1882-03-10
1882-3-10-M

Monsieur le Rédacteur, La contagion du sacrilège semble s'étendre comme une horrible mode : elle joue un rôle dans le plan d'attaque contre le cléricalisme, c'est-à-dire contre la Religion. Mais il arrive parfois que dans cette armée républicaine, et par conséquent indisciplinée, dont Satan est le général, un des assaillants s'adresse mal ou dépasse le but. En voici un exemple récent il a pour théâtre une des communes du Morbihan où, grâce à de bons lieutenants le général en question semble trouver plus d'obéissance et faire plut de dupes et de recrues. À quelque distance de La Gacilly, à l'embranchement de deux routes une vieille croix vermoulue marquait la place d'un combat entre Anglais et Bretons Plus d'un vaillant trouva la mort en cet endroit : plus d'une âme peut-être encore entour de la Croix des Archers, attendant que la piété des passants achève d'ouvrir pour elle les portes du ciel. Il y a un ou deux ans, la croix vermoulue fut remplacée par une croix neuve en pierre, dans le socle de laquelle une petite niche fermée per deux légers barreaux de fer renfermait une statue de la Vierge. Quelqu'un trouva sans doute que ; le moment était mal choisi pour dresser croix et statue quand ailleurs on les abat. Toujours est-il qu'un beau matin, il y a environ un mois, en trouva les barreaux descellés et la statuette enlevée : puis celle-ci reparut, percée d'un trou que le malfaiteur sacrilège avait exécuté à loisir. Aussitôt répondue, la nouvelle de cet attentat excita la répulsion et le dégoût, car si la révolte contre la toute-puissance de Dieu peut se colorer d'une fausse et criminelle fierté, l'insulte à cette Mère qui pardonne aux bourreaux de son Fils et s'intitule le refuge des pécheurs, indique une dégradation tellement profonde, qu'elle se traduit par la haine dont tout ce qui est grand et beau. On cite un libre penseur, un soi-disant athée, qui occupait une haute position dans l'enseignement, et qui professait, malgré son manque de foi, une sorte de culte peur la Vierge. C'est qu'en effet, pour qui voudrait méconnaitre une vérité si bien établie et traiter de fiction ce que l'Église nous apprend de Marie, Il y aurait encore dans cette fiction une grandeur et une beauté morale qui imposeraient l’admiration. Exaspéré sans doute de l'effet de son crime, le misérable auteur du sacrilège voulut encore défier le sentiment public, et l’on trouva quelques jours après, une statue brisée par fragments que recueillit la piété des fidèles. Dimanche dernier, une cérémonie répartitrice devait avoir lieu un nombreux clergé s'était réuni, et on entrant dans l'église qui d'ordinaire pour les vêpres, est presque vide, nous fûmes frappé de la voir pleine. La protestation contre le forfait commis s'annonçait bien complète : elle se réalisa, en effet, cette foule tout entière suivit avec recueillement la procession expiatoire et se pressa autour de la croix qui avait été l'objet du sacrilège, pour répéter des prières et pour entendre, avec une visible et sympathique émotion la parole éloquente et pleine de foi de M. le doyen de Carentoir. Si le misérable auteur de l’attentat s'était en curieux mêlé à cette foule, il n'eût pas entendu la haine répondra à la haine ; Mais il eût constaté que le premier effet de son crime était une manifestation pieuse, un hommage public rendu à Marie, hommage auquel, pour ne pas se dévoiler, il eût été forcé de prendre part, au moins par une attitude respectueuse. Ce malheureux reste donc la seule victime de son forfait, contre lequel la paroisse de la Gacilly a énergiquement protesté le 5 mars. Puisse-il se repentir assez à temps pour que la vengeance de celui dont il a insulté la Mère n’aille pas, déchirant le voile de l'anonyme qui l'abrite, faire de son châtiment mérité un effroyable exemple !