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naissance en 1584 environ"

Charles Marie
HUREL
30 06 1754
1754
HUREL :: Charles
RIQUEL :: Perrine Catherine
CARTRON :: Jeanne Marie (x?)
FOULON :: Marie Perrine (x?)
FOULON :: Marie Perrine
 - sans postérité
CARTRON :: Jeanne Marie
 - Marie Perrine Julienne (o1778)
 - Marie Perrine Josèphe (o1779)
 - Charles Marie Joseph (o1781)
05 26 1794
Protection
 - Chirurgien dentiste

Voir fiche aussi =Charles Marie HUREL –Vie Affaire = fiche CHEVALIER Pierre Affaire= fiche DAVALO Gilles Affaire= fiche NOZAY Pierre Affaire= fiche HOUEX Mathurin Affaire= fiche CACQUERAY Léopol Affaire= fiche ROBERT Félix Source= Article écrit par Jacques BERHAUT descendant de la Famille HUREL Charles-Marie face à la Chouannerie En mars 1792 parvint l'ordre d'enlever aux églises tous les ornements et objets de valeur, vases sacrés, croix de processions etc. ... Les cloches aussi furent saisies, pour échapper à la réquisition. Celles de Cournon furent cachées sous deux mètres d'eau dans l'Aff, celles de Glénac dans le marais, celles des Fougerêts dans l'étang du Groutel. Le refus de la très grande majorité des prêtres en exercice de prêter le serment à la constitution civile du clergé, le refus de la conscription forcée des jeunes en état de porter les armes, les multiples réquisitions affectant surtout les paysans devant fournir des bêtes, cochons, bœufs, chevaux et toutes sortes d'autres denrées pour le ravitaillement des troupes furent prises pour des vexations. Ces mesures inopportunes exaspérèrent tellement la population des campagnes qu'elle en vint à se rebeller contre la nouvelle république, pourtant porteuse de tant d'espoirs... Mais face à toutes ces mesures discriminatoires le peuple répondit par une levée en masse. C'est réellement à cette date que l'on peut fixer la naissance de la chouannerie. Ce fut à cette époque que le jeune chef de Cacqueray installé dans la région de Ruffiac conseilla la tactique fuyante qui rendait les chouans insaisissables C'est lui aussi qui créa un service de poste clandestine qui traversait la Bretagne dans toutes les directions. Le clergé fidèle, celui qui refusa le serment à la constitution civile du clergé fut férocement traqué par les «patriotes» civils et militaires. Des dénonciateurs les aidèrent dans leur chasse aux prêtres réfractaires. A Ruffiac l'ancien curé Coquerel, Alexandre Caillet, Louis Velec «marchands d'absolutions» furent dénoncés, pour avoir donné asile au prêtre réfractaire Robin, Louis Guillotin vit son grenier incendié par les bleus avant que ceux-ci aient essayé de lui voler ses bœufs. Dans la région du district de Roche des Trois, quatre prêtres se cachaient à Carentoir, six à Bains sur Oust, deux aux Fougerêts, un à Glénac, deux à Peillac, deux à Allaire, trois à Rieux dont l'abbé Tuai qui put s'échapper. Mais son frère fut fait prisonnier. L'abbé Robin de Tréal dénoncé par Le Blanc de Carentoir fut prévenu à temps et s'esquiva vers les taillis impénétrables de la Bourdonnaye. En 1792 l'abbé Guillaume Michel continuait à administrer les sacrements. Il se cachait le plus souvent aux «Feuges» et quelquefois dans un chêne creux. Malgré toutes ces précautions il fut arrêté et déporté à l'île de Ré, comme d'ailleurs l'abbé Nicolas curé réfractaire de Tréal. Un abbé Michel desservait la Chapelle Saint Jacques en Carentoir qu'il ne quitta jamais, se cachant chez des paroissiens courageux dont Louis Ricaud de l'Abbaye aux Alines ou chez Guillaume Buchet de la Touche es Régeard. A Carentoir, Brenugat, l'officier municipal, voulut faire présenter les enfants nouveaux nés au prêtre constitutionnel Rubault pour les faire baptiser. Les parents lui rirent au nez et se moquèrent du nouveau régime. Charles Marie connaissait ce prêtre assermenté. Après la réaction de Thermidor en l'an II, Carentoir fut pris par les chouans en plein jour, l'arbre de la Liberté abattu. Charles Marie déposa le 17 août 1793 (quelques mois après la bataille de Rochefort) une demande d'indemnités pour son sabre et son baudrier perdus dans la bataille de Rochefort en Terre et récupérés par la Garde Nationale. Nous savons donc qu'il participa comme combattant volontaire du côté républicain au combat qui eut lieu le 16 Mars 1793 au chef-lieu de district Rochefort en Terre dont dépendait Carentoir. Par la suite, l'Histoire devait appeler cette affaire le «sac de Rochefort». Les forces en présence ont été diversement évaluées. On a été jusqu'à parler de 8 000 chouans rassemblés pour cette expédition. Ce chiffre est bien évidement sujet à caution, fortement exagéré. On peut raisonnablement admettre du côté chouan la présence de 800 à 1500 combattants, d'ailleurs bien mal armés. Il n'aurait pas été possible de rassembler plus de chouans, même en recrutant dans toutes les paroisses des alentours. L'expédition prit une allure de croisade mais aussi, pour quelques chouans avertis et certains de leurs chefs le moyen de se procurer des armes et des munitions. Les troupes royalistes rassemblées au petit matin par le tocsin résonnant de tous les clochers de toutes les églises avoisinantes se dirigèrent vers Rochefort. La cité n'était défendue que par 50 hommes du 109 ème régiment de ligne, de quelques gendarmes et de 50 gardes nationaux dont le loyalisme à la République était fort suspect. L'ensemble était commandé par le lieutenant de gendarmerie Guérin. De leur côté les chouans étaient commandés par le chevalier de Silz, ancien officier de marine, par Audran «Capitaine de paroisse» de Berric (la paroisse réputée la plus chouanne de la région). Il semble que ce furent Montméjean et Chevalier de Carentoir, venus avec 68 hommes, qui prirent le commandement pour attaquer le château de Rochefort, où étaient réfugiés les républicains. Il y avait également le chef de 25 chouans de Carentoir Constant Cadio et Gilles Davalo qui cachait des fusils et des munitions chez lui au Rocher en Tréal, et qui les distribuait les jours de rassemblement. A cette bataille Davalo était accompagné de sa femme Anna Ayoul. Celle-ci arrêtée quelques mois après sous l'injonction d'Hoëo-Boisgestin à ses sbires «tu feras bien d'arrêter la femme Davalo» déclara le 17 Thermidor (4 août 1794) avec un superbe aplomb, ne pas avoir vu son mari depuis plus de onze mois. Vers midi le chevalier de Silz donna l'ordre d'attaquer. Les paysans tambours battants, cocarde blanche au chapeau, drapeau blanc déployé, pénétrèrent dans la cité par trois endroits différents. Après avoir tenté de résister quelques instants pour la forme, ce fut le sauve-qui-peut général, la panique. Guérin et ses hommes ne tardèrent pas eux aussi à s'éclipser, précédés par la garde nationale, la première à disparaître dans la nature, comme par enchantement. Les commissaires civils, réunis, dont Le Clainche et Geslin l'ancien régisseur prévaricateur de Castellan en Carentoir, ne demandèrent pas leur reste et abandonnèrent la partie. Où était Charles Marie durant tout ce temps? Avec qui était-il? Très certainement avec eux: ses amis républicains... En temps que chirurgien sa place aurait dû être au chevet des blessés ... Non, il n'en est rien, il n'est question pour lui que de bagarres, d'intention d'en découdre avec le moindre chouan. Sans doute avait-il emporté un de ses deux fusils et un de ses deux pistolets, armes qu'il détenait chez lui à Saire, et qu'il réussit à sauver ne laissant sur place qu'un de ses deux sabres et son bouclier! Il n'est nulle part question de matériel chirurgical, de pansements, d'attelles, d'éclisses pour venir en aide aux blessés et aux mourants de son camp, ce qui aurait été assez normal pour un «meistre en chirurgye». Non! Charles Marie, semble-t-il, n'était animé que de velléités belliqueuses, comme nous aurons l'occasion de le remarquer dans plusieurs autres circonstances quelques mois plus tard. Ce que l'on sait avec exactitude: dans l'affolement général, devant la formidable pression exercée par des centaines de chouans armés de redoutables couteaux à pressoir, de faux emmanchées à l'envers patiemment aiguisées, quelques-uns détenteurs de fusils, ce fut une totale débandade des républicains. Charles Marie Hurel comme tous les autres révolutionnaires s'enfuit en laissant sur place son sabre et son baudrier comme nous l'avons déjà relaté. Pour cette raison Michel de Galzain l'a traité de pleutre, ce qui me semble un peu exagéré, au regard de la situation, de l'extrême danger du moment, devant des hordes de paysans déchaînés, plus ou moins avinés, avides de participer au butin. Le rapport de force était vraiment trop inégal... Il y eut de nombreux morts, surtout du côté républicain, entre autres: Duquero, le chirurgien Denoual, le fils Bourgerel furent parmi les victimes. En souvenir de leur sacrifice la ville fut durant vingt ans appelée ROCHE-des-TROIS par décret de la Convention. Moins de quinze jours après le «sac de Rochefort» la répression fut terrible, surtout dans la région de Questembert et de la Roche-Bemard, cité elle-même occupée un certain temps par les chouans, comme devait l'être La Gacilly en 1795. La célèbre colonne infernale commandée par Le Batteux, émule du sinistre Carrier avec qui il était en rapport, se rendit tristement célèbre par son action répressive. Loin de ramener la paix dans les esprits elle ne fît que les exacerber. Dans la région de la Bourdonnaye, au dire de Michel de Galzain, la répression fut dirigée contre le château par Charles Marie HUREL, sinistre personnage, qui s'était mis à la tête des «patriotes». Il ne trouva, en tout et pour tout, que des ornements d'église provenant de la chapelle de Bonne-Rencontre. Pour y être né Charles Marie en connaissait parfaitement les coins et les recoins et sans doute était-il persuadé de faire d'importantes trouvailles, ce qui ne fut pas le cas. Les perquisitions se faisaient dans son domaine et il n'est pas douteux au dire de l'abbé Chenorio qu'il en fut souvent l'instigateur et le guide, mais cachant le plus possible sa présence pour ne pas aggraver sa situation fortement compromise. Parmi les patriotes Charles Marie était classé comme un des plus dangereux par les chouans. Il avait parait-il ambitionné de prendre les avantages de son maître le marquis de la Bourdonnaye. Deux mois se sont passés depuis la défaite républicaine. La tension monte de plus en plus dangereusement, la terreur s'amplifie dans les deux camps. L'arrestation du chef chouan Montméjean de Carentoir dont la tête est mise à prix ainsi que celles de ses partisans devient objectif prioritaire. La fureur s'empare des patriotes qui s'en prennent aux paroissiens. En témoigne cette lettre expédiée par la sûreté publique de Ploêrmel 18 mai 1793: Nous apprenons que MONTMEJEAN et Compagnie se répandent dans les paroisses de Carentoir et de Tréal et qu'ils font même des incursions dans celles de Ruffiac et de Saint Nicolas du Tertre dépendant de notre district, et qu'ils n’hésitent pas à nouveau à soulever les habitants de la campagne qu'il se dit une messe à la chapelle de Saint Bonaventure située sur le milieu d'une lande en Tréal ou Carentoir, à laquelle tous les fanatiques du pays se rendent, il est urgent de faire cesser ces abus en donnant la chasse à MONTMEJEAN et à sa suite, comme vous avez de la troupe à votre disposition, nous pensons que vous pourriez vous concerter avec la municipalité de Malestroit à qui nous écrivons en ce moment et envoyer un détachement dans ces parages afin de la purger de ces vauriens qui la désolent. Peut-être serait-il prudent de démolir ou d'incendier la chapelle de Saint Bonaventure - ou Bonne Rencontre - qui sert de lieu de rassemblement à la paroisse fanatisée. Enfin nous pensons que votre zèle vous portera à prendre toutes .... etc. signé: J.MANCEL, MUINART, Pt BECHU, Le GOASBE, LUCAS... Le 26 mai du même mois la répression au «Sac de Carentoir» fut elle aussi terrible à Carentoir. 14 jeunes gens de cette commune réfractaires à la conscription furent capturés dans les auberges par Hoeo-Boisgestin, mais ils furent délivrés dans la nuit par l'irruption de Montméjean, de Gilles Davalo, et de Pierre Chevalier «sabre à la main et couteau entre les dents». D'autres expéditions militaires à gros effectifs eurent lieu également en novembre 1793. Elles étaient destinées à reprendre en mains les populations, effectuer des perquisitions pour se procurer chevaux, bétail, cuirs et faire rentrer l'emprunt forcé, traquer et arrêter les prêtres réfractaires. Le dur calvaire de Charles-Marie HUREL A deux ou trois jours près, un an après le sac de Rochefort, le 30 Ventôse de l'année, (20 mars 1794), deux mois avant la mort de Charles Marie Hurel, le comité de surveillance de Carentoir est réuni. Il a reçu le 28 de ce mois un rapport (délation?) selon lequel l'officier de santé Hurel aurait été vu à l'auberge de la citoyenne Hersart de ce bourg en compagnie d'un habitant de Rochefort et qu'il était au courant de la présence du chef chouan Montméjean dans le canton. Charles Marie est requis d'avoir à comparaître le lendemain 1er germinal à deux heures de l'après-midi, pour donner les renseignements qu'il peut avoir sur le chef chouan si recherché. Le lendemain le chirurgien ne se présente pas à la convocation. Il est rappelé à l'ordre. Il lui est intimé d'avoir à se représenter le jour même. D'après le commissionnaire chargé d'aller le prévenir chez lui il est à Sérent, dépendant du district de Ploêrmel. Il est donc convoqué une deuxième fois pour le surlendemain 3 germinal. Il sera averti cette fois par un certain Savigne (il ne s'agit pas du terrible chef chouan) qui revient de sa mission en déclarant qu'Hurel n'est pas revenu de son voyage. En conséquence il sera une troisième fois enquis d'avoir à venir donner des explications le 5 germinal à onze heures. Il lui est stipulé que le procès-verbal de ses déclarations sera communiqué au district. Enfin Charles Marie se présente devant le comité. Il déclare que dans le commencement du mois de pluviôse, revenant de Roche-des-Trois au passage de l'Oust au Gueslain, le batelier Potier lui dit avoir passé de la troupe régulière qui allait en garnison à Carentoir et que Montméjean s'était présenté à lui, pour passer lui aussi la rivière, en couchant en joue un particulier que le passeur ne connaît pas mais qu'ayant été reconnu comme aristocrate il ne lui fut fait aucun mal. C'est tout ce que rapporta et signa Charles Marie Hurel et qui fut dûment consigné par procès-verbal sur le registre des délibérations du comité de surveillance de Carentoir par Hoëo et Jolys. L'attitude de Charles Marie qui ne met aucun, empressement à se présenter devant le comité de surveillance, la nette mauvaise volonté qu'il montre, est, peut-être à rapprocher de celle de Jousselin, capitaine de la Garde Nationale qui menait double jeu en étant affilié à une organisation de chouannerie. Le 14 Moréal de l'an II, c'est à dire le 3 mai 1794, l'officier public de Tréal adresse aux citoyens du district de Roche des Trois une lettre pour les tenir au courant des événements qui semblent se préparer du côté de la forêt de Paimpont. Il tient ses informations d'une lettre qu'il vient de recevoir. Cette lettre est signée Broussais juge de Paix à Plélan le Grand. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit de Pierre Marie Broussais (cinquante-quatre ans), ci-devant Noble Homme et qu'il est bien l'époux de Marie Louise Hurel, la soeur de Charles Marie, épousée le 23 février 1772, après la célébration de la cérémonie de fiançailles le 14 du même mois. Cette lettre parvenue à Méhaut par courrier extraordinaire tend à le mettre au courant des événements extrêmement graves qui se produisent du côté de Montfort, de Plélan et de la forêt de Paimpont. Un bruit se répand dans Plélan, par des personnes qui sont d'ailleurs immédiatement arrêtées, qu'un rassemblement de douze à quinze mille «brigands» se dirigerait sur Roche des Trois ci devant Rochefort. Les gens de Plélan sont extraordinairement épouvantés, surtout après la cruelle alarme de «samedy dernier» .Il veut parler du fameux combat de Beignon, sur les landes du Pont du Secret, qui vit la déroute des bleus. Les chouans avertis de l'arrivée de la colonne de 322 jeunes gens pris par la conscription furent l'attendre à la lisière de la forêt de Paimpont. Le combat fût rude, les chouans harcelèrent si bien les républicains qu'ils arrivèrent à libérer une grande partie des réquisitionnés de force. Seulement 85 d'entre eux arrivèrent à Rennes. Plusieurs centaines de chouans défilèrent en bon ordre dans le bourg de Beignon avant de prendre la direction de Guer. C'était le 17 Mars 1794, deux mois avant la disparition de Charles Marie HUREL. Pour cette raison l'officier public de Tréal tient à avertir Broussais de suite et d'autre part demander des précisions et des instructions. Broussais a eu bien du mal à trouver un courrier pour porter la dépêche. Dans l'affolement du moment il n'a pas eu le temps d'établir un passeport pour le «guide», mais affirme-t-il, c'est un bon citoyen et j'ai mis mon «vu» sur son courrier. Ce coursier à l'ordre de se rendre à Plélan de très bonne heure, il convient de ne pas le retarder, précise Méhaut. L'officier public termine sa lettre «avec des sentiments vraiment républicains». On sent dans le ton de la lettre passablement embrouillée l'embarras et l'état de panique dans lesquels se trouvent les notables patriotes et le manque d'informations dans lequel ils sont tenus. On a, de nos jours, de grandes difficultés à se représenter le paysage de la campagne bretonne telle qu'il était à cette époque. La plus importante transformation étant le remembrement des années 1960/1970 qui a définitivement oblitéré la vision de ce pays: le fameux damier breton. L'amélioration des routes a été aussi un facteur d'importance, reléguant aux oubliettes les vieux chemins défoncés par de gigantesques ornières dans lesquels tentaient de se désembourber des charrettes brimbalantes, la plupart du temps tirées par de mauvais attelages de bœufs...et un autre poète ne disait-il pas ?«les chemins bretons sont faits pour empêcher les gens de passer» ! C'est dans un climat de guerre civile que va se dérouler le drame de la «Porte Rouge». La terreur sévit toujours, elle ne prendra fin qu'au mois de juillet 1794, dans un mois et demi. Cette tragédie va coûter la vie à Charles Marie Hurel victime de ses convictions républicaines. Il se retrouve face à ses parents, ses soeurs, ses beaux-frères, ses amis d'enfance de la Haute Bouexière où il est né, face aux prêtres restés fidèles, n'ayant pas accepté le serment de la constitution civile de clergé, face aux nobles n'ayant pas émigré, face à ce milieu aristocratique dans lequel il est né, dans lequel il a vécu jusqu'à son adolescence. Enfant du pays, il a parcouru avec les galopins de son âge tous les chemins plus ou moins creux, toutes les landes. Aucun hallier ne lui est étranger. Il connaît admirablement bien tous les raccourcis, toutes les maisons, les fermes, une quantité d'animaux, tous les paysans pour avoir exercé son art parmi eux. Il connaît tout le monde, il connaît tous ceux qui sont soupçonnés de chouannerie, amis, parents, il connaît les caches des prêtres insoumis. Il n'ignore rien des activités plus ou moins clandestines des habitants de la Haute Bouexière et des regroupements de chouans à la Bourdonnaye, jusqu'à 1500 certains jours: la Bourdonnaye haut lieu de la résistance. La position de Charles Marie devient de jour en jour de plus en plus inconfortable. Vers 1793/94 Charles Marie Hurel «cet homme haut en paroles et cruel» se met à la tête des patriotes dans le but de terroriser les habitants des campagnes, relate l'abbé Chénorio. Ceux-ci ne l'entendent pas de la même façon et de la manière dont ils ont été tyrannisés. Tant pis pour ceux qui les auront persécutés, à leur tour ils seront impitoyables! Pour avoir participé à des expéditions punitives Charles Marie ne se croyait plus en sécurité, il se sentait menacé. Il fut soupçonné, lui et ses partisans, de s'être débarrassé par trahison et assassinat du jeune chef chouan de Cacqueray, tandis que celui-ci de son côté avait formé des disciples, des justiciers, dans la région de la Haute Bouexière et de Tréal dont Charles Savigne devint le chef. Le jeune de Cacqueray a été tué dans une action provoquée par son imprudence. S'étant éloigné, seul de son groupe, malgré les objurgations de ses fidèles, il fut fusillé par des gendarmes postés en embuscade. En rendre responsable Charles Marie me semble de la plus haute fantaisie. Depuis quelques mois Charles Marie est un homme traqué. Il a trahi son camp, ses incursions dans les villages à la tête des révolutionnaires lui ont valu la rancune des paysans. Tous les historiens locaux ont relaté la fin tragique de Charles Marie. Aucun n'a su apporter d'explications précises sur les raisons de son exécution. Nous en sommes donc réduits aux hypothèses. Dès l'annonce du meurtre, l'émotion est considérable dans le camp républicain. Les enquêtes, les interrogatoires vont se succéder: sur place dans sa maison à Saire, certains au Comité de Surveillance de Carentoir, d'autres au district de Roche des Trois. Les recherches de ses assassins se poursuivront conjointement avec celles des déserteurs à la conscription et surtout à la traque des chefs chouans qui sont la bête noire des administrateurs civils et des membres de la police Générale. Les autorités de Carentoir dès le 14 prairial, soit une semaine après la mort de Charles Marie se défaussent du dossier et le font porter à Roche des Trois: «Citoyens administrateurs Nous vous annonçons à l'égard de l'assassinat commis sur la personne du citoyen Hurel est finie, nous ignorons quand le greffier la portera au tribunal pour la faire soussigner. Autres choses que ce que nous avons marqué par d'autres précédentes ces sélérats le rencontrères sur les landes de Fenhouet en Tréal et ils voulures ce tirer de parts et d'autres il s'échappa passa à travers une petite rivière pour prendre un chemin détourné, pour se rendre chez luy qu'il y arrivèrent quelques temps après, luy demandère ses armes de la part du Roy l'en mener et l'assassiner à quelque pas de chez luy. Salut et Fraternité Les membres composant la municipalité JOGAREL ORPHAND, BARBIER, BRENUGAT officiers municipaux» Dès le 8 prairial, quelques heures après l'exécution de Charles Marie Hurel les membres du comité de Carentoir adressent les premières informations aux citoyens administrateurs du district de Roche des Trois. La lettre est signée de Brenugat, de Barbier officiers municipaux, de Rocher agent national et de Jogarel. En voici de larges extraits: «Nous recevons à l'instant la nouvelle que le chirurgien Hurel de Serres, fût assassiné hier au soir peu après soleil couché ayant été pillé auparavant. Les scélérats auteurs de ces crimes étaient au nombre de neuf ou dix, armés, habillés comme les bas-bretons et parlant leur langue. Ils ont dû rencontrer HUREL au village du Rocher en Tréal. Louis POTHIER passager du Gueslin qui se trouve ici, nous rapporte que ceux de son village virent arriver l'après-midi, le même nombre de personnes pareillement habillées, armées, passer à leur gué et prendre cette route. Le bruit se répand que du côté de Saint Méen en Montauban qu'il y a de grands mouvements. Vous n'ignorez pas non plus que sur la rivière d'aoust, il y a depuis Malestroit jusqu'au Gueslin beaucoup de gués. Les malintentionnés qui voudraient se joindre aux autres brigands doivent passer par Saint Martin Ruffiac Tréal et Réminiac Près de ce dernier endroit il y a encore des bois considérables nommés les bois de la Grée de Calac. C'est à vous, Citoyens, à décider si dans ces parages il ne doit pas y avoir une force armée importante et en quel endroit elle doit être placée. Le degré de crainte que cet assassinat et ces circonstances doivent inspirer, nous ajouterons qu'il vient de nous être rapporté que dimanche dernier on aperçut dans la forêt de la Bourdonnaye quelques hommes armés de fusils et de bayonnettes ayant des bonnets rouges. Nous nous transportons à Serre et si les informations qui vont être faites nous donnent quelques autres connaissances, nous vous les transmettront aussitôt Nous sommes obligés d'avancer les frais de voyages, vous verrez s'il ne serait pas utile pour plus grande expédition d'autoriser notre procureur des impôts à en faire l'avance, car le paiement actuel fait sur les gens une toute autre impression que celui qu'ils n'ont qu'en expérience. D'ailleurs nos charges l'acablent.» C'est le juge de paix de Carentoir qui va ouvrir le feu, commencer les interrogatoires: Avant de passer à l'audition des témoins du drame de la Porte Rouge, quelques lettres et documents divers nous permettront de comprendre l'ambiance et les circonstances particulières de cette malheureuse époque de guerre civile. Tandis que les autorités de Carentoir se font tirer l'oreille, tergiversent sur l'opportunité de remettre aux autorités de Roche-des-Trois la belle croix processionnelle, celles-ci s'impatientent et réclament la croix d'argent qui ne leur a pas été encore apportée: «il est teins enfin de se défaire de tous les signes de la superstition cependant vous ne nous avez point remis la croix d'argent de votre ci-devant église et vous ne voyez pas que votre obstination à la garder devient pour nous matière à suspicion, j'ose néanmoins croire que le fanatisme n'a point de partisans parmi vous et que vous céderez sans peine aux lois de la raison» Le lendemain 16 Messidor, autres récriminations: l'armée manque singulièrement de divers métaux, pour les besoins de l'artillerie plus particulièrement. Aussi les réquisitions se font plus pressantes et les Tréalais reçoivent l'injonction suivante: «Vous voudrez bien Citoyens, faire conduire de suite à Vannes tous les plombs provenant de vos églises, chapelles et maisons nationales de votre commune, faire conduire à Roche-des-Trois sous le plus court délai tous vos cuivres, fers et ornements d'église des quels le citoyen Boisgestin vous avait chargé ... Accuser l'envoi des plombs à Vannes... apporter un reçu à l'administration» Le même jour ils reçoivent une autre mise en demeure. Mais cette fois c’est une affaire de subsistance. Les ordres précédents n'ont guère eu de succès: «nous vous avons fait en vain la demande du nombre des cochons qui sont dans votre commune, nous vous prévenons pour la dernière fois que si ne nous envoyez pas demain l'état nous enverrons la gendarmerie le chercher à vos frais». La plupart des paroisses du Morbihan ont chouanné. A Tréal la résistance à la conscription a été importante. Dans neuf villages des jeunes ont refusé de partir défendre une république qu'ils abhorraient. Ce fut d'ailleurs une des principales causes de la rébellion. Ces insoumis étaient activement recherchés, leurs parents lourdement taxés, leurs bêtes réquisitionnées pour alimenter la troupe. A Tréal la liste des déserteurs est parvenue jusqu'à nous: Pierre Réminiac du Rocher, Jean Hazard de la Ruée, Charles Houeix de la Biardais, Jean Noël de la Ville Jeanne, Julien Réminiac de Fanhouet, Annel Robin du Préclos, Allain Borgat du Plessis, Joseph Glain du Rocher, Jean Laurent du Rots Brun, Jacques Houeix du Plessis et Laurent Thomas de Coiquencuc. Les documents existants permettent de reconstituer une grande partie de la dernière journée de la vie de Charles Marie Hurel mon ancêtre. La journée du 7 prairial de l'an Il va être bien longue pour lui. Ce 26 mai 1794 le printemps explose de toutes parts. Dans l'air légèrement parfumé des senteurs des guérets de la Charbonnière Charles Marie se sent étrangement léger. Il presse le pas. Il doit se rendre au village de Fanhouet en Tréal. Il allonge l'allure. Tout d'un coup il devient inquiet, il sent peser sur lui comme une menace indéterminée. Il se trouve néanmoins de taille à affronter le moindre adversaire. Il avance à grandes enjambées dans ce pays qu'il aime tant, qu'il connaît si bien pour l'avoir parcouru en tous sens. Il se revoit petit garçon se chamaillant avec tous les galopins de son âge de la Haute Bouexière: les Houeix, les Hoëo, les Fontaine, les Duglue, se mesurant dans des parties infernales de gendarmes et voleurs avec ceux qui quelques années plus tard deviendront ses adversaires: des chouans affirmés alors que lui rompant avec la tradition familiale royaliste et profondément croyante recherchera dans les idées révolutionnaires des réponses à ses questions, aidé en cela par son parrain Jacques Rigon. Mais pour l'instant il est urgent d'arriver à Fanhouet. Il y arrive vers midi, mais il ne peut préciser l'heure: l'angélus ne retentit plus, le son des cloches déposées, fondues pour les besoins de la guerre, n'est plus pour lui qu'un souvenir. D'autre part il a laissé chez lui sa montre en or. Charles Marie se présente chez son ami Guillaume Laurent qui tient une auberge. Les deux hommes se séparent quelque temps après, non sans avoir liquidé un ou deux pots de cidre. Charles Marie se rend ensuite chez un certain Favraud pour acheter du bois pour faire des barriques. En s'en retournant il repasse chez son ami Guillaume qui comme lui est acquis aux idées nouvelles, ce qui ne l'empêche pas de cultiver la dive bouteille. Ayant bu plus que de raison celui-ci va se coucher, sans doute pour cuver son cidre en toute quiétude. C'est tout au moins ce qu'il affirma, comme nous le verrons au cours des interrogatoires auxquels il fut soumis... Charles Marie continuant sa tournée des cabarets arrive chez Ambroise Borgard où il retrouve deux vieilles connaissances républicaines en la personne de Ricaud et de Louis Noël tous deux officiers municipaux. Vers deux heures de l'après-midi, dix hommes se présentent au Rocher à l'auberge tenue par Reine Badoux femme de Malo Guérin. Sans doute sont-ils déjà à la recherche de Charles Marie. Malo GUERIN croit qu'ils prirent la route de Saint Nicolas du Tertre. Il est persuadé avoir affaire à de bons républicains. Quelques heures s'écoulent et l'on retrouve Charles Marie qui vient de passer près de la croix de Joigne érigée en 1606, vers le Cleu en Tréal. Une demi-heure s'est écoulée depuis soleil couché. Il avance sur les landes de Fanhouet lorsqu'il est subitement entouré et pris à partie par une petite bande armée... Il s'agit très certainement du petit groupe qui se trouvait au début de l'après-midi dans l'auberge de Malo Guérin au Rocher. Charles Marie leur tient tête obstinément, seul l'officier commandant la bande comprend ce qu'il leur dit, les autres ne parlent que le breton. Cependant le ton monte dangereusement. Il finit par être couché en joue mais le coup de feu ne part pas. Mauvaises munitions, humidité, canon de l'arme encrassé, on ne sait pas. Profitant de cet incident qui aurait pu lui être fatal, Charles Marie réussit à s'esquiver, s'enfuyant par des chemins détournés qu'il a tant de fois parcourus. Il traverse la rivière du Rabun au pont du Bousset, et les pâtures en dessous du chêne tord pour se retrouver enfin chez lui à Saire s'y croyant en sûreté. Mais les autres lancés à sa poursuite ont su le localiser. Sans doute étaient-ils bien renseignés. Ils ne vont pas tarder à le rejoindre. Quelques temps après ses futurs tortionnaires déferlent dans sa maison. Le dur calvaire du «Maistre en chyrurgie» commence. Procès-verbaux et interrogatoires Le juge de Paix du canton de Carentoir Louis Joseph Le Roy apprend le 8 prairial de l'an Il (27 mai 1794) Vers les huit heures du matin par la municipalité que Charles Marie Hurel «le maîstre en chyrurgie» bien connu pour ses idées acquises à la révolution, habitant la maison de Serre sur la commune de Carentoir, en contrebas et à quelques centaines de mètres de la chapelle de la Haute Bouexière, vient d'être assassiné la veille au soir. Aussitôt il s'y rend avec son adjoint qui est aussi son greffier ordinaire Joseph Fichet, avec également les citoyens Joseph Perrin boulanger. Pierre Hervé laboureur, l'officier municipal Joseph Garel, et Félix Louis Pocher agent national du canton de Carentoir. Ils vont interroger Louis Potier, après que celui-ci ait prêté serment, "main levée". Louis Potier (ou Pottier) est passeur au passage du Gueslin en Saint Martin sur Oust. A cette époque il n'y a pas encore de pont à cet endroit. Il est aussi laboureur. Il affirme qu'une dizaine d'hommes armés habillés en bas bretons, parlant un langage inconnu de lui, avait passé le gué après-midi se rendant dans la direction de Ruffiac ou de Tréal: Procès-verbaux par Louis Joseph Le Roy Juge de Paix à Carentoir le 8 prairial an II à deux heures de l'après-midi, relatifs à l'assassinat de Charles Marie Hurel, le 7 prairial (soleil couché) «L'an second de la République française une et indivisible Le huyit prairial Nous soussignés Louis Joseph Le Roy juge de paix du canton de Carentoir, district de Roche des Trois département du Morbihan certifions que ce jour environ les huit heures du matin Nous avons appris par la municipalité de Carentoir qu'elle venait»... «que le citoyen HUREL de Seres avait été assassiné quelque temps après soleil couché par neuf à dix hommes armés habillés comme des Bas Bretons parlant leur language qu'ils ont dû rencontrer le dit HUREL au village du Rocher en Tréal et s'étaient ensuite rendus chez lui que cela est d'autant plus probable que Louis POTIER passager du Gueslin arrivé ce matin, a dît que hier il était passé au gué de la rivière du Gueslin en Saint Martin dix à douze hommes habillés en bas Bretons armés qui partirent suspects à tout le village en conséquence la compagnie du citoyen et ayant avec nous Joseph GAREL officier municipal de cette commune et ayant avec nous pour adjoint le citoyen Joseph FICHET notre greffier ordinaire. Joseph PERIN boulanger. Pierre HERVE laboureur demeurant au bourg de Carentoir, Notables an absence des assesseurs. Nous avons en présence du citoyen Félix Louis ROCHER agent national de la commune de Carentoir procédé à l'audition dudit POTIER que nous avons fait comparaître devant nous de la... (?) verbalement. Louis POTIER laboureur et passager du Gueslin en Saint Martin sur aoust, demeurant au village du Gueslin Lequel interrogé sur le bruit de la mort du Citoyen HUREL et circonstances a dît après avoir prêté serment. Ayant la main levée de dire vérité qu'ayant entendu parler ici de la mort dudit HUREL et qu'il avait été tué par neuf ou dix hommes armés, habillés en bas Bretons et parlant leur langage il avait entendu dire dans son village hier à son retour de Roche des Trois ou il était que le mesme nombre de neuf & dix personnes armées, habillées en bas Bretons et parlant leur langage avaient passés au gué après midy et avaient pris le chemin qui conduisait du côté de Ruffiac et Tréal sans qu'on sait, ce qu'ils sont devenus, ni lui mesme n'avoir su - que par la rumeur qui - dépend d'assassinat dudit HUREL, ni aucunes circonstances d'icelui Lecture lui faitte de sa déposition il a déclaré qu'elle contient vérité ni vouloir augmenter ni diminuer y persister et a signé: ROCHER Agent National, JOGAREL, Pierre HERVE PERRIN, SICHET Greffier, Louis P0TTIER, Le ROY Juge de Paix.» C'est tout ce que le juge Le Roy put tirer du «passager». Comme la plupart de ses confrères Louis Pottier était tout acquis à la chouannerie. A propos des «passagers», il faut faire un effort d'imagination pour se représenter la situation à cette époque où il n'y avait que fort peu de ponts pour enjamber les rivières; d'où la nécessité d'avoir recours à des passeurs dont l'importance était vitale. Durant la chouannerie presque tous les passages d'eau étaient contrôlés par les chouans, à commencer par Louis Potier chouan notoire qui tenait le Gueslin sur la rivière «d'Aoust». Le pont Corbin sur l'Aff était tenu par un des Desbray de Coquelin, le moulin du Quihan sur l'Arz était aussi aux mains des chouans. L'important passage de l'étier de Béganne était surveillé pas un cabaretier du nom de Boceno, tout acquis au général Sol de Grisolles, l'adjoint de Cadoudal. Saint Perreux et Bougro avaient comme passeurs les chouans de Saint Vincent sur Oust. Branféré était desservi par Gilles Sebilet tout dévoué à Monsieur de Pioger, qu'il cacha plus d'une fois. Le pont d'Oust était un point de rendez-vous pour les gars de Peillac et des Fougerets. Mais certains «passagers» avaient été achetés secrètement et étaient étroitement surveillés par les bleus. Ce sera le cas de Greslier au port de Roche, ayant voulu faire des difficultés pour passer des insurgés il vit sa barque coulée. La femme Pichon du moulin de Rieux en Saint Martin disparaîtra le 27 décembre 1795 pour avoir voulu trahir les royalistes. Travaillent avec les passeurs chouans des personnes sures, chargées d'avertir de l'arrivée des républicains, de transmettre les consignes, d'appeler aux rassemblements. Les estafettes sont souvent des femmes ou des enfants. On se souvient du petit bossu de Malestroit Pierre Loyer qui préféra mourir plutôt que de vendre le général Sol de Grisolles dont il était le porteur de missives. Les bleus devaient, en 1794, donner l'ordre de couler tous les bateaux entre Redon et Malestroit. Ensuite le notable François Rault accompagne le juge et sa suite sur les lieux du drame, à l'angle Nord Est du parc de la Bourdonnaye. «Ils trouvent le corps de Charles Marie Hurel étendu sur le dos, vêtu d'une veste de chasse, d'un gilet de soie à fond blanc avec des fleurs roses dont le derrière est de coton blanc, des pantalons de cotonnade et de soie rose et blanche, de caleçons blancs, de souliers ferrés sous boucle, d'une chemise en toile à manchettes en mousseline avec une paire de boutons en cuivre. Il a un tour de cou avec une boucle, une paire de bas en laine blanche. Il n'a pas de chapeau. Il est étendu à près de trois toises (environ 6 mètres) de la porte du parc où il y a une large mare de sang». Le citoyen Augustin Briand officier de santé à Carentoir fut requis pour l'expertise du cadavre. Il fit les premières constatations, après avoir bien entendu prêté serment la main levée de dire toute la vérité. Briand remarque à la partie supérieure et latérale de l'occipital du côté droit une plaie d'une longueur de cinq travers de doigts, l'os coupé dans la longueur, une autre plaie d'une longueur de quatre travers de doigts pénétrant jusqu'au muscle «crotaphiste». Une autre plaie mâçhée de la longueur de trois travers de doigts sur la mâchoire brisée se poursuit jusqu'au menton, toutes ces blessures ayant été faites à coups de sabre, la dernière par un coup de feu de pistolet ou de fusil. Briand situe la mort à environ seize à vingt heures auparavant. Qu'elle a été longue l'agonie de Charles Marie dont le cadavre gît maintenant depuis la veille au soir parmi les bruyères et les genêts. Sans doute n'est-il pas mort sur le coup, la grande quantité de sang répandue à trois toises de l'endroit où il est étendu atteste ce qu'a dû être son dur calvaire, par cette belle nuit parfumée de printemps. Sans doute a-t-il tenté, se traînant péniblement depuis la porte de la bergerie, d'alerter un rare passant. Ne répondit à son angoisse que le croassement des corbeaux branchés dans les hautes frondaisons des chênes majestueux, déjà avides de participer au carnage. Personne ne viendra à son secours... Personne n'entendra ses plaintes... Et pourtant si près des siens. L'allée menant de la chapelle de la Haute Bouexière à la porte du parc et à la bergerie dénommée encore de nos jours «allée des chênes», aux arbres séculaires sera appelée par certains «l'allée de la Mort» L'expertise terminée, Le Roy accompagné de ses acolytes quitte les lieux, emprunte l'allée des chênes, se retrouve sur le chemin qui descendant mène à Serre à quelques centaines de mètres de là. Il se retrouve bientôt à la maison de Serre pour interroger les occupants de cette habitation, les membres de la famille, les voisins, les domestiques du défunt, sans oublier les deux jeunes filles désormais orphelines de père et de mère. Tous prêtent le serment, jurent ayant main levée de dire vérité sans rien omettre sur les circonstances et dépendances du drame qui vient de se jouer. La première interrogée est tout naturellement la deuxième épouse de Charles Marie Hurel, Perrine née Foulon. Agée de 24 ans, elle est mariée à notre «maistre en chyrurgie» depuis le 8 juillet 1784. Elle déclare qu'environ un quart d'heure après «soleil couché», c'est à dire vers huit heures moins le quart du soir au soleil, la maison fut envahie par une bande d'une dizaine d'hommes armés. Elle remarque à la ceinture d'un des brigands comme on appelle les chouans, quatre pistolets dépassant de sa ceinture, les autres ayant des sabres, des fusils à un et deux coups. Elle déclare qu'aussitôt la maison investie des sentinelles furent disposées devant les portes, un chouan qui parlait le français exigea, de par le Roy, qu'on lui remit toutes les armes qui se trouvaient plus ou moins dissimulées. Il s'empara d'un fusil à deux coups, de deux sabres et de deux pistolets. L'un des fusils fut trouvé caché dans le lit d'une des deux fillettes. Les autres se livrèrent à la fouille des diverses pièces du logis. Ils trouvèrent quatre cents livres d'argent métallique, trois cents livres d'assignats, deux cuillères d'argent, deux vestes, une écarlate et l'autre tissée de fils d'or. Plusieurs culottes dont une presque neuve en satin noir, une paire de bas de coton, une paire de souliers, une demie douzaine de bons mouchoirs, une montre en or, une tabatière en corne, deux rasoirs et deux médailles en argent du collège de chirurgie de Rouen, dont la plus petite avait la taille d'une pièce de trois livres, l'autre plus grande qu'une pièce de six livres, une aulne de mousseline double, deux pains de trois livres chaque, le tout estimé a deux mille quatre cent quatorze livres et quinze sols. Le pillage de la maison terminé, ils s'emparèrent de Charles Marie et l'emmenèrent d'abord hors de chez lui dans le cellier, près du four à pain. Là, ils l'encordèrent pour le conduire ensuite vers le lieu de son supplice. Telle a été la déposition de la femme de Charles Marie. Il se fait tard, le juge Le Roy décide de suspendre les interrogatoires, de les poursuivre le lendemain à son domicile à Carentoir. Seront interrogés ce neuf prairial les deux filles de la victime: Perrine Julienne, l'aînée âgée de 16 ans et sa cadette d'un an Perrine Josèphe (Hurel de la Mollaye). Ensuite ce sera au tour de Joseph Hazard, de Louis Guimard laboureur, tous les deux habitant à Serre, de Jeanne Boulois lingère native du bourg d'Augan, Louise Duglué, fille de François, femme de Jean Marie Fontaine âgé de vingt-sept ans, demeurant à la Charbonnière, près de la Haute Bourdonnaye. Perrine Julienne reprend à peu de choses près la déposition de la veille de sa belle-mère. Elle précise que c'est elle qui ouvrit une armoire de la cuisine aux brigands, mais que n'y ayant rien trouvé, à part quelques assiettes et écuelles ils n'emportèrent rien de cet endroit. Elle dit à l'un des pilleurs qu'il ne faudrait pas faire attention à ce que leur père dirait «qu'il parlerait quand on aurait dû le tuer...». Ils répondirent qu'ils ne tuaient personne, que les brigands nous faisaient beaucoup de peine. Elle déclara également qu'ils mirent beaucoup de précipitation dans leur pillage, se disant les uns aux autres de se hâter, que leur troupe ne les attendrait pas. Ils demandèrent des cordes, prirent son père et le tenant au collet l'emmenèrent près du four à pain. Ensuite elle entendit un coup de feu venant du côté de la haute Bourdonnaye, à deux cents pas de chez eux. Quant à sa sur Perrine Josèphe elle déclara que le 7 prairial au soir, une demi-heure avant soleil couché, donc vers sept heures du soir, elle partit à la recherche de son père. Elle était accompagnée de la citoyenne Boulais et de Louis Guimard. Ils se rendirent du côté de la Bourdonnaye, où Charles Marie était passé le matin. Ils ne le trouvèrent pas. S'en retournant, en passant à la métairie de la Charbonnière avec Louis Guimard, ils entendirent cinq ou six personnes qui faisaient beaucoup de bruit, en descendant le chemin qui conduit de la Haute Boissière à la porte de la Bergerie. Quatre d'entre eux leur crièrent «Qui vive !», Louis Guimard leur répondit «Amis !». Quelques instants après ils perçurent le bruit d'un coup de pistolet qui venait de la porte de la Bergerie. Rentrée chez elle, Perrine Josèphe apprit que son père venait d'être emmené de force par les brigands, après le pillage de la maison. Ce n'est que le lendemain matin que le fermier de la cour de Serre, Joseph Hazard leur annonça qu'il venait de trouver leur père étendu mort près de la porte de la Bergerie. Le témoignage de Jeanne Boulais âgée de vingt-cinq ans est le même, point pour point que celui de Perrine Josèphe. A quelques précisions près, c'est le même témoignage que fournira Louis Guimard. Celui-ci, domestique à Serre est chargé par son maître le fermier Joseph Hazard, qui vient d'avoir un enfant, d'aller à la Charbonnière avertir Louise Duglué, femme de Jean Marie Fontaine, qu'elle doit venir allaiter le nouveau-né. S'y rendant, il rencontra huit hommes, l'un deux lui demandant: - Qui êtes-vous? - «Je suis citoyen», répliqua Louis Guimard. - «Vous êtes citoyen! D'où êtes-vous donc?» - «Je suis du village plus bas.» - «Est-ce de cette maison que voilà?» - «Oui »affirma le domestique. Et aussitôt ils prirent le chemin de la maison de la Haute Boissière. Après s'être rendu à la Charbonnière, accompagné de la nourrice, de Perrine Josèphe Hurel, de Jeanne Boulais, passant à travers l'allée de la bergerie, il entendit plusieurs personnes marcher, qui faisaient beaucoup de bruit. S'étant arrêté pour les voir passer, l'un d'eux lui dit: «Qui vive?» »Ami», répondit-il, croyant avoir affaire à des «citoyens». S'en retournant à Serre étant au milieu des guérets de la Charbonnière, il entendit un coup de feu. Arrivé à la ferme, la veuve Perrine et une des deux orphelines lui demandèrent s'il n'avait pas rencontré de «brigands». Louis Guimard répondit qu'il venait de rencontrer huit hommes armés et vêtus comme on les lui décrivait, mais qu'il les avait pris pour des «citoyens»! Quant au témoignage de Joseph Hazard, le fermier de la ferme de Serre, âgé de trente-trois ans, il apporte quelques précisions supplémentaires. Il semble qu'il soit le dernier à avoir eu un semblant de conversation avec Charles Marie propriétaire de la ferme dont il est le métayer. Celui-ci lui déclara qu'une demi-heure après soleil couché, il s'était disputé avec ce groupe armé sur les landes de Fanhouet en Tréal, qu'il leur avait proposé de se battre avec lui, qu'il se fit mettre en joue par l'un d'eux, qu'il réussit à s'esquiver et à rentrer chez lui en passant par la rivière du Bousset et les pâtures en dessous du «chesne tort» de la Bourdonnaye. Cette conversation fut interrompue par l'arrivée inopinée des «brigands» qui mirent la main au collet de Charles Marie et l'entraînèrent dans sa maison. Joseph Hazard n'osa les suivre… Lorsque le pillage de la maison fut terminé, Hurel fut encordé, emmené vers sa funeste destinée par la troupe de chouans. Le lendemain matin, environ soleil levant, sur ce qu'on lui dit avoir entendu un coup de feu venant du côté de la bergerie, il s'y rendit et trouva le corps du «maistre en chyrurgie» étendu mort près de la porte de la bergerie sur laquelle son sang avait giclé. Pour cette raison elle s'appelle depuis ce jour PORTE ROUGE. Voilà l'essentiel des neuf grandes pages, d'une écriture serrée, composant les procès-verbaux du juge Le Roy relatifs à l'exécution de Charles Marie Hurel, mon ancêtre. D'autres interrogatoires, dont nous sont parvenus les procès-verbaux, vont se tenir au chef-lieu de district de Roche des Trois, autrement dit Rochefort en Terre. Perrine-Julienne et sa sœur Perrine-Josèphe, âgées respectivement de 16 et 15 ans, signent le procès-verbal de l'assassinat de leur père Charles-Marie HUREL, établi le 9 prairial de l'an II (surlendemain de sa mort). Certainement les deux signatures les plus émouvantes de «NOUS SOUSSIGNANS»