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Seigneurie ou maison noble
Haut-Bézy (Le)
SAINT-JACUT-LES-PINS
56220
Morbihan
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Voilà bientôt un an, M. de Coutance, maire de Saint-Jacut, m’ayant dit qu'il existait au lieu-dit Haut Bézy certaines traces.de constructions qui semblaient dater de l'époque gallo-romaine, je me rendis au Haut-Bézy accompagné de mon éminent collègue, M. de Laigue. Un léger examen des décombres nous fixa immédiatement nous nous trouvions en présence: de vestiges gallo-romains. • Une quantité de débris .de toutes sortes, petites pierres cubiques, tuiles à crochets et courbes, jonchaient le sol de tous côtés ; un fût de colonne. Brisé gisait dans une haie voisine ; d'autres fûts de colonnes servent encore de bornes aux angles des maisons du village moderne. Les recherches commencèrent aussitôt et nous menèrent à découvrir les substructions indiquées par mon plan. Ces substructions, seules restes du monument, furent mises à jour. . Le propriétaire du terrain nous .assura se rappeler parfaitement avoir vu une bonne partie des murs émerger de terre. Tous ces murs et décombres, m'a-t-il dit, ont servi à construire presque toutes les maisons de notre village. Le fait est que toutes ces habitations sont bâties en petites pierres cubiques à petit appareil. Dès le premier jour, nous avons été assez heureux pour mettre à jour toute la partie A (voyez le plan). Ce qui reste de murs est absolument semblable, comme maçonne, matériaux et appareil, au temple de Lehero en Allaire : c'est-à-dire maçonnerie à petit appareil de pierres cubiques et rebord extérieur du mur un peu au-dessus des fondations, le tout assez soigné. La forme seule du monument n'est pas la même qu'à Lehero. En déblayant l'intérieur, la pioche mit découvert des fragments de poteries samiennes, des vases plus communs et les restes d'un carrelage recouvert de peintures rouges (très effacées) ; sur un fond très noir, très luisant et formant une espèce de stuc très dur sur les pierres servant de .carrelage : je crois à des fresques. Une quantité considérable de pierres calcinées et de charbons semblent prouver que l'édifice fut détruit par le feu, à l'exemple.de presque tous les monuments gallo-romains de ce pays-ci. Les restes d'un muret peu soigné et traversant en longueur la partie A servait certainement à soutenir le carrelage. La longueur de la partie A (villa) est de 25 mètres, en comptant l'épaisseur des murs qui est 0m60; la largeur est de 7 mètres. Le second jour de fouilles nous fit découvrir la partie B et la partie C. Mêmes trouvailles que la première fois : poteries samiennes, tuiles, charbon, etc. ; aucune trace de carrelage ; dans la partie C une place de terre glaise battue, très bien conservée, le remplaçait certainement. La maçonnerie de toute cette partie est bien moins soignée ; je crois volontiers que nous sommes là en présence de dépendances. Longueur totale des parties B et C, 24 mètres ; longueur de la pièce C, 7 mètres (murs compris) ; largeur, 5 mètres. Une pièce de 'bronze portant l'effigie d'un César, mais dont l'inscription est indéchiffrable, a été trouvée sur les lieux. Après avoir comparé cette .monnaie à plusieurs pièces romaines en ma possession, j'ai cru y reconnaître une monnaie du règne de Domitien. Plusieurs monnaies d'or auraient été trouvées par les paysans qui les auraient vendues ! Il est indiscutable que cette habitation gallo-romaine devait être considérable et d'une certaine recherche. . A quoi était-elle destinée ? Ici nous voguons un peu à travers l'inconnu, les vestiges n'étant pas assez complets pour nous donner une indication sûre. Cependant je crois que nous nous trouvons en présence soit d'une hôtellerie, soit d'une villa dont les dépendances seraient les parties B et C du plan (moins «soignées et sans carrelage). A première vue, l'on pencherait plutôt pour l'hôtellerie, en considérant cette immense salle (A) sans séparations. Mais cette auberge se trouvait vraiment bien loin (un kilomètre) de la voie romaine de Rieux à Vannes, et le voyageur fatigué et affamé aurait eu bien du chemin à parcourir avant de trouver son gîte et sa nourriture ; d'autant plus que l'habitation était située dans un fond impossible à découvrir.de la voie. Les Romains, gens pratiques par excellence, n'auraient certes pas élevé une hôtellerie si loin d'une voie si fréquentée. . Il est vrai qu'à peu de distance de Bézy il existe un ancien chemin se dirigeant de Rieux vers Rochefort-en-Terre en traversant la voie romaine. à Château-Moulac et que les paysans baptisent pompeusement du nom de chemin romain un vieux titre, du. xv siècle le nomme chemin Rjensis, Je ne vois dans cette vieille route qu'un chemin du moyen âge, par lequel les sires de Rieux se rendaient au château de Rochefort dont ils étaient seigneurs. Reste donc l'hypothèse d'une villa, dont la partie A était l'habitation, assez élégante si l'on en juge d'après les restes do carrelage, et dont les parties B et C seraient les dépendances. Au moment présent il ne reste plus rien des substructions découvertes ; malgré nos supplications, le propriétaire ayant besoin do son champ a tout détruit et la charrue des barbares a sillonné les fondations de la cité romaine. DE GIBON: