Seigneurie
Château (Le)
LA GACILLY
56200
Morbihan
56

CARACTÉRISTIQUES

Les fondations furent posées sur des schistes argileux et ferrugineux. Elles consistaient en murs de plus de trois mètres d’épaisseur avec des parements unis et des arêtes droites et régulières en moellons de schiste bleu. Ensuite, à l’extérieur, une butte artificielle de terre rapportée vint cacher ces fondations sur une hauteur de cinq à six mètres et une circonférence de 55 à 60 mètres. A l’intérieur, la même terre fut employée pour consolider les fondations ; seul un escalier en pierres avait été aménagé ; il conduisait à une porte souterraine donnant dans les douves. Jusqu’à une hauteur de sept mètres, ces fondations n’avaient pas de fenêtre sauf une étroite et haute meurtrière du côté du midi. Ces assises avaient une forme carrée de vingt mètres de côté environ. Lors de la démolition de ces fondations, il a été découvert également un pan de mur circulaire à l’angle oriental du quadrilatère ce qui prouve l’existence d’une tour à cet endroit. Il est tentant de penser que chaque angle devait en posséder une. E. Etrillard croit la même chose lorsqu’il écrit que « ces tours s’avançant à l’extérieur ont dû être les premières détruites et enlevées ».[1]

Le donjon, construit sur ces assises, devait avoir une hauteur d’une vingtaine de mètres au-dessus de la butte artificielle et ainsi le sommet des murs dominaient l’Aff d’une quarantaine de mètres. Il devait avoir quatre étages, deux murs perpendiculaires d’un mètre d’épaisseur partageant chaque étage. Au milieu du donjon se trouvait un puits dont les restes étaient encore visibles en 1945 dans la cour de l’école publique.

Christophe Amiot écrit que « le donjon de La Gacilly semble le plus âgé de ce genre de construction dans la région et le plus important de Bretagne dont on ait conservé la trace ». Le Chanoine Le Méné, quant à lui, ne signale pas, sur son plan au 1/500° du donjon gacilien, la présence d’une tour circulaire mais indique seulement l’existence de trois contreforts sur chaque face, contreforts situés dans le prolongement des murs mais qui n’englobent pas les angles.

La description des fondations faite par E. Etrillard avec un pan de mur circulaire et le plan du donjon réalisé par Le Méné peuvent très bien être compatibles. En effet, il faut savoir que ce genre de construction carrée existait et elle pouvait être flanquée d’une telle tourelle cylindrique ; certains donjons du Poitou et de Vendée sont là pour le prouver. De plus, ce genre de construction marque une évolution vers le donjon à plusieurs tours circulaires, quatre en général, comme celui de Montfort. Mais alors, autre conséquence, la construction du donjon de La Gacilly serait antérieure à celui de Montfort[2]. Possible, d’autant plus que, ce dernier étant plus récent, ce serait une des raisons pour laquelle la famille de Montfort en fit sa demeure principale. En effet, Guillaume I° de Montfort, frère d’Olivier, avait hérité du domaine de Montfort à la mort de leur père Raoul de Gaël. C’est ce Guillaume I° qui fit élever le donjon de Montfort. Celui-ci a pratiquement les mêmes dimensions que celui de La Gacilly : murs de trois mètres d’épaisseur, hauteur de vingt mètres. Par contre, les contreforts furent remplacés par des tours d’angle. C’est lui qui bâtira également un peu plus tard le donjon de Châteauneuf en Ille-et-Vilaine[3]. Pour cette époque, ces trois constructions seront les plus importantes de tout le royaume avec quelques donjons normands dont Chambois dans l’Orne, près de Trun. Le donjon de Châteauneuf était rectangulaire à quatre niveaux, couvert d’une terrasse crénelée et flanqué à chaque angle de deux contreforts à ressauts. Leurs emplacements sont identiques à ceux du donjon de La Gacilly : ils prolongent chaque mur sans englober l’angle.

Enfin, il faut faire remarquer que Geoffroy de Montfort, fils de Guillaume I°, fut aussi le bâtisseur du château de Chambois dans la seconde moitié du XII° siècle. Tout au long des XI° et XII° siècles, cette famille de Montfort entretint des relations étroites avec les souverains anglais et surtout participa aux premières croisades. Sans doute, de tous ces voyages, ces seigneurs de Montfort rapportèrent-ils des idées nouvelles et - la façon de se défendre ayant changé - furent-ils les premiers à construire ces quatre donjons les plus puissants de tout l’Ouest pendant plusieurs années. D’autres donjons ressemblent à celui de La Gacilly en particulier ceux de la Roche-Posay dans la Vienne, de Tonnay-Boutonne en Charente-Maritime[4] et Pressigny en Indre et Loire.

TRANSFORMATION DU DONJON EN CHATEAU FORT

Au tout début du XII° siècle, lorsque la famille de Montauban prit possession du domaine de La Gacilly, elle renforça les défenses du donjon. Pour ce faire, elle commença tout d’abord par agrandir la butte de terre qui supportait le donjon. De circulaire, cette butte prit une forme ovalisée : 50m de long et 35m de large. Le donjon fut alors situé sur la partie Est de cette plate-forme. Autour de celle-ci fut construite une enceinte dont le pied baignait dans les douves. Il s’agissait en fait d’un fossé profond de douze mètres et large de six alimenté en eau par le ruisseau des Brelles au moyen d’un petit canal venant de l’étang de la Bouère et situé au sud-ouest de l’édifice. Des vestiges d’un canal ont été mis à jour il y a quelques dizaines d’années, lors de travaux dans la rue A. Monteil, à la hauteur de la maison Clésio et de la maison Jouvance devenue le presbytère actuel. Il semble pourtant que ce canal partait de la gauche du pont-levis lorsqu’on y arrivait par le chemin du château, passait à l’extrémité Ouest du magasin Homet et se dirigeait à travers le jardin Coyac entre les maisons Templé et Collet, coupait la partie inférieure de la place actuelle, marécageuse encore en 1860.

Entre ce canal, l’étang, le ruisseau de Mabio et l’Aff, s’étendait le domaine propre du château ; l’accès de ce domaine se faisait par le chemin de Carentoir qui passait entre le ruisseau et le château. Le jardin du château se trouvait entre le canal et les maisons construites au bout des anciennes halles et le chemin du Vaugleu. Une poterne et un pont en bois pour franchir le fossé permettait l’accès du grand château à la basse-cour qui deviendra ensuite le petit château.

Le fossé lui-même était défendu par une terrasse circulaire en guise de contre-escarpe fort épaisse, parementée de murs et garnie au dehors d’un parapet à meurtrières, lequel était beaucoup plus fort et plus élevé des deux côtés du portail principal d’entrée ; celle-ci, située au Sud, se faisait entre deux grosses tours-bastions rondes qui encadraient un pont-levis, celui-ci devait se trouver dans le jardin de l’instituteur un peu au-delà et à l’Ouest du puits actuel. Trois autres grosses tours, comme celles de l’entrée principale, situées à une distance égale et régulière les unes des autres, complétaient les défenses extérieures.

Le château fut construit, autour du donjon, dans le style de l’architecture militaire du moyen-âge, dont le principal moyen de force et de résistance consistait dans une position escarpée et fort élevée, ayant pour base soit un rocher, soit une levée de terre, contre lesquels devenaient impuissants la plupart des instruments d’attaque en usage dans l’antiquité. La grande butte était ronde et garnie d’un parement de pierres, ce qui lui donnait l’aspect d’une grosse tour terminée à son sommet par une plate-forme sur laquelle s’élevait le château supérieur, espèce d’édifice carré divisé en un grand nombre de compartiments et entouré d’une pente douce et unie munie de parapets et défendue par cinq tourelles terminées en forme de toit pour faciliter l’écoulement des eaux de pluie.

Le château de La Gacilly était divisé, comme tous ceux de cette époque, en haut ou grand château, et en bas ou petit château. Le renforcement de la défense fut complété par la construction d’une grosse tour circulaire, comme celles de l’entrée, sur ce qui est appelé la petite butte, au Sud-Ouest de la grande et en forme de demi-lune Cette tour épaisse prit le nom de Petit Château. Elle renfermait un escalier de défense spacieux, et d’une pente assez douce pour qu’on pût au besoin y faire monter un cheval. Cet escalier était disposé de telle manière qu’au moyen de barrages mobiles et de meurtrières pratiquées dans les marches ou degrés, on pouvait à tout instant arrêter les agresseurs, et les écraser de haut en bas. Cet escalier communiquait avec le château supérieur au moyen d’un pont-levis ou à coulisse de quelques mètres. Outre la tour, cette petite butte comportait également une maison d’habitation, une remise et des écuries. D’après certains auteurs, une autre tour, semblable à celle de la Petite Butte, se trouvait au Nord et, entre les deux, il y avait une maison dont les restes furent découverts lors du déblaiement. Cette maison possédait une cheminée (le foyer avait encore des cendres) et elle était adossée au mur d’enceinte exposée au Sud-Est. Entre les deux buttes, outre cette maison, il y avait une basse-cour et un jardin, le tout contenant environ un journal.

L’ensemble terminé prit alors l’allure d’un château fort dominé par le vieux donjon. A l’intérieur, en plus de la résidence seigneuriale et de la maison de la basse-cour, il y eut par la suite, d’autres logis d’habitation sommaires pour les compagnons, les serviteurs des maîtres ainsi que pour les artisans attachés au château et des abris pour les « retrahauts » du domaine pour leur bétail et pour leurs biens, c’est à dire pour les habitants du fief qui, en cas de danger, viennent se réfugier avec ce qu’ils possèdent à l’abri de la « ferté », la forteresse. Du haut du donjon, le veilleur ou « gaîte » (de là le verbe guetter) scrute l’horizon et avertit de l’approche de l’ennemi ou signale l’arrivée des visiteurs devant lesquels va s’abaisser le pont-levis. Pour tuer le temps, il joue parfois de la flûte ou chante des chansons de « gaîte ». De son cornet sonore, il signale aux hôtes du château les principaux moments de la journée. Des mendiants se tiennent assez souvent dans la cour où ils attendent la « donnée ». Ils restent sur les degrés inférieurs du grand escalier par lequel on accède à la résidence du seigneur, escalier qui a joué un grand rôle dans la vie féodale ; les hôtes en occupent volontiers les marches de pierre pour y prendre l’air et pour bavarder et assister aux jeux. Car c’est au pied de cet escalier de la cour que se livrent les combats singuliers, les joutes et que se déroulent les « quintaines ». (voir à ce mot au XVII° siècle).

Le domaine du château s’étendait au Nord et à l’Ouest de l’enceinte et comportait un jardin et une vigne situés entre le canal alimentant les douves, l’étang de la Bouère et le ruisseau des Brelles qui passait alors au pied du château. Toute la pente de la colline, à l’Est, était distribuée en divers jardins disposés en amphithéâtre et ornés d’un pavillon à chacun de leurs angles. Il y avait aussi vers le Sud-Ouest des bâtiments extérieurs, ainsi que l’attestent les divers murs de fondations trouvés naguère dans le terrain du voisinage. L’étang, entouré de « saulsaies et d’oseraies », était utilisé pour l’élevage de carpes, de tanches et de brochets.

Entre le château et le gué du Bout-du-Pont, des maisons commencent à se construire et forment petit à petit une rue, la première de La Gacilly. De cette rue, partent deux chemins, l’un qui s’en va vers Malestroit en empruntant l’ancienne voie romaine, l’autre qui s’en va vers Glénac en longeant la butte de la Bergerie. C’est le long de ces trois rues que sont venues graduellement se grouper les habitations des protégés de la seigneurie pour former peu à peu le noyau du bourg de La Gacilly. Parmi ses maisons de la rue principale qui descendait à la rivière, il devait y avoir une maladrerie qui sera remplacée quelques années plus tard par l’Hospice Saint-Jean. A la sortie du château, un autre chemin s’en allait vers la Bouère.

[1] Le Château-Fort de La Gacilly- p. 7- E. ETRILLARD

[2] Pouillé Historique de l’Archevêché de Rennes- p. 274- G. De CORSON

[3] La Bretagne Féodale- p. 200- A. CHEDEVILLE

[4] Les Châteaux-Forts du Morbihan- p. 87- LE MÉNÉ