 31 octobre 1747, la baronnie de Renac, de Michel Picot, seigneur du Prémesnil. Cette dame mourut à Rennes, le 27 novembre 1768. Elle avait eu un fils nommé Guillaume-Nicolas. Ce Nicolas-Guillaume du Fresne, baptisé à Saint-Malo le 5 décembre 1723, épousa à Châteaubriant, le 11 février 1751, Madeleine-Josèphe de Béchenec, fille de Louis-Marie qui possédait la seigneurie et le manoir des Fougerais en Châteaubriant. Nicolas-Guillaume du Fresne, vendit en 1770, la baronnie de Renac aux Fournier de Trélo. Il habita tantôt, le manoir des Fougerais qu'il avait acheté à son beau-frère Jean-Louis Barthélémy de Béchenec, tantôt son hôtel de Renac à Rennes. Là il menait, au milieu de ses enfants, la vie simple et patriarcale qui était alors celle de la plupart des gentilshommes bretons s'occupant d'agriculture et de littérature. Lors de la Révolution, il émigra en Angleterre avec ses deux fils et une de ses filles et mourut en émigration. Il avait eu neuf enfants, dont cinq vivaient encore en 1789, parmi lesquels Marie-Madeleine et Marie-Anne-Catherine, qui furent guillotinées à Rennes le même jour, 13 Aout 1794. Il y a tout lieu de supposer que Mesdemoiselles Marie-Madeleine et Marie-Anne du Fresne résidèrent souvent au château de la Touche au temps où leur père possédait la baronnie de Renac. La présence, au château de Renac, de M. et de Mme de Renac, est plusieurs fois mentionnée dans les actes, notamment en 1749, en 1754, en 1762... Il existe à Renac une tradition respectable d'après laquelle le grand orme qui domine les bâtiments actuels de la ferme de la Touche, tout près de la route de Renac à Brain, occuperait l'emplacement de la chambre des Demoiselles de Renac. Cet arbre magnifique est très décoratif et embellit grandement le paysage. Espérons qu'il sera épargné. C'est si beau les grands arbres qui abritent l'habitation de l'homme. "L'orme, presque toujours élancé, veille sur beaucoup de vieilles maisons de France ; il les annonce, les date et les ennoblit, les protège contre les coups de vent, prête son ombre aux enfants, abrite la charrette et la charrue dételées, quand il n'y à point de hangar. Si vous le supprimez, les murs, les 1-dits, les cheminées paraissent misérables... Ses ramilles, de couleur claire portent souvent un nid de pie, et continuent de le bercer au vent de Novembre". • Pendant leur séjour à Rennes, un jeune prêtre, l'Abbé Le Maréchal, vicaire à Ossé, trouva asile chez les Demoiselles de Renac. Un homme, soupçonnant qu'il se trouvait dans cette maison, se présenta chez ces Demoiselles et, d'un ton hypocrite, leur dit qu'il venait les avertir en ami, qu'on se disposait à mettre le feu à leur hôtel et qu'il les engageait à se sauver, ainsi que le prêtre qui était chez elles, Une de ces Demoiselles était au lit et malade. Effrayée de cette fausse nouvelle, qu'elle croyait véritable, elle dit à l'autre : Ma soeur ! en indiquant des yeux le lieu où le prêtre était caché. C'en fut assez pour le perfide. Il fait entrer aussitôt dans l'appartement des gens qu'il avait postés. Ils se saisirent de M. Le Maréchal et des deux Demoiselles et les conduisirent au tribunal criminel. Puis, les deux soeurs apercevant sur la table parmi les pièces à conviction les saintes hosties saisies chez elles et qu'elles savaient consacrées, se jetèrent à genoux devant elles, adorant Notre-Seigneur livré aux mains des impies et suppliant, avec larmes qu'on permit à l'Abbé de les leur donner. On leur refuse cette dernière consolation du Saint Viatique, et, malgré les protestations du prêtre, les saintes Espèces furent profanées. Suivant l'usage de cette horrible époque, elles furent brûlées avec les autres "hochets du fanatisme" au pied de l'échafaud, avant l'exécution des condamnés. La loi était formelle : les accusés avouaient. Le Président du Tribunal dut prononcer la sentence de mort. A l'énoncé du mot "à mort" la plus jeune des soeurs, Marie-Anne, s'évanouit et tomba sur le plancher, à la profonde émotion de toute l'assistance. On la releva aussitôt et l'Abbé Le Maréchal, aida les gendarmes à lui faire recouvrer les sens. Alors les valets du bourreau procédèrent à la toilette funèbre, firent tomber les chevelures et échancrèrent le haut des vêtements pour découvrir le cou. Puis, ayant attaché derrière le dos les mains des condamnés, on les entraîna en hâte vers l'échafaud dressé en permanence à quelques pas du Palais de Justice, au bas de la place dite alors : "Place de l'Égalité". Les deux Demoiselles furent, jusqu'au pied de l'échafaud, encouragées et soutenues par l'Abbé Le Maréchal, qui, comme prêtre et jugé le plus coupable, fut exécuté le dernier. Mademoiselle Madeleine de Renac, fit jusqu'à la fin, preuve d'un grand courage, mais Mademoiselle Marie-Anne de Renac s'évanouit encore en face de la guillotine, et elle était sans connaissance quand on lui trancha la tête. Le président Bouaissier qui prononça la sentence de mort connaissait personnellement les Demoiselles de Renac. Il reçut un tel choc de ce jugement et de cette exécution, que sa santé en fut pour toujours ébranlée. Quelques années plus tard, un soir de septembre 1802, il errait, solitaire, sur la promenade de la Motte ; passant devant l'hôtel de Renac, il entendit deux fois prononcer son nom et demanda qui l'appelait, mais personne ne lui répondit. Un instant après, il entendit encore répéter son nom : "Qui donc m'appelle ? s'écria-t-il. Des enfants qui jouaient sous les arbres de la promenade, entendirent sa question : "Tu demandes qui t'appelle, dirent-ils, ne reconnais-tu pas la voix des Demoiselles de Renac ?". Bouaissier rentra chez lui en proie à la plus grande émotion et dut s'aliter, frappé d'une maladie grave. Il fit venir son ami, le docteur du Lattay, qui ne lui cacha pas le danger de son état et lui conseilla de recevoir un de leurs condisciples, le Père Gaffart, ancien carme, qui demeurait alors à Rennes. Bouaissier accepta avec bonheur. Le docteur alla en hâte prévenir le Père Gaffart, qui arriva à onze heures du soir sonner à la porte du moribond. Mais, terrible jugement de Dieu ! il ne fut pas permis à celui qui avait fait guillotiner tant de prêtres d'avoir un prêtre pour l'assister à ses derniers moments. Celui qui s'y opposa, fut son propre fils qu'il avait élevé dans les principes de l'athéisme et qui avait été, lui aussi, un des Jacobins les plus sectaires. Il reçut le Père Gaffart avec colère et l'empêcha de pénétrer dans la chambre du mourant. Bouaissier succomba dans les convulsions du désespoir. Ses derniers râles s'exhalèrent devant un jeune médecin, le docteur Crespin qui, tout bouleversé de ce terrible spectacle, disait en sortant : "Je viens de voir mourir l'impie, et je ne crois pas que la colère du ciel puisse aller plus loin dans ses châtiments". DEUX FEMMES COURAGEUSES L'aînée se nommait Marie-Madeleine et comptait à cette époque, quarante et un. ans ; l'autre, Marie-Anne-Catherine, en avait trente-huit. A Rennes la famille de Renac, possédait un hôtel. Cette maison était située rue de Belair, sur laquelle s'ouvrait son portail ; elle était toute voisine de la promenade de la Motte, place ovale plantée d'ormeaux, et de l'abbaye de Saint-Melaine où avaient été internés, ainsi qu'on l'a dit, les prêtres réfractaires. Il est bien probable, que les demoiselles de Renac, dont le jardin touchait au parc de l'abbaye avaient alors trouvé le moyen de communiquer avec les détenus ; peut-être s'étaient-elles même offerte à cacher dans leur hôtel quelqu'un d'entre eux ; sans nul doute, lors de l'exode des ecclésiastiques vers Saint-Malo, elles s'étaient trouvées au nombre de ces "vierges folles" que raillait un journal local parce qu'elles avaient salué de leurs larmes et assisté de leur charité le départ des proscrits. L'Abbé Le Maréchal était, en tout cas, assuré d'avance de trouver chez elles un refuge, car, en arrivant à Rennes, il se dirigea vers leur hôtel et y fut généreusement accueilli. Madeleine et Marie-Anne l'installèrent en une cachette adroitement disposée dans une mansarde de leur maison. Il est bien certain que le courageux prêtre ne resta pas confiné dans ce réduit ; il était revenu en France pour exercer son ministère et l'on a, d'ailleurs, l'indice que sa présence .rue de Belair s'ébruita bientôt ; on l'y venait chercher quand quelque malade avait besoin de ses consolations, et il sortait en ce cas, de l'hôtel de Renac, par une petite porte dérobée ouvrant sur le jardin du Thabor. Il faut dire aussi que les demoiselles de Renac, heureuses de posséder chez elles, en ce temps de Terreur, un aumônier orthodoxe, et désireuses de partager cette faveur avec les personnes pieuses dont elles connaissaient les sentiments, n'apportaient peut-être pas la prudence souhaitable à cette périlleuse libéralité. Un véritable ecclésiastique rennois a raconté que sa mère, Mme Bruté, passant un matin de l'an II sur la promenade de la Motte, fut abordée par l'une des demoiselles de Renac dont elle était bien connue et qui lui dit : "Madame Bruté, voudriez-vous entendre la messe, ce matin ?" Ces mots, si simples en temps normal, étaient alors à ce point terrifiants que Mme Bruté, malgré sa grande dévotion, en fut glacée d'effroi ; elle déclina l'offre et conseilla à Mademoiselle de Renac plus de précautions. Pourtant, malgré cette trop confiante assurance, l'Abbé Le Maréchal habitait depuis plusieurs mois l'hôtel de la rue de Belair et nulle dénonciation n'avait signalé sa présence aux autorités, quand, un soir — c'était le 7 août — toute la ville se trouva spontanément illuminée. Le courrier de Paris avait dans la journée apporté la nouvelle de la révolution du 9 thermidor et de la chute de Robespierre, la Terreur était abolie ; l'échafaud proscrit à son tour. Trois jours plus tard, les agents du Comité révolutionnaire se présentaient à l'hôtel de Renac, ils venaient opérer une visite domiciliaire. La retraite de l'Abbé, avait été dit-on révélée au Comité par un couvreur, nommé Vaillant qui, occupé à réparer le toit de la maison, avait déplacé des tuiles et aperçu le prêtre en prières dans sa mansarde. Pour gagner le prix de mille francs promis à ceux qui dénonceraient un réfractaire, Vaillant serait allé faire part de sa trouvaille à la police. Les agents explorent donc l'hôtel des caves aux combles ; mais la cache est sûre et ils n'en découvrent point l'entrée. Ils sont dirigés dans cette perquisition par le sans-culotte Valeray, l'un des comparses les plus actifs et les plus impitoyables de la Terreur, d'ailleurs homme de bonnes façons et sachant jouer tous les rôles. Bien renseigné, il n'ignore pas le nom de l'ecclésiastique que recèle l'hôtel de la rue de Belair et il se rend compte qu'il a été jadis le condisciple de l'Abbé Le Maréchal sur les bancs du collège. La visite terminée, sans résultat, il congédie ses hommes et, resté seul avec les demoiselles de Renac, dont l'une indisposée est alitée : Vous voyez, citoyennes, dit-il quelle est l'ardeur de mes hommes ; la dénonciation que nous avons reçue est si positive que nous sommes certains de la présence ici de M. Le Maréchal. Il va être infailliblement découvert. C'est mon ancien condisciple, et mon plus vif désir, est qu'il échappe. Indiquez-moi donc où s'est réfugié mon camarade que je veux sauver et je ferai en sorte d'écarter mes gens. Les deux soeurs échangent un regard d'angoisse ; Valeray redouble ses instances et ses protestations de dévouement. Il expose que si la populace vient, dans la nuit, mettre le feu à l'hôtel, le malheureux abbé sera pris sans espoir de salut... Ma soeur... ? fit la malade, hésitante encore, mais ébranlée par les chaleureuses affirmations de l'espion. L'autre, plus confiante, indiqua l'entrée de la cachette, l'ouvrit ; Valeray, triomphant, s'approcha du prêtre : - Je suis fâché, mon cher Le Maréchal, dit-il, que la corvée soit tombée sur moi, mais je ne connais que la volonté de la Nation... Venez et suivez-moi. Il met, en même temps, les deux nobles filles en arrestation, appelle ses hommes qui n'ont pas quitté la cour de l'hôtel, et il emmène ses trois captifs, menottes aux mains, à la police ; ils furent écroué à la prison de la porte Saint-Michel LA MORT LENTE DU JUGE Quoiqu'on l'eût cru blasé sur les émotions et inaccessible aux alarmes de conscience, on ne resta pas sans remarquer que le Président du Tribunal criminel était "atteint". L'échafaud du 13 août avait tranché le fil, non point de trois, mais de quatre existences : celles des condamnés et celle de leur juge. Il devait vivre encore, mais juste assez pour se sentir lentement mourir. La Terreur passée, la solitude se fit autour de lui ; il entendait toujours la voix assurée des demoiselles de Renac répondant à ses questions ; il les revoyait à genoux devant son tribunal, en adoration muette devant leur Dieu et, sans doute comprenait-il que, avec un peu de courage et d'adresse, il aurait pu épargner le martyre à ces héroïques et saintes filles. On n'est plus ici dans l'histoire, car les documents font défaut qui permettent de pénétrer les consciences et la tradition seule nous instruit de ce que fut l'épilogue du drame qu'on vient de lire. Or, depuis la Révolution, la tradition rennoise affirme que de l'exécution des demoiselles de Renac, Bouaissier reçut un choc dont sa santé demeura ébranlée pour toujours. Peu à peu les traces de sang s'effacèrent, mais rien n'atténuait la réprobation dont était l'objet celui qui avait présidé, en l'an tragique, l'odieux Tribunal. Il peut se faire qu'il eut encore des jours tranquilles ; peut-être même espéra-t-il, à certaines heures, que le cauchemar s'évanouissait. L'ancien président du Tribunal criminel, était grand-père et ce bonheur eût dû le rattacher à la vie. IL n'en fut rien ; elle devenait pour lui d'année en année plus sombre ; les honnêtes gens ne le connaissaient plus "dans les rues on le montrait au doigt" a écrit un chroniqueur ; les femmes se détournaient de son passage et bientôt une honte sans repentir le retint chez lui pendant le jour ; quand venait la nuit il se hasardait à prendre l'air. On le voyait se promener parfois dans les lieux les moins fréquentés ; quelque chose d'inquiet se faisait remarquer dans sa démarche ; au moindre bruit, il tressaillait et s'arrêtait tout à coup ; tableau à coup sûr saisissant et qu'on pouvait croire fantaisiste s'il n'expliquait un fait sur lequel s'accordent les plus récents et les plus estimables historiens. Bouaissier qui habitait la rue Beaurepaire — (aujourd'hui rue Motte-Fablet) — sortit un soir de septembre 1802, pour errer seul à son habitude, dans les rues silencieuses et peu animées qui avoisinent Saint-Melaine ; il poussa sa promenade jusqu'à la place de la Motte et passa rue de Belair, devant l'ancien hôtel de Renac. Il s'engageait sous les ormeaux de la place quand une voix, une voix lugubre, s'éleva dans la nuit : — Bouaissier ! Il fait volte-face, ne voit personne et hâte sa marche. Le même appel effrayant, retentit de nouveau : — Bouaissier ! Haletant, il revient sur ses pas : l'endroit est absolument désert ; il cherche à percer des yeux l'obscurité quand, pour la troisième fois, la voix répète : — Bouaissier ! A ce cri, tremblant de peur, éperdu, il traverse toute la place, fuyant droit devant lui, et aperçoit un groupe de quelques écoliers qui semblent guetter ses démarches. Qui m'appelle ? balbutie-t-il ; vous n'entendez pas qu'on m'appelle ? — .Qui t'appelle ? Tu ne reconnais donc plus la voix des demoiselles de Renac ? Le malheureux court, déjà tremblant de fièvre, jusqu'à sa maison ; dans la nuit, il est pris de délire. Le docteur du Lattay, appelé dès le lendemain, ne dissimule pas que l'état est grave, et il conseille au malade de recevoir le Père Gaffart, un ancien religieux carme, dont Bouaissier a été bien des années auparavant, le condisciple au collège de Rennes. Bouaissier consent avec émotion. — Puisse-t-il me rendre la paix murmure-t-il. A onze heures du soir le même jour, prévenu par le médecin, le Père Gaffart sonne à la porte de l'ancien Président du Tribunal criminel ; mais il se heurte sur le seuil, au fils du mourant, ex-législateur au Conseil des Cinq-Cents, qui, élevé dans le seul culte des philosophes empêche le prêtre de pénétrer plus avant, déclarant que "son père est plus vertueux qu'un moine et qu'il n'a pas besoin d'un calotin pour bien mourir". Le religieux, malgré ses instances, ne put triompher de cette résistance ; il dut se soumettre et se retirer. Bouaissier expira "dans les plus horribles convulsions du désespoir" disait plus tard le médecin témoin de ses derniers moments... Il n'en faut pas douter, à cette heure suprême, trois élus dans le ciel intercédaient pour lui.